«La coopération migratoire sera renforcée dans le programme Afrique du Nord 2017-2020»
Avec ses 26 cantons, ses 8 millions d’habitants et son économie extrêmement régionalisée, la Suisse est devenue le 5e investisseur étranger au Maroc, avec 16 MMDH. Consciente de l’évolution industrielle que le Maroc connaît, la Fédération helvétique compte changer son approche en matière de coopération avec le royaume.
Les Inspirations ÉCO : Le Maroc et la Suisse ont fêté les 60 ans de leurs relations diplomatiques. Quel bilan en faites-vous ?
Massimo Baggi : Je peux dire que les relations sont particulièrement riches et diversifiées. Nous avons ici quatre domaines d’activité parfois classiques, parfois un peu plus particuliers. D’abord, nous avons une communauté suisse qui est de 1.600 personnes, dont un tiers dans la région de Casablanca, autant à Marrakech et le reste dans les autres régions du Maroc. Une bonne partie est constituée d’hommes d’affaires. Nous avons aussi une section des visas à l’ambassade qui est particulièrement active pour faciliter les déplacements dans les deux sens. Vient ensuite une communauté d’affaires suisse qui est très dynamique. Nous avons même cette position particulière de 5e investisseur étranger au Maroc, avec des investissements de l’ordre de 16 MMDH dans différents domaines, comme l’alimentaire, la chimie, la pharmaceutique, notamment. Et puis, nous avons des échanges commerciaux d’environ 5 MMDH.
Le dynamisme des investissements suisses au Maroc n’est pas accompagné d’échanges commerciaux importants. Pourquoi ?
Étant donné que la Suisse est un pays de 8 millions d’habitants, du coup, pour 8 millions d’habitants, ces échanges commerciaux sont tout à fait normaux. Ce qui est plutôt exceptionnel, c’est l’énorme investissement des entreprises suisses au Maroc. C’est dû au fait qu’il y a beaucoup d’entreprises multinationales qui se sont installées en Suisse et qui dirigent leurs investissements vers le Maroc.
Qu’est-ce qui explique, à votre avis, cet attrait du Maroc pour les entreprises suisses ?
D’abord, la stabilité politique, une certaine confiance au niveau sécuritaire, ce qui est un facteur très important y compris pour les investissements. Et puis le développement dynamique du Maroc dans plusieurs secteurs, comme l’industrie automobile ; nous sommes aussi très intéressés par les énergies renouvelables. Il y a aussi le fait que le Maroc est souvent utilisé comme une plateforme pour investir dans les autres pays de la région, notamment en Afrique subsaharienne. Une bonne partie des entreprises suisses disposent au Maroc d’un siège pour toute la région.
Par rapport au climat des affaires, quelles sont les améliorations que l’investisseur suisse voudrait bien voir se concrétiser au Maroc ?
Je dirais certainement une meilleure interaction entre le secteur public et le secteur privé, donc une administration plus ouverte à l’écoute des entreprises. Peut-être aussi une meilleure coordination entre administrations au niveau central, mais ensuite au niveau régional. Et une plus grande transparence, une lutte plus ferme contre la corruption et des rythmes de réforme encore plus soutenus dans certains secteurs.
Le programme suisse Afrique du Nord 2011-2016 est arrivé à son terme. Quel bilan pour le Maroc et quelles perspectives pour le prochain programme ?
Nous sommes aujourd’hui entrés dans un nouveau programme 2017-2020 où nous souhaitons réorienter notre coopération au Maroc. Car à l’origine, cette coopération vient de l’aide humanitaire, alors que le Maroc s’est développé et devient de plus en plus un pays industriel. Nous souhaitons donc réorganiser notre coopération pour aller plus vers le secteur privé. Un autre changement qui s’impose par la réalité des choses sur le terrain a trait à la question migratoire. Nous allons donc renforcer notre engagement en matière migratoire au Maroc et dans la région. La grande voie d’immigration vers l’Europe passe par la Libye et l’Italie et la Suisse est frontalière avec ce pays européen. Donc beaucoup de passages se font par la Suisse. Nous pouvons être plus actifs pour mitiger ce phénomène en soutenant les populations vulnérables, mais aussi en leur donnant les moyens pour que cela devienne intéressant de participer au développement de leurs pays.
Quelle est la démarche à suivre pour un entrepreneur marocain qui voudrait investir en Suisse sachant qu’il faut s’adresser directement aux 26 cantons helvétiques ?
Vous savez, c’est aussi une chance d’avoir 26 interlocuteurs. Le fédéralisme est un élément constitutif de la Suisse et il est très poussé dans le domaine économique. Nous n’avons pas d’entité centrale dédiée à la promotion économique de la Suisse à l’étranger. Nous en sommes fiers, car nous croyons que la promotion économique doit être très proche du territoire. Les 26 cantons ont des instruments de promotion économique. Certains cantons se sont mis ensemble pour partager la communication à l’étranger. Nous avons au niveau national, également, une entreprise dont les cantons sont membres, qui s’appelle Switzerland Global Enterprise (SGE) et qui est l’interlocuteur de l’investisseur étranger. Ce dernier a quand même un guichet unique. Et c’est là où cela devient un avantage, car la SGE redirige l’investisseur vers le ou les cantons où il aura plus de chance. En recevant plusieurs offres, l’investisseur peut même mettre les cantons en concurrence pour avoir la meilleure offre.