Hicham Fenniri : “L’objectif est de parvenir à la souveraineté hydrique d’ici 2027”

Hicham Fenniri
Directeur de l’IWRI (International Water Research Institute) & VP Fondation Mascir.
Les premiers mètres cubes d’eau dessalée, acheminés depuis le complexe industriel de Jorf Lasfar, ont jailli à Khouribga, au cœur de la plus vaste réserve mondiale de phosphate. Une étape qui marque l’aboutissement d’une politique de rationalisation hydrique déployée au fil des ans par le groupe OCP.
Quel regard portez-vous sur le projet inauguré aujourd’hui, auquel l’UM6P a activement contribué ?
Aujourd’hui est un jour exceptionnel, nous célébrons une réalisation monumentale qui s’inscrit pleinement dans la vision établie par Sa Majesté il y a quelques années.
Ce projet a été exécuté avec une prouesse remarquable par les équipes d’OCP et JESA, ainsi que les autres parties prenantes. Nous avions un plan d’urgence pour garantir rapidement un approvisionnement en eau essentiel à l’industrie et à l’agriculture dans certaines régions.
Cependant, le défi majeur reste de rendre cette eau accessible, notamment aux agriculteurs, compte tenu des coûts élevés liés au dessalement (énergie, maintenance, production). C’est là qu’intervient notre travail de recherche et d’innovation au sein de l’UM6P. Notre ambition est de parvenir à réduire ces coûts et pouvoir assurer une distribution équitable de cette ressource.
La finalité de ce projet est de libérer l’eau conventionnelle pour d’autres usages ?
Grâce à la production d’eau non conventionnelle d’OCP Green Water, qui atteindra 610 millions de mètres cubes à l’horizon 2027, l’idée est de libérer les ressources importantes actuellement stockées dans les barrages. Cette eau conventionnelle ainsi économisée pourra être réorientée vers des usages agricoles, facilitant l’émergence d’une agriculture à haute valeur ajoutée dans le pays.
À terme, l’ambition est d’accéder pleinement à une souveraineté hydrique nationale, avec des objectifs encore plus ambitieux à l’horizon 2030, visant des paliers significatifs entre 1,7 et 1,9 milliard de mètres cubes par an, même si le déficit global actuel, estimé par les experts, demeure très élevé (entre 10 et 12 milliards de mètres cubes).
Comment y parvenir compte tenu du coût de revient relativement élevée du dessalement ?
Notre potentiel agricole reste encore largement inexploité, à seulement 10 ou 20 % de ses capacités réelles, alors que le Maroc pourrait devenir l’un des principaux producteurs mondiaux. Justement, notre rôle, à l’Université Mohammed VI Polytechnique, est précisément de rendre abordable l’eau dessalée par le développement de technologies nouvelles, afin de favoriser une agriculture durable et produire également des produits à haute valeur ajoutée durant le processus de dessalement lui-même.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO