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Hausse des litiges climatiques : le Maroc ne saurait être en reste

Les litiges climatiques sont en augmentation à travers le monde, mettant en évidence les défis croissants liés au changement climatique, tels que le stress hydrique et l’augmentation des températures. Quid du Maroc ?

Débats enflammés, plaidoyers passionnés…, les tribunaux deviennent le nouveau terrain de bataille pour faire face aux conséquences du changement climatique. Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement, l’année 2023 a été marquée par une augmentation significative des litiges climatiques à travers le monde, et cela ne saurait tarder au Maroc. Et ce, dans la mesure où le Royaume ne peut être considéré comme une exception à cette tendance, d’autant plus qu’il figure parmi les pays les plus exposés aux effets négatifs découlant de ce phénomène.

«Ce type de litige est potentiellement présent, bien qu’il ne se soit pas encore concrétisé au Maroc», réagit Omar Benaïcha, premier vice-président de l’Observatoire de la RSE.

Pour lui, «il pourrait y avoir des litiges liés aux dommages causés par les effets du changement climatique, ainsi que des litiges découlant de confrontations entre des entreprises et des riverains soutenus par des ONG, cherchant à établir leur responsabilité en raison des conséquences de leurs activités sur le climat. Je pense que nous ne pourrons pas éviter cela». Selon le ministère de l’Agriculture, le pays subit sa pire sécheresse depuis quatre décennies, et la situation devrait empirer progressivement jusqu’en 2050, en raison d’une baisse de la pluviométrie (-11%) et d’une augmentation annuelle des températures (+1,3°C).

En 2022, la Banque mondiale a publié un rapport sur le climat et le développement du Maroc, qui identifie trois axes prioritaires pour renforcer la résilience et réduire les émissions de carbone tout en soutenant la croissance économique et en réduisant la pauvreté. Ces axes concernent : la lutte contre la pénurie d’eau et les sécheresses, le renforcement de la résilience aux inondations, et la décarbonation de l’économie. Il faut dire que les litiges climatiques sont devenus une solution innovante pour remédier à la crise climatique, et de plus en plus de personnes se tournent vers les tribunaux pour exiger des mesures de lutte concrètes.

En 2020, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a publié un rapport intitulé «La gouvernance par la gestion intégrée des ressources en eau au Maroc : levier fondamental de développement durable» sur la gestion des ressources en eau. Le rapport propose une série de recommandations pour renforcer la gestion intégrée et décentralisée des ressources en eau à l’échelle nationale, régionale et locale.

Ces dernières comprennent, notamment, le renforcement de la concertation et de la gestion intégrée et décentralisée des ressources en eau à l’échelle nationale et régionale, la mise à niveau et l’opérationnalisation du dispositif législatif et réglementaire du secteur hydrique, l’intensification et la diversification des moyens de mobilisation des ressources en eau, ainsi que la généralisation et l’accélération des programmes d’efficacité hydrique pour l’économie et la valorisation des ressources.

Ce rapport démontre la nécessité d’une approche holistique pour faire face aux défis liés à l’eau et au changement climatique, en mettant l’accent sur la coordination et la gestion efficace des ressources. Parmi les autres éléments qui mettent en lumière l’importance de la participation citoyenne et de la prise en compte des préoccupations environnementales dans le processus décisionnel, et qui pourraient, si l’on n’y prête pas attention, suivre la tendance mondiale, se trouvent des cas concrets d’utilisation du système juridique. Leur finalité étant de faire progresser la cause environnementale et d’exiger des mesures concrètes de lutte contre le changement climatique.

Pertinence de l’approche juridique
Les cas de litiges climatiques, qui se multiplient à travers le monde, reflètent la pertinence croissante de cette approche juridique pour faire valoir les droits environnementaux et climatiques. Ils soulignent également les défis auxquels sont confrontés les acteurs judiciaires dans le traitement de ces questions complexes. En s’appuyant sur une base constitutionnelle solide et sur les engagements internationaux des pays, les litiges climatiques offrent une voie pour contraindre la partie adverse à prendre des mesures concrètes de lutte contre le changement climatique et à protéger l’environnement.

Dans un contexte mondial où ce type de litiges est en augmentation constante, il est essentiel de reconnaître l’importance de l’État de droit environnemental. L’accès à la justice permet de protéger les droits de l’Homme et l’environnement tout en favorisant la responsabilisation des institutions publiques.

Cependant, il convient de noter que les litiges climatiques ne constituent qu’une partie de la solution globale à la crise climatique. Bien que les procédures judiciaires puissent contraindre les gouvernements à prendre des mesures, la transition vers une société plus durable nécessite une action collective et coordonnée à tous les niveaux, y compris les politiques, les réglementations, les investissements et les choix individuels. Il est également important de souligner que les litiges climatiques peuvent être complexes et qu’ils nécessitent une expertise juridique spécialisée. Les avocats et les organisations de défense de l’environnement jouent un rôle essentiel en aidant les plaignants à formuler leurs demandes et à présenter leurs arguments de manière convaincante devant les tribunaux.

Essor des litiges climatiques à travers le monde
Les litiges climatiques connaissent une croissance exponentielle, selon le rapport sur les litiges climatiques mondiaux «2023 Status Review», publié par le Programme des Nations Unies pour l’environnement. Ce rapport, publié fin juillet 2023, met en évidence le recours croissant des individus aux tribunaux pour lutter contre la crise climatique. En décembre 2022, pas moins de 2.180 affaires liées au climat ont été déposées dans 65 juridictions à travers le monde, y compris des cours internationales et régionales, des tribunaux, des organismes quasi judiciaires et d’autres organes juridictionnels.

Cette augmentation constante, passant de 884 cas en 2017 à 1.550 en 2020, témoigne de l’importance croissante de ces litiges. Parmi les acteurs clés dans ces affaires, on retrouve les enfants et les jeunes, les groupes de femmes, les communautés locales et les peuples autochtones. Ils jouent un rôle de premier plan dans l’introduction de ces affaires et contribuent à la réforme de la gouvernance du changement climatique dans de nombreux pays à travers le monde. Le rapport met à jour les tendances mondiales en matière de litiges climatiques et fournit une ressource essentielle pour les juges, les avocats, les défenseurs de l’environnement, les décideurs politiques, les chercheurs, les activistes climatiques, les activistes des droits de l’Homme, les ONG, les entreprises et la communauté internationale dans son ensemble. Il souligne également l’importance de l’État de droit environnemental dans la lutte contre la triple crise planétaire du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la pollution.

Expansion géographique des litiges

Le rapport souligne également que la résolution des litiges liés au changement climatique nécessite une approche globale, en prenant en compte les droits de l’Homme des groupes les plus vulnérables de la société. Cette approche peut jouer un rôle significatif pour inciter les gouvernements et les entreprises à poursuivre des objectifs plus ambitieux en matière d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.

Selon les bases de données du Sabin Center sur les litiges liés au changement climatique, au 31 décembre 2022, plus de 2.180 affaires ont été déposées dans 65 juridictions à travers le monde. Les États-Unis représentent la grande majorité de ces affaires, avec 1.522 cas, tandis que les autres juridictions combinées totalisent 658 cas. Ces chiffres témoignent de l’expansion géographique des litiges climatiques et de la diversité croissante des théories juridiques utilisées.

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO



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