Fret maritime : la flambée des coûts nourrit l’inflation
L’onde de choc de la flambée des coûts du fret maritime résonne si fort que les répercussions sont quasi immédiates sur l’inflation. Selon des analyses, des effets significatifs des variations des taux de fret sur l’IPC sont constatés. Pire encore, ces conséquences persistent et pourraient durer encore un an.
Pour un pays comme le Maroc, qui reste ouvert au commerce international, le transport maritime revêt une importance capitale. En effet, il demeure le principal moyen d’acheminement pour le commerce extérieur, avec une contribution qui frôle les 95%.
Ainsi, en tant que pays affichant une intégration commerciale significative et une prédominance du transport maritime dans le commerce international, la structure des prix pourrait être sensible aux variations des coûts. Il est de notoriété publique que les perturbations des chaînes d’approvisionnement survenues à la suite de la crise pandémique ont renchéri les coûts du fret maritime, atteignant un sommet historique.
Les tensions politiques déclenchées peu de temps après n’ont pas arrangé la donne. Toutefois, avec toutes ces perturbations, quel est l’impact du fret maritime des marchandises sur l’inflation ? Pour y répondre, Bank Al-Maghrib a édité un document de travail rassemblant des analyses d’experts. Il en ressort que l’impact sur l’indice des prix à la consommation (IPC) est indéniable.
Mesure d’impact
Selon les estimations issues de la méthode VAR, qui intègre l’indice de la Banque mondiale des cours du pétrole et l’indice des matières premières non énergétiques, des effets significatifs et persistants des variations des taux de fret sur l’IPC, l’inflation sous-jacente (IPCX) et l’inflation des biens échangeables (IPCXE) sont observés. En effet, une augmentation de 100 points de pourcentage de l’indice Harpex entraîne une hausse de l’IPC dont le pic est de 0,3%, avec des effets persistants pouvant durer jusqu’à 8 mois.
Cependant, les effets sont plus marqués pour l’IPCX et l’IPCXE, avec des renchérissements respectifs compris entre 0,4% et 0,5% et une persistance plus importante, culminant à près d’une année.
Pour ce qui est de l’indice Baltic, les effets des hausses sur l’inflation sont globalement moins prononcés. À la différence de l’indice Harpex, le Baltic se concentre essentiellement sur les expéditions de matières premières. Certes, les impacts sont significatifs sur les prix, mais restent moins lourds comparativement aux produits destinés directement à la consommation finale ou intermédiaire.
Néanmoins, il semblerait opportun, d’une part, d’approfondir les analyses d’impact des coûts de transport maritime spécifiquement sur les prix des produits importés, notamment à travers le développement d’un indice dédié à ces produits.
Cet indice pourrait offrir une vision globale sur ces impacts, tout en permettant de distinguer les différentes catégories de produits importés, qu’il s’agisse de consommation finale ou intermédiaire. D’autre part, il serait pertinent de disposer d’indices spécifiques reflétant l’évolution des coûts de transport maritime des marchandises au Maroc.
Ces indices contribueraient à mesurer avec plus de précision les impacts des fluctuations des taux de fret sur l’inflation et sur la compétitivité des exportations. Ils aideraient également les opérateurs à mieux évaluer les perspectives de ce marché et à bénéficier d’une meilleure visibilité sur les conditions des contrats avec les compagnies internationales. Il convient de noter que le coût du transport maritime représente généralement environ 5% de la valeur des importations de marchandises, tandis que les transports aériens et terrestres n’en représentent que moins de 1%.
Cependant, au Maroc, malgré l’augmentation exceptionnelle des importations à fin 2021, la part des coûts du fret maritime a également continué à croître, atteignant 6,5% de la valeur des marchandises au quatrième trimestre de 2022. Les coûts de transport peuvent avoir un impact direct sur les prix à l’importation, ainsi qu’un effet indirect sur l’inflation en raison des charges supplémentaires supportées par les entreprises.
Flotte et infrastructure maritime
Pour y parvenir, des investissements colossaux ont été entrepris pour adapter les infrastructures maritimes. Le Maroc dispose de 12 ports de commerce offrant aux opérateurs une capacité annuelle totale de près de 243 MT.
Paradoxalement, les capacités de la flotte sous pavillon marocain ont fortement régressé, passant de 593 milliers de tonnes de port en lourd (mTPL) en 1992, à 387 mTPL en 2005, et enfin à seulement 156 mTPL en 2022. Actuellement, les compagnies marocaines possèdent 93 navires.
Ce déclin résulte d’une conjonction de plusieurs facteurs, notamment l’incapacité des compagnies locales à faire face à la concurrence des grands opérateurs internationaux après la libéralisation de ce secteur dans le sillage de la stratégie d’ouverture commerciale.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO