Hro Abrou :“Notre région est prête pour amorcer son décollage”
Hro Abrou
Président du Conseil régional de Drâa-Tafilalet
Dans cette interview, Hro Abrou, président du Conseil régional de Drâa-Tafilalet, fait part de ses aspirations pour la Région après la validation récente du PDR. Il y expose les principaux chantiers de son mandat pour les six années à venir, en tenant compte des recommandations du Nouveau modèle de développement et du Schéma régional d’aménagement du territoire (SRAT).
Le Nouveau modèle de développement (NMD) constitue un nouveau référentiel à l’horizon 2035. Quelles sont les aspirations de Drâa-Tafilalet après la validation récente de son PDR ?
Au cours des dernières décennies, les Régions se sont imposées comme des acteurs incontournables de développement économique et social. En s’inscrivant dans cette perspective, de nombreux efforts ont été déployés pour renforcer l’organisation des territoires en leur donnant plus de pouvoirs, de compétences et de prérogatives pour mener à bien leurs missions. Bien évidemment, le Nouveau modèle de développement a complété ce grand chantier de régionalisation avancée. Il constitue, de facto, un nouveau référentiel de développement à l’horizon 2035. Dans ce sens, notre Région, qui est tout à fait prête pour amorcer son décollage économique et social, n’a pas manqué de se conformer aux orientations du NMD dans le processus d’élaboration de son Plan de développement régional (PDR).
Ainsi, il est prévu la réalisation de 123 projets touchant tous les secteurs. Ces derniers sont répartis de manière équitable sur les cinq provinces de la Région. Plaçant le capital humain comme maillon central de notre PDR et mettant à profit la profondeur historique de notre territoire, berceau de la dynastie alaouite, notre PDR place le Drâa-Tafilalet comme leader en matière d’économie verte et d’économie des savoirs tout en la positionnant sur les principes de développement durable. Il fait également de la question de l’eau et de la préservation des ressources hydriques, une préoccupation fondamentale puisque nous sommes conscients des fragilités de nos différents écosystèmes, notamment montagneux, oasien et désertique.
À long terme, le SRAT constitue un levier stratégique pour l’activation des orientations du NMD dans le cadre du chantier de la régionalisation avancée. Comment ce schéma compte ériger la Région en nouveau hub au service de la croissance ?
La Région de Drâa-Tafilalet est un territoire nouvellement créé (en 2015). Malgré ses nombreuses potentialités, elle est confrontée à des besoins pressants dans divers domaines. C’est dans cette optique que le SRAT, en phase finale d’élaboration, garantira une croissance régionale pour relever l’ensemble des défis qui se posent tout en respectant les différentes politiques sectorielles nationales. Le SRAT constitue aussi un levier stratégique pour l’activation des orientations du NMD dans le cadre du chantier de la régionalisation avancée.
Ce schéma fera de la protection des écosystèmes naturels et de la valorisation du patrimoine matériel et immatériel un levier de développement social et économique. Il s’inscrira ainsi dans le cadre d’un modèle dédié aux zones rurales urbanisées, dont les services sociaux de base et les autres services seront facilement accessibles.
Ainsi, la modernisation des filières traditionnelles et l’encouragement de l’entrepreneuriat et de l’économie sociale et solidaire constituent un axe fondamental de notre SRAT. Le but est d’augmenter la création de valeur et de maximiser l’impact social des activités économiques tout en préservant les écosystèmes naturels. Parallèlement, nous avons opté pour une vision stratégique optimiste.
Elle vise la transformation territoriale sur le plan économique à travers la programmation de grands projets structurants qui garantiront une croissance soutenue de l’économie régionale. Parmi les objectifs de notre vision stratégique à l’horizon 2040, il y a l’ambition de quadrupler le PIB régional, en réalisant, au cours des deux prochaines décennies, une croissance deux fois plus rapide que la croissance nationale.
Comment comptez-vous y arriver ?
Effectivement, parmi les ambitions globales de notre vision stratégique, figure la multiplication de notre PIB par quatre. Ce dernier représente actuellement une valeur de l’ordre de 17.971 DH/habitant, selon les chiffres du HCP en 2019. Cet objectif ambitieux, mais réaliste, nécessite une croissance deux fois plus rapide de l’économie régionale par rapport à la croissance nationale. De ce fait, cette ambition constitue un vrai challenge, particulièrement avec l’adoption d’un modèle d’économie verte et des savoirs comme leviers de création de richesse et d’emplois. Il faut rappeler que l’économie régionale est structurée autour de plusieurs pôles d’excellence. Il s’agit de l’énergie & mines, l’agriculture et le tourisme.
Ces derniers engendrent un dynamisme de l’investissement, et contribuent à la création de valeur ajoutée et de richesse. Partant de ce constat, notre Région abrite un ensemble de projets qui hissent le positionnement économique de notre territoire en lui permettant d’acquérir une notoriété mondiale en matière d’énergies renouvelables grâce au complexe solaire Noor de Ouarzazate. C’est le premier projet solaire élaboré dans le cadre de la stratégie énergétique marocaine, qui vise à porter la part des énergies renouvelables dans le mix électrique national à plus de 52%, à l’horizon 2030.
