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Marché du travail : quatre défis majeurs à relever

Les experts de la Banque mondiale ont adjoint un «Focus spécial marché du travail» au quatrième rapport sur la situation économique de notre pays face à la pandémie de Covid-19 et ses perspectives à court, moyen et long termes qui vient d’être publié. Il en ressort que le marché marocain de l’emploi souffre de plusieurs dysfonctionnements qui pourraient être éradiqués en relevant quatre défis majeurs. Les détails.

La Banque mondiale (BM) vient de publier son quatrième rapport sur la situation économique de notre pays face à la pandémie de Covid-19 et ses perspectives à court, moyen et long termes (Cf. Les Inspirations ÉCO, édition du 30/6/2021). Une fois n’est pas coutume, les experts de l’institution de Bretton Woods ont adjoint un «Focus Spécial marché du travail» au rapport. Sans doute, pour rappeler à nos autorités les importantes mesures à mettre en œuvre, au plus vite, pour que le marché du travail puisse contribuer, à moyen terme, au développement et à la croissance économique, tout en générant des opportunités pour tous. L’heure est en effet grave pour l’emploi au Maroc, et le diagnostic mené par la Banque mondiale, en collaboration avec des think tanks marocains et le Haut-commissariat au plan (HCP), est implacable. Selon ces experts, les marchés du travail marocains présentent des dysfonctionnements de longue date qui pourraient handicaper le caractère inclusif de la reprise économique post-Covid.

Plusieurs goulots d’étranglement
Parmi ces dysfonctionnements, il a été d’abord relevé que, malgré sa croissance soutenue au cours des dernières décennies, l’économie marocaine n’a pas réussi à générer suffisamment d’emplois pour absorber l’augmentation de la population en âge de travailler. En effet, alors que celle-ci s’est accrue d’en moyenne 372.000 individus par an entre 2001 et 2019, l’économie n’a pu créer en moyenne que 112.000 emplois supplémentaires par an, laissant un déficit annuel moyen de 262.000 emplois. Un écart qui s’est même aggravé, puisqu’il est passé de 227.000 entre 2001 et 2009 à 300.000 entre 2010 et 2019. Il en résulte que la croissance économique de notre pays n’est pas intensive en emplois, et ce problème semble s’être aggravé avec le temps.

Le deuxième dysfonctionnement relevé est que la situation démographique du Maroc constitue une opportunité économique sous-exploitée pour le pays. Le taux de dépendance (part de la population totale de moins de 15 ans ou de plus de 65 ans par rapport à la population en âge de travailler) a, en effet, nettement diminué entre 1970 et 2010. En outre, il devrait rester à un faible niveau au cours des deux prochaines décennies. Cela est en grande partie dû à une forte baisse du taux de fécondité, qui est passé de 7 enfants par femme en 1960 à environ 2,2 en 2014 (HCP, 2016). En conséquence, on observe à la fois un ralentissement de la croissance de la population globale et un changement dans la structure de la population. Une telle augmentation de la population en âge de travailler a le potentiel de stimuler la croissance économique, ce que l’on appelle la «fenêtre d’opportunité démographique». Le troisième dysfonctionnement porte sur le fait que les taux d’inactivité sont également élevés et en augmentation.

La catégorie des inactifs, qui représentait environ 9 millions de personnes en 2000, a depuis augmenté pour atteindre environ 14 millions en 2019. Au lieu de diminuer, comme on pouvait s’y attendre en raison de l’augmentation des niveaux d’éducation, l’inactivité des femmes a augmenté au cours des dernières décennies, faisant du Maroc l’un des pays les moins performants en termes de participation des femmes à la population active (PFPA). Quatrième dysfonctionnement : l’informalité a diminué mais reste très répandue. Entre 2000 et 2019, le nombre de salariés formels n’a augmenté que de 1,3 million d’individus.

Cependant, la majorité des travailleurs marocains (près de 3 millions en 2019, soit 54,6 pour cent des salariés) continuent de ne pas payer d’impôts sur leurs revenus, n’ont pas de contrats réguliers et, surtout, ne cotisent pas à un régime de retraite et ne sont pas couverts par une assurance maladie, à moins de faire partie du Régime d’assistance médicale (RAMED), régime social d’assurance maladie financé par l’État. Cinquième dysfonctionnement : le faible taux d’employabilité des diplômés de l’enseignement post-secondaire constitue une source de préoccupation majeure.

De manière surprenante, il est constaté que les personnes hautement diplômées affichent des résultats médiocres sur le marché du travail. En 2018, la population en âge de travailler ayant fait des études post-secondaires représentait 26% des chômeurs, tandis que la part de la population active ayant fait des études supérieures était de 10%, diminuant à 5% dans le cas des inactifs. Sixième dysfonctionnement : la main-d’œuvre a tendance à se diriger vers les services à faible productivité et le secteur de la construction, ce qui suggère que la transformation structurelle de l’économie marocaine est lente. En somme, pour sortir de ce goulot d’étranglement, qui empêche le marché du travail de contribuer efficacement au développement économique du royaume, les experts de la BM, qui travaillent actuellement main dans la main avec des think tanks marocains et le HCP, ont identifié une marche à suivre qui passe par le relèvement de quatre défis majeurs.

Les clés du succès
D’abord, il s’agit d’accélérer la transformation structurelle pour créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité dans des secteurs à plus forte productivité. Les expériences de développement réussies, qui se traduisent par une forte création d’emplois, ont été menées par un processus de changement structurel, où les ressources se déplacent au fil du temps des secteurs et activités les moins productifs vers les plus productifs, est-il expliqué. Le Maroc a connu une certaine transformation structurelle, mais le processus a été lent par rapport à celui des pays de comparaison. En effet, les travailleurs ont quitté l’agriculture, mais sans que les emplois industriels puissent les absorber. Parallèlement, l’augmentation de la part des services a également été lente par rapport aux pays de comparaison, et une grande partie des travailleurs reste engagée dans les services informels. Ensuite, il faut parvenir à encourager la formalisation et améliorer la qualité des emplois en étendant les avantages de celle-ci à certains secteurs.

En effet, malgré l’augmentation de la formalisation, la majorité de la population active reste dans le secteur informel, et ces travailleurs ou indépendants n’ont pas accès à des contrats réguliers, à des régimes de retraite ou à une assurance maladie de qualité et fiable.

La réforme fondamentale du système de protection sociale et d’assurance maladie, qui est en train d’être amorcé, va étendre la couverture de l’assurance maladie et des allocations familiales aux personnes travaillant dans le secteur informel, ce qui constitue un changement très important. Mais la persistance de l’informalité dans certaines parties de l’économie est probablement le reflet d’une faible productivité. L’augmentation de la productivité et de la formalisation, qui pourrait également avoir un impact important sur les recettes fiscales, doit rester un objectif important pour l’économie marocaine. Le troisième et avant-dernier défi identifié par les experts de la BM a trait aux femmes. Il s’agit d’augmenter la participation des femmes à la population active et de faciliter leur accès à de meilleurs emplois. La participation des femmes à la population active (PFPA) du Maroc était proche de 22% en 2019, ce qui est un taux faible, même au sein de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA).

De plus, c’est un problème qui s’est aggravé malgré une amélioration continue de l’accès des femmes à l’éducation. En outre, parmi les femmes qui travaillent, beaucoup occupent des emplois de faible qualité. L’exclusion des femmes d’une pleine participation au marché du travail indique qu’il est nécessaire de s’attaquer à divers facteurs, notamment les normes sociales persistantes qui peuvent limiter leurs options de travail. Last but not least, le quatrième et dernier défi à surmonter devra consister à soutenir les jeunes dans leur transition de l’éducation au marché du travail et réduire le grand nombre de jeunes en chômage.

En effet, les jeunes constituent une grande partie de la population qui éprouve de grandes difficultés à intégrer le marché du travail. Bien que les niveaux d’alphabétisation se sont améliorés, environ un tiers des jeunes ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET). Le phénomène NEET a laissé un grand nombre de jeunes travailleurs découragés, ce qui peut entraver leur capacité, à long terme, à acquérir des compétences et à contribuer à l’économie. En même temps, le chômage reste très élevé parmi les jeunes bien formés, ce qui aura des conséquences préoccupantes pour l’économie et l’inclusion sociale à l’avenir. Terminant sur une note d’espoir, les experts ont déclaré que le Nouveau modèle de développement, qui vient d’être publié, présente des éléments fondamentaux pouvant, toutefois, mener à une croissance économique plus favorable à l’emploi. 

Aziz Diouf / Les Inspirations Éco


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