Georges Bassoul : “Le Maroc est notre principal marché en dehors de l’Espagne”

Georges Bassoul
Directeur général de Baleària
Avec l’ouverture de la nouvelle ligne Tanger-Tarifa, Baleària renforce son ancrage au Maroc et confirme ses ambitions durables en Méditerranée. Engagée dans la construction de ferries électriques et l’électrification des ports, la compagnie espagnole mise sur l’innovation verte pour répondre aux défis de demain. Son directeur général revient sur les enjeux économiques et technologiques de ce projet stratégique.
Quelle place occupe le port de Tanger Ville dans la stratégie globale de Baleària ?
La nouvelle liaison entre les ports de Tarifa et Tanger Ville renforce notre présence au Maroc, pays où nous opérons depuis plus de 20 ans et qui est devenu notre principal marché en dehors de l’Espagne. Nous nous sommes présentés à plusieurs reprises à l’appel d’offres lancé par l’Autorité portuaire d’Algésiras, et nous en avons finalement obtenu l’adjudication pour une durée de 15 ans.
Cet été, nous allons proposer entre 10 et 12 services journaliers sur la nouvelle ligne, ce qui nous permettra d’atteindre un nombre record de 22 départs quotidiens entre le Maroc et l’Espagne, en comptant également les lignes Tanger Med-Algésiras, Nador-Almería et Tanger Med-Motril. Nous espérons ainsi continuer à nous développer progressivement et dépasser le million de passagers de l’année dernière sur les lignes avec le Maroc.
Le projet de couloir vert annoncé repose sur des ferries électriques à émissions nulles prévus pour 2027. Où en est aujourd’hui le développement industriel de ces navires, et quels sont les partenaires technologiques impliqués ?
En plus de la construction des deux fast ferries électriques, le projet comprend l’électrification des ports et le système de recharge. En ce qui concerne les navires, nous nous trouvons à la phase de pré-construction, qui débutera d’ici peu dans les chantiers navals Armon en Espagne et qui devrait durer environ deux ans et demi.
Il s’agit d’un projet public-privé avec une compagnie maritime, des chantiers navals et un bailleur de fonds espagnols qui compte sur la participation de l’Autorité portuaire de la Baie d’Algésiras et de Tanger City Port. De plus, le projet fait intervenir des entreprises espagnoles et internationales de premier ordre dans les domaines de l’ingénierie et de l’énergie comme Cotenaval, Endesa, Amendis et Incat Crowther.
Quelles retombées économiques et sociales envisagez-vous pour la région de Tanger avec ce nouveau service, notamment en matière d’emplois directs ou de dynamique touristique ?
Baleària est résolument engagée envers les territoires où elle est présente, avec la conviction que, dans ce cas, elle peut jouer le rôle de moteur économique en renforçant l’emploi local et en contribuant à la croissance de l’activité économique, touristique et culturelle à Tanger et en Andalousie. Et avec le regard tourné vers 2030, année au cours de laquelle le Maroc, l’Espagne et le Portugal accueilleront la Coupe du monde de football, un grand défi mais aussi une grande opportunité.
Comment s’articule ce projet avec les politiques publiques marocaines en matière de durabilité maritime et de transition énergétique ? Baleària bénéficie-t-elle d’un accompagnement institutionnel ?
Nous travaillons au Maroc depuis de nombreuses années et bénéficions au quotidien d’une aide précieuse des autorités marocaines dans les ports où nous opérons, ainsi que des douanes et de la police.
La coordination et une communication fluide dans les relations sont essentielles au bon déroulement de nos opérations. Cela est encore plus important lors de l’opération Marhaba, pendant laquelle nous nous coordonnons toujours avec le gouvernement pour en garantir le succès. C’est ainsi que nous l’avons fait à Tanger Med et à Nador, et nous travaillons actuellement dans le même état d’esprit avec le port de Tanger Ville.
Ce projet a été très bien accueilli par les autorités marocaines, car elles apprécient tout particulièrement le niveau d’innovation et la durabilité qu’il apportera à la liaison maritime entre le Maroc et l’Espagne. Je tiens également à souligner la collaboration que nous maintenons depuis des années avec l’Office national marocain du tourisme pour promouvoir le pays en tant que destination touristique, dans le cadre de diverses initiatives.
La transition vers des navires zéro émission représente un coût important. Quel modèle économique envisagez-vous pour garantir la rentabilité de cette ligne verte tout en restant compétitif face aux opérateurs traditionnels ?
Il s’agit d’un investissement très conséquent, mais Baleària est consciente depuis des années que la durabilité et la compétitivité peuvent et doivent aller de pair. L’avenir doit être durable, sinon il n’existera pas. Notre défi pour la technologie et le respect de l’environnement nous a conduits ces dernières années à polluer moins malgré le fait que nous voyageons davantage et transportons plus de passagers, de véhicules et de marchandises.
Notre empreinte carbone par passager a baissé de près de 10% l’année dernière, grâce à l’utilisation du gaz naturel, de la propulsion électrique et d’autres mesures d’éco-efficience. Entre 2017 et 2028, notre investissement dans une flotte durable aura été d’un milliard d’euros, réparti entre quatre navires à propulsion électrique (dont ceux de la ligne Tanger-Tarifa), onze navires à moteur dual au gaz et quatre éco fast ferries.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO