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Les litiges climatiques au Maroc. Omar Benaïcha : “une question de temps !”

Omar Benaïcha
Premier vice-président de l’Observatoire de la RSE

En décembre 2022, 2.180 affaires liées au climat ont été déposées dans 65 juridictions, y compris des cours internationales et régionales, des tribunaux, des organismes quasi judiciaires ou d’autres organes juridictionnels. Cela représente une augmentation constante de 884 cas en 2017 et 1.550 cas en 2020. Le Maroc n’a pas encore connu de litiges climatiques médiatisés, mais Omar Benaïcha, premier vice-président de l’Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), met en garde contre les risques que fait peser le réchauffement climatique sur des secteurs comme l’agro-industrie.

D’après le dernier rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement, les litiges climatiques sont en augmentation significative à travers le monde. Quid du Maroc ?
Jusqu’à présent, nous n’avons pas observé au Maroc de litige spécifique, de la part d’ONG ou d’associations, visant à poursuivre des opérateurs économiques dont les activités contribuent ou semblent contribuer au réchauffement climatique.

Cette tendance est actuellement phénoménale en Europe, où de nombreux lobbys d’ONG commencent à obtenir gain de cause contre des compagnies pétrolières et dans d’autres cas médiatisés, liés à cette problématique. Il est peu probable qu’au Maroc, nous ayons déjà atteint ce stade.

Cependant, il est tout à fait possible que des litiges commerciaux surviennent en raison du réchauffement climatique. Je fais ici allusion à des défauts de paiement d’entreprises confrontées à des problèmes opérationnels liés à ce phénomène. Les effets du réchauffement climatique peuvent, en effet, être la cause de tels litiges commerciaux. Bien qu’il n’y ait pas de cas médiatisé à ce niveau au Maroc, il convient de noter que Bank Al-Maghrib (BAM) a émis une directive demandant aux banques d’intégrer le risque climatique dans leurs processus de décision en matière d’investissement.

Ainsi, ce risque est désormais considéré de la même manière que tous les autres risques pour lesquels les banques effectuent des vérifications préalables et recherchent les garanties nécessaires afin d’éviter les défauts de paiement et les défauts de remboursement des crédits contractés. Par conséquent, ce type de litige est potentiellement présent, bien qu’il ne se soit pas encore concrétisé au Maroc.

Justement, parlant de risque, quels sont les secteurs les plus exposés ?
Je pense que le premier secteur qui sera potentiellement exposé à cela est le secteur de l’agro-industrie. Ce sont toutes les grandes entreprises agricoles qui cultivent des centaines d’hectares et qui exportent, utilisant beaucoup d’eau pour l’irrigation. Je pense qu’il y aura un renforcement de la diligence raisonnable à ce niveau-là.

Par ailleurs si vous faites allusion à des litiges avec des communautés par exemple, si une entreprise industrielle ou minière exploite une nappe et cause des dommages aux riverains qui n’ont plus accès à l’eau, ils existent au Maroc depuis déjà très longtemps.

Je me rappelle, lors de la COP22, qu’il y a eu des ONG locales soutenues par des ONG internationales qui ont occupé des stands d’entreprises industrielles au Maroc pour dénoncer ce type de situation où il y a un impact environnemental sur les communautés et les riverains. En outre, outre le stress hydrique, le réchauffement climatique génère également d’autres conséquences. Il y a des conséquences sociales et des perturbations dans le cycle de production qui entraîneront des perturbations de productivité, que ce soit dans l’agriculture, l’aquaculture, ou d’autres domaines.

Face au stress hydrique et à la montée des températures, a-t-on des raisons de dire que les litiges climatiques ne sauraient tarder au Maroc ?
En tout cas, d’après tout ce que je lis et tout ce dont on entend parler dans notre écosystème, on n’en est pas encore là. Cependant, je pense que, potentiellement, ce sont des choses qui vont arriver. Il pourrait y avoir des litiges liés aux dommages causés par les effets du changement climatique, ainsi que des litiges découlant de confrontations entre des entreprises et des riverains soutenus par des ONG, cherchant à établir leur responsabilité en raison des conséquences de leurs activités sur le climat. Je pense que nous ne pourrons pas éviter cela.

Quel est votre regard d’expert sur les questions de gouvernance, de résilience et de durabilité ?
Le Maroc est un pays ouvert où il y a beaucoup d’investisseurs internationaux qui arrivent, qui ont des engagements forts en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et de développement durable. Ces personnes sont une cible importante. Grâce aux réseaux sociaux et aux moyens de communication disponibles aujourd’hui, les ONG parviennent à se mobiliser entre elles, même à l’échelle internationale. Ainsi, le jour où nous serons confrontés à une situation critique dans un secteur ou une région donnée, il est possible qu’il y ait une mobilisation et des litiges en résultant. Je n’en doute pas. Ce qui nous rassure toutefois, c’est que des efforts importants sont déployés au niveau institutionnel et gouvernemental pour limiter l’impact de ce genre de situation. Des mesures colossales sont prises pour anticiper les problèmes liés au stress hydrique en particulier.

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO



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