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Ménages. Quand l’endettement inquiète

La Banque centrale a passé au crible le niveau d’endettement des hauts revenus, fonctionnaires, salariés et des jeunes de moins de 30 ans. L’étude soulève d’importantes problématiques liées à l’endettement croissant des Marocains.

27% d’endettement pour les moins de 30 ans, 34% pour les hauts revenus, 42,7% pour les fonctionnaires… Un piège insidieux serait-il en train de se refermer lentement sur les finances de certains Marocains. Les chiffres inquiétants du rapport de Bank Al-Maghrib sur la stabilité financière en disent long.

Le rapport dévoile des chiffres clés de l’endettement au Maroc et les profils dont le niveau d’endettement commence à préoccuper. Ce qui soulève d’importantes problématiques liées à l’endettement croissant des citoyens et leur stabilité financière.

L’analyse met en lumière les disparités socioprofessionnelles et les différences de revenus dans l’endettement des Marocains, tout en soulignant les défis spécifiques auxquels font face un certain nombre de profils.

Les hauts revenus marocains, les plus endettés

Premier constat : le rapport met en évidence une corrélation positive entre les niveaux de revenus élevés et les taux d’endettement au Maroc. En effet, les tranches de revenus supérieurs à 6.000 dirhams concentrent la majorité de l’endettement des ménages.

Les citoyens gagnant plus de 10.000 dirhams par mois affichent un taux d’endettement de près de 34% de leurs revenus tout en bénéficiant de 64% du montant total des crédits accordés. Ceux avec des revenus compris entre 6.000 et 10.000 dirhams ont un endettement représentant 37% de leurs salaires pour une part de 21% des crédits. De manière plus alarmante, le rapport indique que 82% des Marocains très endettés, avec une charge de dette supérieure à 40% de leurs revenus, ont des salaires dépassant 6.000 dirhams. Ils concentrent à eux seuls 83% des crédits accordés à cette catégorie à risque.

Cette situation peut s’expliquer par plusieurs facteurs. D’une part, les Marocains aisés disposent d’une plus grande capacité d’emprunt et d’endettement auprès des banques grâce à leurs hauts revenus. Ils accèdent donc plus facilement au crédit pour financer leurs besoins.

D’autre part, leurs niveaux de vie et aspirations de consommation plus élevés les poussent à s’endetter davantage pour l’acquisition de biens immobiliers, de véhicules haut de gamme ou pour d’autres dépenses ostentatoires.

Cependant, un tel niveau d’endettement, même pour les hauts revenus, comporte des risques importants en cas de retournement économique ou de perte d’emploi. Leur train de vie pourrait devenir rapidement insoutenable.

Fonctionnaires et salariés : Les plus touchés par le poids de la dette

Selon le dernier Rapport annuel sur la stabilité financière de Bank Al-Maghrib, les fonctionnaires et les salariés représentent la part la plus importante des bénéficiaires de crédits au Maroc avec 67% du total. Ils concentrent également 58% du montant global des prêts accordés en 2023. Cette prédominance s’explique par la stabilité et la visibilité de leurs revenus qui les rendent plus éligibles aux yeux des établissements de crédit.

Cependant, leur niveau d’endettement moyen est préoccupant avec des taux de 42,7% pour les fonctionnaires et 32% pour les salariés, dépassant largement la moyenne nationale de 35%. Cela signifie qu’en moyenne près de la moitié du revenu des fonctionnaires est consacrée au remboursement de leurs dettes. Cette situation d’endettement élevé peut s’expliquer par plusieurs facteurs socio-économiques.

Tout d’abord, disposant de revenus stables, ces catégories ont plus facilement accès aux crédits bancaires pour financer des projets immobiliers, l’achat de biens durables ou répondre à d’autres besoins de consommation. De plus, le niveau de vie et les aspirations en termes de confort et de standing se sont accrus ces dernières années, poussant de nombreux ménages à contracter des crédits pour maintenir leur train de vie malgré des salaires relativement modestes.

Enfin, le manque d’éducation financière et de planification budgétaire rigoureuse peut conduire à une surconsommation à crédit non soutenable sur le long terme. Si cette situation se prolonge, les fonctionnaires et salariés très endettés pourraient se retrouver en difficulté en cas de choc négatif sur leurs revenus. Un effort de sensibilisation et d’accompagnement est nécessaire pour éviter le surendettement de ces catégories socioprofessionnelles clés.

En somme, cette situation s’explique par la stabilité de l’emploi et des revenus dans ces catégories socioprofessionnelles, rendant les fonctionnaires et salariés plus éligibles aux crédits bancaires. Cependant, leur niveau d’endettement élevé soulève des inquiétudes quant à leur capacité de remboursement en cas de choc économique ou de perte d’emploi.


Les jeunes Marocains face au défi de l’endettement

Bien que représentant une part modeste de 11% des bénéficiaires de crédits, les moins de 30 ans affichent globalement un taux d’endettement moyen de 27%, inférieur à la moyenne nationale de 35%. Cependant, ce chiffre cache des disparités importantes au sein de cette tranche d’âge. En effet, le rapport révèle que 6,2% des jeunes très endettés (avec une charge de dette supérieure à 40% de leurs revenus) ont en réalité une dette moyenne ahurissante de 54,3% par rapport à leurs salaires. Une situation extrêmement préoccupante car elle les expose à un risque élevé de défaut de paiement. Les jeunes actifs font face à de nombreux défis pouvant les pousser à un endettement excessif. Leur instabilité professionnelle en début de carrière, avec des contrats précaires et des revenus plus faibles, les rend vulnérables financièrement. Parallèlement, les pressions sociales et les nouvelles aspirations de consommation peuvent les inciter à contracter des crédits rapidement pour accéder à un certain niveau de vie. Néanmoins, un recours responsable et mesuré à l’endettement peut aussi constituer une opportunité pour les jeunes d’acquérir leur premier logement ou de financer des études supérieures, investissements sur le long terme. «Pour éviter le surendettement de cette classe d’âge fragile, des efforts soutenus d’éducation financière dès le plus jeune âge sont indispensables», réagit un analyste. Les établissements de crédit doivent également faire preuve de la plus grande rigueur dans l’octroi de prêts aux jeunes afin de ne pas les exposer à une spirale d’endettement impossible à rembourser.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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