Marketing : comment l’IA réinvente la relation des marques avec la Gen Z

Entre quête d’authenticité, exigences technologiques et paradoxes générationnels, la Gen Z bouleverse les codes du marketing, de la communication et de la fidélisation. Pour répondre à ses attentes mouvantes, marques, banques et télécoms en premier, misent sur une révolution silencieuse mais puissante : l’intelligence artificielle. De la personnalisation extrême à la co-création des contenus, en passant par l’expérience omnicanale, les stratégies se réinventent à marche forcée. Tour d’horizon des nouvelles tendances.
Parmi les nombreux défis que doivent relever les marques aujourd’hui, celui d’engager durablement la génération Z s’impose comme une priorité stratégique. Cette jeunesse née avec le numérique, profondément ancrée dans l’instantanéité, l’hyperpersonnalisation et la quête de sens, redéfinit les codes du marketing. Et au cœur de cette transformation, l’intelligence artificielle (IA) s’impose comme un levier incontournable.
«L’intelligence artificielle est une vraie révolution», affirme Yassine Ziad, directeur innovation & digital banking à Crédit du Maroc.
Pour lui, elle constitue désormais le point de départ de toute logique de réflexion stratégique. «On commence désormais par l’IA pour tracer un chemin, puis on complète sur les réseaux sociaux». L’IA n’est plus une option, c’est une composante structurelle de la prise de décision, notamment dans les univers bancaires et télécoms, où elle permet d’optimiser en continu la relation client à travers la data. Même constat chez Hind Khouy, directrice Marketing chez inwi, qui souligne que l’intelligence artificielle est un boulevard pour répondre aux attentes des consommateurs en temps réel.
Grâce à l’analyse prédictive et au traitement des comportements en ligne, les marques peuvent désormais proposer une «next best offer» micro-segmentée, adaptée aux usages, au langage et au contexte personnel de chaque individu.
Une fidélité à (re)construire
Mais cette puissance technologique ne suffit pas : encore faut-il l’incarner dans des expériences mémorables. Pour Hassan Rouissi, président de l’Union des agences conseil en communication, «le capital d’une marque se construit par les micro-expériences vécues sur tous les canaux». Il plaide pour une approche «experience first», soulignant que la fidélisation des Gen Z ne repose plus sur des programmes figés mais sur une capacité à leur faire vivre des moments authentiques, intégrés à leur quotidien.
Le cas d’inwi en est un exemple emblématique. De la recharge Étoile 6, pensée pour les adolescents, à l’offre hybride pensée pour les jeunes actifs, l’opérateur a su adapter ses produits à l’évolution des besoins de cette génération. Le produit 100% digital Win, basé sur la personnalisation en temps réel, illustre parfaitement cette mutation. «C’est une machine de guerre qui leur parle parce qu’elle est fluide, transparente et contrôlable à volonté», explique Hind Khouy. La génération Z ne se contente pas de consommer, elle veut être actrice. «Co-construisons avec eux», insiste Hassan Rouissi. Le marketing ne peut plus leur parler d’en haut.
Les marques doivent intégrer les jeunes dans les processus créatifs, les écouter, leur donner la parole, et surtout refléter leurs valeurs : authenticité, éthique, transparence, et, paradoxalement, une consommation responsable… mêlée à une appétence pour la fast fashion.
Siham Malek, directrice générale du cabinet Integrate (affiliate of Kantar), évoque la montée du «thrift shopping», illustrée par l’exemple de Decathlon qui propose du matériel de seconde main. «Ma fille de 20 ans achète sans problème des vêtements d’occasion», note-t-elle. Mais dans le même temps, la Gen Z ne renonce pas à Shein ou Zara : elle jongle entre conscience écologique et recherche de style instantané à petit prix. Ce nouveau rapport à la consommation implique aussi une réinvention des formats publicitaires.
Pour lui, le renouvellement des équipes, l’intégration de jeunes profils et la co-création de contenus sont les seules voies viables. Objectif ? Parler leur langage, à leur rythme, sur leurs plateformes. «Il faut arrêter les publicités copiées-collées avec les mêmes musiques, les mêmes visuels, les mêmes canaux», tranche-t-il. Peut-on encore parler de fidélisation dans ce contexte ?
Oui, mais à condition de revoir en profondeur les modèles traditionnels. «La fidélisation, ce n’est pas une carte à tamponner, c’est faire vivre une émotion à travers des expériences uniques», résume Khouy. Qu’il s’agisse d’offrir un ballon de match à un fan de football ou un accès VIP à un concert, chaque geste compte, tant qu’il touche à une corde sensible du consommateur.
Cette fidélisation émotionnelle, couplée à une digitalisation fluide, constitue le cœur de la relation marque-client de demain.
«Les Gen Z adoptent aussi vite qu’ils zappent. Ce qu’ils attendent, c’est une expérience vraie, cohérente, personnalisée et transparente», conclut Yassine Ziad.
Face à une génération qui scrute, évalue, teste et rejette à la vitesse du scroll, les marques n’ont plus d’autre choix que de se réinventer. L’intelligence artificielle offre les outils. Les valeurs, l’authenticité, la co-création et l’expérience composent le terrain de jeu. La fidélisation ne se décrète plus, elle se construit à chaque interaction. Et c’est précisément dans cette capacité à comprendre, à dialoguer et à s’adapter en temps réel que réside l’avenir.
Mesure, feedback et adaptation
Dans un univers où tout peut – et doit – être mesuré, les indicateurs classiques (brand equity, engagement, satisfaction) restent en place. Mais ce qui change profondément, c’est la manière de les interpréter.
«Les KPI ne changent pas, c’est notre regard sur eux qui doit évoluer. Ce n’est pas le chiffre qui compte, mais ce qu’il dit du lien entre la marque et son public», relève Siham Malek, DG du cabinet Integrate, affiliate of Kantar.
Ce regard neuf est indispensable pour décrypter une génération habituée à interagir en temps réel, à commenter, liker, recommander… ou rejeter. C’est une génération qui donne du feedback et attend que ce dernier soit écouté.
«Il faut aller chercher la satisfaction à deux niveaux : à chaque micro-interaction (bottom-up) mais aussi dans l’expérience globale (top-down)», insiste Yassine Ziad, directeur Innovation & Digital banking à Crédit du Maroc
La mesure devient alors un exercice complexe, car multipliée par la diversité des points de contact et des canaux. La question de l’attribution, soit savoir précisément ce qui déclenche l’acte d’achat ou l’engagement, devient centrale.
«Avant, on avait peu de canaux. Aujourd’hui, tout est fragmenté. Il faut être technologiquement mature pour mesurer avec précision», souligne Hassan Rouissi, président de l’Union des agences conseil en communication.
Mais au-delà des outils, c’est la capacité à s’adapter rapidement qui fait la différence. Certaines grandes marques, trop rigides, peinent à rivaliser avec des acteurs plus agiles, créés avec et pour la Gen Z.
«Les marques nées avec cette génération fonctionnent en mode sprint. Les autres doivent revoir toute leur organisation pour rester pertinentes», constate Siham Malek.
Autant dire que la Gen Z impose une nouvelle grammaire marketing, fondée sur la fluidité, l’écoute active et l’innovation rapide. Les marques capables d’intégrer ces dynamiques gagnent en pertinence. Les autres risquent l’effacement.
Ilyas Bellarbi / Les Inspirations ÉCO