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L’ambigüité de la TVA entre commerçants

En cas de silence d’un contrat sur l’intégration des taxes dans le prix fixé, celui-ci est réputé HT. Les magistrats de la Cour de cassation ont même étendu cette règle à certains contrats civils.

Si dans la pratique commerciale, le prix des prestations comprend généralement les taxes y afférentes, l’absence d’une telle mention peut toutefois être à l’origine de litiges au sein des juridictions commerciales. Ainsi, les différents magistrats de fonds expliquaient d’une part «qu’un usage ne pouvait être retenu que si les parties avaient entendu expressément l’adopter» et, d’autre part, «qu’en l’absence de preuve d’un accord des parties à un contrat quant à la charge définitive de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), il convenait de la faire supporter par celle d’entre elles qui en était redevable selon la loi fiscale». La Cour de cassation a finalement tranché, dans un arrêt rendu en avril 2018, indiquant que le prix exprimé sans autre précision est «présumé entendu hors taxes». En clair, opérant un revirement de jurisprudence, la haute juridiction considère que, entre commerçants, un prix fixé sans indication «hors taxes» ou «toutes taxes comprises» s’entend hors taxes. Surtout, la Cour semble aller plus loin, puisqu’en l’espèce, il était question d’une société spécialisée dans la production de jus de fruit qui avait chargé un prestataire de pérenniser l’approvisionnement de la société en oranges pendant trois ans. Un litige était né sur le paiement d’une prime de résultat, dont le contrat ne précisait pas si le montant incluait ou non la TVA. Les actionnaires soutenaient qu’il n’y avait pas lieu d’ajouter la TVA car, s’il existait un usage dans ce sens entre commerçants, il ne s’appliquerait pas en l’espèce selon eux, le contrat étant ici purement civil et eux-mêmes n’étant pas redevables de cette taxe. Les magistrats n’ont donc pas retenu leur argumentation. «Ayant constaté que la convention avait été conclue entre des professionnels en contrepartie d’une prestation de services, et qu’elle ne comportait pas la mention du paiement de taxes en sus de la prime de résultat, tandis que celle concernant la participation de 50 % sur le montant total des courtages encaissés en 2008 avait été réglée hors taxes, la Cour d’appel, qui était tenue, dans le silence de la convention, de rechercher la commune intention des parties, a souverainement retenu que cette rémunération, prévue dans un contrat entre professionnels, s’entendait hors taxes, de sorte que, la prime de résultat ayant été stipulée hors taxes, il y avait lieu d’y ajouter la TVA». En clair, selon la Cour de cassation, dans le silence du contrat et selon la commune intention des parties, cette rémunération qui était prévue dans un contrat entre professionnels s’entendait hors taxes et il y avait lieu d’y ajouter même la TVA.

Une décision difficile à interpréter
«Cet arrêt semble indiquer que les prix s’entendent hors taxes entre commerçants mais aussi entre professionnels», nous explique Ahmed Taouh, avocat à la Cour. Ainsi, on pourrait penser que, par cette décision, la Cour de cassation étend à tous les professionnels, même non-commerçants, l’usage selon lequel le prix s’entend hors taxes à défaut de précision dans le contrat. «Néanmoins, il convient de rester prudent dans l’interprétation de cette décision», alertent certains praticiens. En effet, dans cet arrêt, la Cour de cassation se fondait essentiellement sur l’appréciation, par le juge du fond, de la commune volonté des parties. En l’espèce, les juges du fond avaient considéré que les parties au contrat étaient des professionnels du monde de l’agro-industrie, les actionnaires en ce qu’ils commercialisaient leur jus de fruit, le prestataire par sa vocation de fournisseur en produits de base; et donc que la volonté qui les avait animés lors de la rédaction de la clause était imprégnée par les usages qui prédominent dans la profession; si le contrat était de nature civile, il devrait s’analyser au regard des qualités respectives des parties. «Il n’est donc pas dit que cet usage s’étende nécessairement à tous les professionnels, même non-commerçants» explique Me Taouh. Les magistrats des juridictions commerciales, de leur côté, disent «surveiller la jurisprudence à venir sur ce point». En tout état de cause, cet arrêt est l’occasion de rappeler qu’entre loi et jurisprudence, les usages peuvent s’imposer comme une alternative normative.



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