Garantie du Trésor : la réforme qui met fin au buffet à volonté
L’époque où il suffisait d’élaborer un plan d’investissement pour décrocher la garantie du Trésor afin de lever des emprunts est bel et bien révolue. Les entreprises publiques doivent désormais s’engager sur des objectifs précis, voire sur une évolution de leur modèle économique. L’ex-Caisse centrale de garantie, transformée en Société de garantie et de financement de l’entreprise, mène cette révolution pour le compte du Trésor. À fin 2023, l’encours des garanties du Trésor s’élevait à 155,6 milliards de dirhams.
La réforme du dispositif des garanties du Trésor est un des éléments-clés du chantier de la restructuration du portefeuille de l’État et de son rôle d’actionnaire. Elle est à lier par ailleurs au rôle central des entreprises publiques dans l’investissement. Ainsi, ce sont, au total, 138 milliards de dirhams qui sont prévus en 2025.
Garantie au cas par cas
Le changement d’envergure de l’ex-Caisse centrale de garantie (CCG), connue sous sa marque commerciale Tamwilcom, est l’aspect le plus visible de cette réforme, mais elle n’est pas la plus radicale. En plus de son activité historique auprès du secteur privé, Tamwilcom engage dorénavant la signature du Trésor en apportant des garanties aux créanciers des entreprises publiques. Mais attention, il ne s’agit pas non plus de lui laisser carte blanche, prévient le ministère de l’Économie et des Finances.
La garantie directe de l’État ou indirecte, via la Société nationale de garantie et de financement de l’entreprise (SNGFE) est accordée au cas par cas, en contrepartie d’engagements précis de la direction de l’entreprise.
En gros, il faudra un contrat-programme qui peut apporter un ajustement à la marge, voire une transformation du modèle économique de l’entreprise qui sollicite la garantie du Trésor. C’est la doctrine initiée par Mohamed Benchaâboun lors de son passage au ministère des Finances. La garantie apportée par la SNGFE au nom de l’État, n’est pas gratuite. En plus, elle est tributaire du feu vert préalable du ministère de l’Économie et des Finances.
Selon nos informations, la commission de garantie que verse le bénéficiaire peut aller jusqu’à 2% du montant total du financement mobilisé, et ce, selon le profil du requérant. À fin 2023, l’encours des garanties du Trésor s’élevait à 155,6 milliards de dirhams, dont 124,8 MMDH au titre des emprunts extérieurs. Rien d’étonnant car les entreprises à participation publique ne présentent pas le même profil de risque. Si les bailleurs de fonds multilatéraux comme la BAD ou la Banque mondiale n’exigent pas de garantie de l’État à une locomotive comme OCP par exemple, ils ne prêtent à des entités comme l’ONEE, l’ONCF ou l’ONDA que si le Trésor leur assure une certaine «couverture». Mais jusqu’à présent, il n’y a pas eu de gros sinistre sur les échéances de la dette des entreprises publiques, rassure le ministère des Finances.
«Ces entreprises s’acquittent régulièrement du service de la dette, qu’elles soient garanties ou non», ajoute notre source.
Les engagements de garantie de la SNGFE, arrêtés à fin 2023, font ressortir une évolution de la sinistralité en phase avec les prévisions. Globalement, le niveau de sinistralité est en dessous des anticipations, assure le ministère des Finances.
Garde-fous
Cette petite révolution s’opère sous les radars des autorités monétaires, Tamwilcom étant soumise aux règles prudentielles du secteur bancaire. Bank Al-Maghrib s’assure en effet que les exigences réglementaires en fonds propres sont en phase avec les engagements en hors bilan et le dispositif de couverture du risque de l’ex-CCG.
Ainsi, et dans le cadre du schéma cible en matière de couverture prudentielle liée aux engagements de la société, trois niveaux de couverture sont mis en place : un premier niveau constitué des dotations a priori, arrêtées sur la base des règles prudentielles de Bank Al-Maghrib, et assimilées à une provision ex-ante.
Si l’on en croit le ministère des Finances, les dotations budgétaires à la SNGFE permettent, aujourd’hui, de faire face à tout choc extrême en termes d’aggravation de la sinistralité. Un deuxième niveau se rapporte au «fonds de réserve» institué par la loi portant création de la SNGFE. Celui-ci est alimenté, entre autres, par ses bénéfices auxquels l’État-actionnaire s’est engagé à ne pas toucher. Le dernier et troisième niveau de la digue du dispositif prudentiel se rapporte aux capitaux propres de la société.
Dans le cadre du suivi continu des risques liés aux garanties qu’elle concède aux entreprises, l’ex-CCG présente chaque semestre au ministère des Finances un rapport sur l’évolution des risques liés aux engagements bénéficiant des garanties de l’État, sur les niveaux de pertes éventuelles et sur le déploiement du système de couverture des risques.
Dette ou pas dette ?
Les garanties publiques, en tant que passifs conditionnels de l’État, ne constituent pas une dette du Trésor. Ce qui serait une dette latente pour une entreprise privée, ne le serait donc pas pour le Trésor. C’est le ministère de l’Économie et des Finances qui l’affirme. Mais cette position n’est pas partagée par tout le monde, et notamment pas par des organismes qui veillent à l’orthodoxie budgétaire.
À demi-mot, aux Finances, on reconnaît quand même que «ces garanties constituent une source de risques budgétaires, puisqu’elles peuvent se traduire par la prise en charge du remboursement de certaines échéances des prêts adossés aux garanties ayant fait l’objet de demande de mise en jeu».
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO