Groupements d’intérêt économique : le coup de semonce fiscal
Les sociétés en participation et les groupements d’intérêt économique feront l’objet d’un encadrement fiscal renforcé à partir de 2025, avec de nouvelles obligations déclaratives et comptables. L’objectif visé est de rationaliser et d’harmoniser leur régime d’imposition. Les professionnels attendent avec intérêt la circulaire d’application. Zoom sur ce qui va changer en 2025 pour ces structures et leurs associés, personnes physiques et morales.
Les sociétés en participation seront davantage mises à contribution fiscalement à compter de 2025, avec un renforcement de leurs obligations déclaratives et comptables. Dans le cadre de la rationalisation des régimes d’imposition, le Projet de loi de finances 2025 prévoit d’importants changements concernant l’imposition des sociétés en participation (SEP).
Selon la note de présentation, «il est proposé d’assujettir obligatoirement à l’IS toutes les SEP comprenant plus de cinq associés personnes physiques ainsi que celles comprenant au moins une personne morale».
Actuellement, les SEP dépourvues de personnalité morale sont exclues du champ d’application de l’IS, sauf option irrévocable. À partir de 2025, seront donc obligatoirement soumises à l’IS les SEP comprenant au moins une personne morale parmi leurs associés, et les SEP comprenant plus de cinq associés personnes physiques.
Détermination du résultat fiscal et déclaration d’IS
Des interrogations demeurent cependant concernant les modalités de déclaration et de paiement de l’IS pour une SEP.
La note de présentation du PLF 2025 indique que pour les SEP assujetties à l’IS, «l’imposition est établie au nom de l’associé qui a le pouvoir d’agir au nom de chacune desdites sociétés».
Comme le relève pertinemment Mohamed Belkhayat, expert-comptable et commissaire aux comptes, si cet associé désigné est une personne physique soumise à l’impôt sur le revenu (IR), cela pose la question des modalités pratiques de déclaration et de paiement de l’IS par la SEP.
En effet, une personne physique ne peut normalement déclarer et payer que ses propres revenus soumis à l’IR. Comment pourra-t-elle alors déclarer et s’acquitter de l’IS dû par la SEP dont elle n’est qu’un simple associé ? Devra-t-elle inclure le résultat fiscal de la SEP dans sa déclaration IR et payer l’IS correspondant en même temps que son IR personnel ? Ou devra-t-elle produire une déclaration IS distincte au nom de la SEP ? Dans ce cas, avec quel numéro d’identification fiscale ? Se poseront également des questions sur le paiement des acomptes provisionnels de l’IS et la détermination de la base imposable de la SEP (régime d’imposition, amortissements, plus-values, etc.).
Des précisions devront impérativement être apportées par la circulaire d’application sur ces aspects purement techniques et opérationnels, afin d’éviter tout risque de double imposition ou de vide juridique. Les professionnels comptables attendent donc des éclaircissements sur ce point particulièrement sensible. Une insécurité juridique persisterait en effet si les modalités déclaratives et de paiement de l’IS n’étaient pas clairement définies pour les SEP dont l’associé désigné est une personne physique.
Traitement fiscal des quotes-parts pour les associés
Pour les SEP assujetties à l’IS, les associés personnes morales devront inclure leur quote-part dans le résultat de la SEP dans leur propre déclaration IS. En revanche, la situation est moins claire pour les associés personnes physiques. Devront-ils intégrer leur part dans leur revenu imposable à l’IR ? Ce point soulève une interrogation importante concernant le traitement fiscal des quotes-parts de résultat revenant aux associés personnes physiques d’une SEP assujettie à l’IS.
Pour les associés personnes morales, la situation est claire. Ils devront inclure leur quote-part du résultat de la SEP dans leur propre déclaration d’IS. Cela correspond à la règle générale d’imposition des sociétés. Cependant, le texte du PLF 2025 ne précise pas le traitement applicable aux associés personnes physiques. Devront-ils intégrer leur part de résultat de la SEP dans leur revenu personnel imposable à l’IR ? Ou bien cette quote-part sera-t-elle également soumise à l’IS, auquel cas il faudra définir les modalités déclaratives comme évoqué précédemment ? Si les associés personnes physiques doivent inclure leur quote-part dans leur revenu IR, se posera la question de la catégorie de revenu concernée (revenus professionnels, revenus de capitaux mobiliers, etc.) et des tranches d’imposition applicables.
A contrario, s’ils sont soumis à l’IS sur cette quote-part au même titre que la SEP elle-même, il faudra savoir s’ils bénéficieront du taux d’IS de 20% applicable aux résultats inférieurs à 300.000 DH. Autant de points qui devront impérativement être clarifiés par la circulaire d’application, faute de quoi une insécurité fiscale persistera pour les associés personnes physiques des SEP assujetties à l’IS. Une situation ambiguë qui pourrait être source de redressements fiscaux et de contentieux avec l’Administration en l’absence de dispositions claires sur l’imposition des quotes-parts revenant aux personnes physiques.
Obligations déclaratives des associés des sociétés en participation non soumises à l’IS
Pour ces sociétés qui ne seront pas imposables à l’IS, le PLF 2025 prévoit une nouvelle exigence. Il est prévu que les autres sociétés en participation non soumises à l’IS doivent tenir une comptabilité et que leurs associés sont tenus de joindre à leurs déclarations annuelles de revenu global les documents comptables de ces sociétés, permettant de déterminer leur quote-part dans le résultat net réalisé par lesdites sociétés.
«Cela signifie que chaque associé, qu’il soit personne physique ou morale, devra joindre à sa propre déclaration fiscale annuelle les documents comptables de la société en participation dont il est membre. Ces pièces permettront de déterminer la quote-part de résultat qui lui revient au titre de cette société. Pour les personnes physiques associées, cette quote-part de résultat devra être intégrée dans leur revenu net imposable à l’IR. Pour les personnes morales associées, elle viendra s’ajouter à leur résultat fiscal imposable à l’IS au titre de leurs autres activités.
Cette nouvelle obligation vise à assurer une meilleure traçabilité et une imposition plus juste des revenus issus des sociétés en participation non assujetties à l’IS. Ce qui responsabilisera davantage les associés en les contraignant à une tenue rigoureuse de la comptabilité de ces structures.
Obligations comptables renforcées
Une nouveauté importante concerne les obligations comptables pour les SEP non assujetties à l’IS. Il est prévu qu’elles «doivent tenir une comptabilité», ce qui n’était pas obligatoire auparavant. Jusqu’à présent, ces structures n’étaient pas légalement tenues de tenir une comptabilité normalisée. Chaque associé devait simplement déclarer sa quote-part de résultat dans sa déclaration fiscale personnelle.
Cependant, le PLF 2025 change la donne en instaurant l’obligation pour ces SEP de «tenir une comptabilité», comme cela est expressément mentionné dans l’extrait. Cette nouvelle exigence de tenue d’une comptabilité pour les SEP non soumises à l’IS vise plusieurs objectifs : «assurer une meilleure traçabilité des revenus et des charges de ces structures afin de déterminer leur résultat réel ; permettre un contrôle plus efficace par l’administration fiscale des quotes-parts de résultat revenant à chaque associé ; responsabiliser davantage les gérants de ces SEP en les obligeant au respect des normes comptables en vigueur ; et harmoniser les obligations comptables de toutes les formes sociétaires, qu’elles soient ou non assujetties à l’IS», nous explique un analyste.
Concrètement, ces SEP devront donc se doter d’une organisation comptable fiable, tenir des livres réglementaires et établir des états financiers annuels selon les normes en vigueur. Cela suppose un changement de culture comptable pour ces structures souvent gérées de manière informelle jusqu’à présent. Cette réforme devrait donc permettre une imposition plus juste des résultats issus de ces SEP, mais aussi davantage de transparence dans leur gestion.
Le régime des GIE aligné sur celui des sociétés
Jusqu’à présent, les groupements d’intérêt économique (GIE) bénéficiaient d’un régime fiscal spécifique et dérogatoire par rapport aux autres formes sociétaires. Ils n’étaient pas assujettis à l’IS. Cependant, le PLF 2025 prévoit désormais «d’intégrer les GIE dans le champ d’application de l’impôt sur les sociétés». Ce qui marque donc une volonté d’aligner leur traitement fiscal sur celui des autres sociétés. Néanmoins, une particularité est prévue concernant les modalités d’imposition des GIE à l’IS.
Selon la note de présentation du PLF 2025, «leur imposition est établie au nom des personnes membres de ces groupements, à concurrence de leur quote-part dans le résultat net desdits groupements».
Cela signifie que le GIE en tant que tel ne sera pas imposé à l’IS, mais que chaque membre (personne physique ou morale) devra intégrer dans son propre résultat imposable sa quote-part du résultat net dégagé par le GIE. Pour les personnes physiques membres, cette quote-part viendra s’ajouter à leur revenu net imposable à l’IR.
Pour les personnes morales membres, elle viendra majorer leur résultat fiscal soumis à l’IS. Cette réforme vise à mettre fin au régime dérogatoire des GIE et à aligner leur imposition sur la logique générale de transparence fiscale appliquée aux autres structures, dotées ou non de la personnalité morale. Concrètement, elle devrait permettre une imposition plus juste des revenus issus des activités économiques exercées sous forme de GIE.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO