Industrie du Gaming : inwi branche la console… en attendant les joueurs

Face à une industrie qui cherche encore son gameplay, l’opérateur télécoms affine sa stratégie pour accompagner un écosystème en friche. Si la création locale tarde à émerger, quelques signaux suggèrent déjà un début de structuration.
Longtemps relégué au rang de loisir, le jeu vidéo cherche aujourd’hui à se faire une place dans l’économie. La tenue du Gaming Morocco Expo 2025, dans l’enceinte de la Cité de l’innovation à Rabat, a confirmé cette volonté de faire émerger une filière, encore balbutiante mais déterminée à affirmer son existence.
Dans un marché mondial évalué à près de 200 milliards de dollars, le chiffre d’affaires généré à l’échelle locale – 2,2 milliards de dirhams – apparaît, certes, dérisoire. Mais il faut dire que l’essentiel se joue ailleurs. Dans l’émergence progressive d’un écosystème local, composé d’une dizaine de studios indépendants, de collectifs e-sportifs, de créateurs de contenu et de techniciens de l’ombre. Tous s’activent à structurer une offre qui dépasse la simple consommation, pour aller vers la création.
«Tant que le Maroc restera un territoire de consommation plus que de création, l’essentiel des retombées économiques continuera d’échapper à son tissu productif», confie Abdellah Alaoui Mdarhri, président du collectif du Moroccan game developers.
L’absence d’éditeurs nationaux depuis la fermeture d’Ubisoft Casablanca en 2016 illustre cette réalité. En aval, la chaîne de valeur reste incomplète, ce qui freine toute montée en gamme.
Quand le jeu devient «spectacle»
Cette fragilité se reflète également dans les usages. Si les jeux téléchargés constituent encore le segment le plus rentable, de nouveaux comportements s’imposent. La pratique active du jeu cède peu à peu la place à une consommation plus passive, mais non moins engageante.
«Avant, on s’amusait en jouant. Aujourd’hui, on regarde les autres jouer», glisse Brahim Amdouy, manager communication Corporate et Contenus auprès d’inwi. Ce basculement reflète une évolution plus subtile où le jeu devient «spectacle».
Sur les plateformes de streaming adossées aux activités du gaming, le nombre de spectateurs rivalise désormais avec celui des joueurs, et le jeu vidéo s’y impose ainsi comme un espace de sociabilité à part entière. Ce déplacement des usages s’accompagne de l’émergence d’une économie parallèle, souvent invisible pour la plupart des observateurs.
Modérateurs de forums, streamers, animateurs de communautés, concepteurs d’assets… autant de lignes de métiers, «informels» pour la plupart, qui génèrent pourtant des rentrées d’argent non négligeable. Faute de formation dédiée, ces profils se construisent en autodidactes, évoluant à la marge des circuits traditionnels. Mais pour nombre de jeunes, le gaming constitue une voie d’entrée concrète vers les industries numériques, pour autant que l’environnement soit structuré.
Soutien à la création
Pour les pouvoirs publics, l’enjeu, désormais, est de sortir le secteur de cette forme de latence. La question d’un cadre public structurant demeure entière. Si l’écosystème commence à prendre forme, il reste suspendu à l’instauration d’une politique claire en matière de soutien à la création, d’incitation fiscale, et surtout de formation. En l’état actuel, très peu d’écoles proposent aujourd’hui des cursus dédiés aux métiers du jeu vidéo, qu’il s’agisse de game design, de level design ou de narration interactive.
Dans un contexte de transformation rapide, cette carence risque d’entraver durablement la montée en compétence locale. Certains acteurs privés tentent néanmoins de prendre le relais. C’est le cas de l’opérateur inwi, qui multiplie les initiatives de structuration de l’écosystème. Partenaire du Morocco gaming expo depuis sa première édition, l’opérateur télécoms mise sur la consolidation d’une scène nationale, non seulement en assurant la connectivité, mais en accompagnant aussi les développeurs via une plateforme de distribution locale.
L’ambition, à terme, est de faire émerger des éditeurs marocains, en posant les jalons d’un écosystème capable d’attirer les talents, y compris les profils expatriés qui évoluent aujourd’hui au sein de grandes maisons internationales comme Microsoft, Ubisoft ou Electronic arts.
Le pari d’inwi est aussi de soutenir la diversification des usages, notamment à travers le développement de serious games ou de jeux à visée éducative. Car au-delà du ludique, le jeu devient un vecteur de transmission et un outil d’apprentissage, à condition de décloisonner les pratiques et d’inscrire le jeu dans une logique d’innovation.
En ce sens, la perspective de la Rabat gaming city, hub régional en gestation, poursuit cette même finalité. Conçue comme un espace de production, de formation et de diffusion, elle pourrait incarner un tournant si ces promesses se concrétisent. À présent, c’est aux acteurs publics et privés de prolonger l’impulsion, faute de quoi le jeu vidéo restera confiné au rang de marché consommateur.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO