Investissements à l’étranger. Les fonds marocains s’orientent vers les paradis fiscaux
En 2018, les investissements marocains à l’étranger ont été placés en premier lieu dans des pays connus pour leurs pratiques d’optimisation fiscale. Décryptage des nouveaux chiffres de l’Office des changes.
L’année 2018 a apporté un changement de taille dans les destinations des investissements directs marocains à l’étranger. La France cède sa première place du podium au profit du Luxembourg. 1,5 MMDH ont été transférés dans ce pays l’année précédente, soit une progression de 1.300% en comparaison avec 2017, selon les données publiées par l’Office des changes. Globalement, les montants placés avec l’autorisation de l’office depuis le Maroc vers l’étranger s’inscrivent en baisse par rapport à 2017. Ce chiffre était de 11,9 MMDH en 2017, il est de 8 MMDH en 2018. Il est à noter que les opérations de 2017 ont été dopées en raison de la transaction exceptionnelle d’acquisition de Barclays Égypte par Attijariwafa Bank (5,3 MMDH). Hors de ce transfert, l’année 2018 constitue un véritable test pour le nouveau système de change flexible.
Le top 10 des pays destinataires
Le Grand duché du Luxembourg n’a intéressé les investisseurs marocains à l’étranger qu’à partir de 2012. Ainsi, les fonds marocains transférés à ce pays ont connu une croissance exponentielle entre 2012 et 2017. Ils sont passés de 700.000 DH à 103 MDH avant de se multiplier par quinze en une seule année. Précisions que le Luxembourg est connu pour sa fiscalité avantageuse. Ce pays membre de l’Union européenne (UE) subit des sanctions et des enquêtes de la part de la Commission européenne (CE). Pour l’ONG OXFAM, il est même considéré comme un «paradis fiscal». Dans le top 5 des destinations des avoirs marocains à l’étranger, nous retrouvons les Émirats arabe unis qui arrive au second rang avec 1,2 MMDH. Ce pays est classé dans la liste noire de l’UE comme «territoire non coopératif» avec la CE. À l’instar du Luxembourg, les placements d’argent vers l’émirat du Golfe ont connu un bond entre 2017 et 2018. Les montants transférés aux banques de cette place financière régionale sont passés de 1,6 MDH en 2012 à 671 MDH en 2015. La troisième destination des avoirs des Marocains à l’étranger est une autre place financière connue pour son optimisation fiscale, il s’agit des Pays-Bas. Ce pays membre de l’UE est également sous le coup de sanctions et d’enquêtes de la part de la Commission européenne pour «pratiques fiscales préjudiciables». Ce n’est qu’à partir de 2015 que l’on a observé des mouvements de fonds marocains vers ce pays européen. 674 MDH ont été transférés aux Pays-Bas en 2015 et l’année passée, les transferts vers les Pays-Bas ont dépassé 1 MMDH. Avec ce volume de transferts, ce pays dépasse pour la première fois la France, destination historique des placements des Marocains vers l’étranger. La France a capté 1 MMDH de fonds depuis le Maroc, soit le plus bas niveau depuis 2014 où les placements marocains dans les banques de l’Hexagone étaient de 1,5 MMDH mais nous demeurons bien loin des montants enregistrés en 2007 où les placements avaient atteints 2,7 MMDH. La Côte d’Ivoire arrive au cinquième rang dans les pays destinataires des fonds marocains et ceci grâce aux 552 MDH reçus en 2018. La Côte d’Ivoire se maintient et de loin comme premier pays récepteur d’Investissements directs étrangers (IDE) du Maroc sur le continent africain. Une tendance observée depuis 2009. En 2016 et 2017, les transferts avaient atteint des niveaux records respectivement de 1,7 MMDH et 1,4 MMDH. Des opérations financières coïncidant avec les investissements marocains annoncés dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. Le Liban et l’Île Maurice complètent ce classement. Ces deux pays également connus pour leurs stratégies d’optimisation fiscale ont reçu en 2018 respectivement 300 MDH et 290 MDH. Les montants reçus par les banques du pays du Cèdre en 2018 enregistrent un record absolu dans les transactions financières entre le royaume et le Liban. L’Égypte, le Mali et le Danemark complètent le Top 10 des transferts d’avoirs marocains à l’étranger.