En plus de Noor Ouarzazate I, II, III et IV, notre Région abrite aussi des complexes solaires, notamment à Erfoud, Boudnib, Zagora et Midelt, avec une puissance totale de l’ordre de 1.487 MW. Elle dispose aussi, de surcroît, d’une station éolienne d’une puissance de 180 MW. De plus, Drâa-Tafilalet possède 40% du potentiel minier du Maroc, hors phosphate, avec des gisements importants de barytine, argent, plomb, zinc, fer… Concernant l’agriculture, la Région capte 85% de la production nationale de dattes, plus d’un tiers de celle des pommes et la totalité de la production de roses. Elle est également leader dans d’autres cultures et productions emblématiques telles que les plantes aromatiques, les olives, les amandes, le safran, le henné, le cumin…
Par ailleurs, le tourisme et le cinéma sont des piliers angulaires de création d’emplois et de richesse dans la Région. Ils contribueront sans doute à la multiplication par quatre du PIB régional à l’horizon 2040, puisque Drâa-Tafilalet est un véritable musée à ciel ouvert. Elle est dotée d’une diversité ethnique, patrimoniale et paysagère d’une valeur inestimable, de la montagne vers la plaine et le désert, en passant par les oasis.
Actuellement, la Région est classée au 9e rang en matière de répartition de la richesse nationale. Quelles seront vos priorités politiques et économiques durant ce mandat ?
Le développement économique ne peut pas se faire sans une infrastructure de base accueillante et encourageante. Entre autres, notre priorité est la mise en œuvre du PDR validé par le CRDT lors de la dernière session ordinaire. Ce PDR est l’incarnation de notre politique au profit du développement de notre économie. Il contient un certain nombre de projets qui feront l’objet de contrats État-Région, et qui permettront indéniablement de donner un nouveau départ à notre territoire qui souffre d’enclavement et de conditions climatiques défavorables. Parmi nos priorités, figurent également le développement du cadre de vie et l’assurance d’une qualité de vie répondant aux aspirations des habitants de la Région.
Cette amélioration doit permettre d’attirer des forces d’investissement extérieur en accordant une importance particulière à l’éducation et à l’emploi. En plus de ce qui est précité, nous visons l’accélération du développement du tissu économique régional par rapport aux PME et TPE. Il s’agit de mettre à leur disposition des espaces adaptés à l’exercice de leurs activités et de leur offrir des facilités logistiques et administratives tout en développant des zones industrielles viabilisées et équipées répondant aux standards nationaux. Sur ce dernier point, la Région Drâa-Tafilalet, en relation avec les services de la wilaya, les cinq provinces et le CRI, travaillent sur la mise en place de cinq zones d’activité industrielle, soit une par province.
Qu’en est-il de la question de la réduction de l’enclavement, qui demeure un enjeu fondamental pour ce territoire partageant ses frontières avec cinq Régions du Royaume ?
Effectivement, le désenclavement de notre territoire est le vrai fer de lance de la Région. Notre Conseil s’est engagé d’abord à compléter le chantier Royal de lutte contre les disparités territoriales et sociales. Ainsi, 96 projets ont été programmés pour la construction de 1.706 km de routes non classées avec un montant global de plus de 1,77 MMDH. De plus, le Conseil insiste sur l’amélioration de la connectivité aérienne avec les villes d’intérêt administratif et touristique. Il est question aussi de renforcer les liaisons aériennes internationales pour, d’une part, réduire les coûts logistiques pour les acteurs régionaux, et, d’autre part, contribuer à la promotion de la Région à l’international.
En plus des liaisons quasi quotidiennes entre l’Aéroport Mohammed V de Casablanca et les aéroports d’Errachidia, Ouarzazate et Zagora, la réflexion, menée actuellement, est de créer des nouvelles liaisons aériennes (Errachidia-Rabat, Errachidia-Fès, Ouarzazate-Marrakech et Ouarzazate-Agadir). Outre le désenclavement rural et le renforcement des liaisons aériennes, l’ouverture de Drâa-Tafilalet sur les cinq Régions frontalières est fondamentale pour améliorer la qualité de la connexion routière avec le reste du pays. Le but étant de soutenir le développement régional, notamment en matière de trafic de passagers et de marchandises. Dans ce sens, plusieurs projets ont été inscrits dans le PDR.
À titre d’exemple, on peut citer la création d’une voie express El Hajeb-Rissani, sur la route nationale N13, ainsi que la construction du tunnel d’Ourika, pour réduire le temps de transport inter-régional avec Marrakech. Parmi ces projets, il y a aussi l’élargissement et la réhabilitation de la route reliant Tinghir à Kasbat Tadla pour renforcer la connexion routière «pénétrante» en direction de Béni Mellal-Khénifra et de l’autoroute A8. Il est prévu également d’élargir la route reliant Midelt à Guercif, pour améliorer la qualité de la route qui relie directement la Région à Guercif et offre un accès à l’autoroute vers la ville de Nador, avec l’accès au port le plus proche (Nador West Med prochainement). Par ailleurs, la route entre Agdz-Agadir, via la ville de Taroudant, a été mise à niveau et élargie pour améliorer l’accès au port d’Agadir pour le renforcement des flux d’import et d’export. D’autres projets sont programmés en vue de réduire l’enclavement dont souffre la Région Drâa-Tafilalet.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO