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Loi de Finances rectificative : batterie de mesures draconiennes

La version de la loi de Finances rectificative déposée au Parlement tente d’adapter les principaux secteurs économiques aux conditions actuelles, avec une série de décisions qui seront approuvées par les parlementaires durant le débat.

La liste des priorités revue
Il s’agit, durant cette étape, de fédérer l’opposition et toutes les composantes représentées au sein de la Chambre des conseillers -dont le patronat et les syndicats- autour d’une vision commune pour les mesures essentielles à prendre à partir de 2021. Hormis la baisse des prix du pétrole sur le marché mondial, aucun indicateur rassurant ne se dégage alors que le coronavirus paralyse les économies des principaux partenaires économiques du pays. La hausse du budget de la Santé devra également être institutionnalisé, l’expérience vécue jusqu’à présent ayant montré la nécessité de disposer de budgets conséquents pour les situations de crise. Le pôle social devra donc être la grande priorité du prochain Budget, notamment pour les mesures destinées à mettre en œuvre le Registre social unifié (RSU) dès l’année prochaine. Les chantiers urgents de l’État pour l’année prochaine s’articulent autour du ciblage, qui a franchi un cap important durant l’entame de la crise sanitaire. Plusieurs nouvelles réglementations seront finalisées durant la 2e moitié de l’année 2020 afin de permettre la couverture médicale de base d’atteindre les objectifs tracés pour les 5 prochaines années. L’engagement gouvernemental d’atteindre 90% de taux de couverture d’ici 2025 demeure réalisable, au vu des chantiers programmés par l’ensemble des intervenants pour la pérennisation du régime. Concernant l’année en cours, outre l’amorce, en janvier dernier, du processus de renouvellement des conventions, le gouvernement devra se focaliser sur les mesures devant améliorer l’offre de soins.

La suppression des postes budgétaires
Avec l’orientation actuelle, qui ne prévoit des postes budgétaires que pour 3 ministères, l’État compte se focaliser sur les secteurs de l’Éducation et de la Santé afin de renforcer les effectifs. Le plan gouvernemental pour l’emploi, destiné aux jeunes diplômés, s’appuiera durant la période 2020-2021 sur les secteurs de l’Enseignement, de la Santé et les projets d’infrastructures lancés par les établissements publics en vue de redonner confiance aux jeunes titulaires de licence. Le plan d’action de 2020 devra aussi tenir compte des pistes qui seront préconisées par le comité de veille en matière d’emploi. Cet organisme a en effet un rôle crucial à remplir pour apporter les correctifs nécessaires au dispositif prévu par le plan national et «redresser» l’offre du marché du travail. Pour l’ensemble du dispositif prévu par le programme national, le bilan gouvernemental montre une forte insertion des jeunes chercheurs d’emplois dans les divers programmes du plan national, au nombre de 287.000. La réadaptation des mécanismes d’observation du marché du travail, à travers la mise en place de structures qui produisent des chiffres fiables et qui se basent sur le nombre des emplois créés de manière effective, est également à l’ordre du jour. Il s’agit de la mise en œuvre, durant la période 2020-2021, d’une nouvelle approche régionale qui devra prévaloir à travers des diagnostics réalisés en partenariat avec des organismes internationaux, qui ont permis d’identifier les secteurs pouvant être soutenus au niveau de chaque région.

Les pistes de sortie de la crise économique et sociale
La précarité préoccupe la majorité et l’opposition au sein des deux chambres du Parlement, et le sort des populations précaires reviendra certainement en tête des sujets qui seront discutés durant le débat autour de la Loi de Finances rectificative. En effet, une unanimité s’est dégagée entre les formations parlementaires sur la nécessité de mettre en place une vision claire et réalisable pour le soutien des populations ayant perdu leurs revenus pendant près de 3 mois. La carte des besoins a quant à elle été actualisée durant cette période. Les préparatifs lancés consistent essentiellement à trouver les modalités adéquates pour limiter l’impact de l’arrêt des activités, et trouver les canaux via lesquels les personnes impactées et leurs familles pourront bénéficier des mesures de soutien qui seront affectées aux couches ciblées. L’objectif des aides débloquées durant les mois d’avril et mai derniers était l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages considérés comme en état de pauvreté relative ou absolue. Le gouvernement vise actuellement à mettre en place un dispositif d’information faisant office d’outil de décision pour les agents locaux, dans l’objectif de renforcer l’identification des personnes méritantes dans chaque province sur la base d’une série d’indicateurs prédéfinis.

Les emprunts extérieurs, un véritable dilemme
L’adoption de la loi 26-20 relative au dépassement du plafond des emprunts extérieurs reste une opportunité pour le gouvernement, mais présente un véritable danger pour la maîtrise de la dette extérieure. L’argumentaire du gouvernement se base sur le fait que la nouvelle loi reste une pièce maîtresse dans le dispositif visant à prévenir le choc attendu sur l’économie nationale au cours des prochains mois, qui menace les principaux partenaires économiques du Maroc. «Nous vivons un contexte exceptionnel dans lequel la priorité est accordée à la Santé. Les seules solutions, en l’absence de médicament, reste ntle confinement et le port d’un masque de protection», indique l’Exécutif. L’arrêt temporaire ou définitif des activités a poussé le gouvernement à accorder la priorité au volet social, «même si séparer l’économique du social serait réducteur des liens qui les unissent», précise la même source. Du côté de la majorité parlementaire, il faudra aller vers les financements extérieurs pour ne pas franchir les lignes rouges. Le seuil fixé par la Loi de Finances 2020 sera donc dépassé, via le concours urgent des institutions financières. Le rôle que doivent remplir les institutions constitutionnelles durant cette période, notamment le rôle de la commission de veille, qui demeure un organe consultatif, ne doit pas éclipser celui du Parlement en cette étape de recherche des pistes de relance. Les parlementaires veulent aussi mieux s’impliquer dans le processus de prise de décisions, tout en assurant leur devoir de contrôle du gouvernement. Pour rappel, la loi 26-20 obéit aux modalités fixées par l’article 81 de la loi supérieure du pays, permettant au gouvernement de formuler des décrets-lois en lieu et place du Parlement pour répondre à des situations d’urgence.

Portefeuille public, un nouveau dispositif de gouvernance
Les relations financières entre l’État et les entreprises publiques seront encadrées par de nouvelles normes. En tête des exigences figurent la corrélation des dépenses avec les résultats et la mise en place d’une programmation 2020-2022 des contributions au Budget de l’Etat. Le portefeuille public focalise l’attention des parlementaires en cette étape d’examen du PLF 2020 à la première chambre. En effet, les rapports entre l’État et les entreprises publiques marchandes et non-marchandes devront obéir à de nouvelles exigences en vue d’un contrôle plus efficient des sociétés de l’État, mais aussi pour mieux gérer le réseau des prises de participation. En fait, il s’agira de gérer les flux de subventions allouées à certains organismes par le Budget de l’État et des taxes parafiscales affectées, mais aussi des versements effectués par les entreprises publiques, sous forme de dividendes, des parts de bénéfices, des produits de monopole, et des redevances d’occupation du domaine public. Les principales nouvelles orientations en matière de gouvernance concernent la rationalisation des dépenses des établissements publics et «leur corrélation avec la réalisation des résultats», souligne la feuille de route fixée pour la période 2020-2022. En ligne de mire également, le renforcement de la contribution des entreprises publiques au budget de la collectivité, à travers «la mise en place d’une programmation pluriannuelle des contributions et le versement en trois tranches (mars, juin et septembre) des contributions nettes de tout prélèvement fiscal». À souligner que l’appui budgétaire de l’État en faveur de son portefeuille d’établissement connaît une croissance annuelle moyenne de l’ordre de 4,8%, avec plus de 56% des déblocages du budget devant couvrir les dépenses de fonctionnement. 

Younes Bennajah
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