Formation professionnelle vs Employabilité : des ajustements sont nécessaires
La formation professionnelle doit devenir une priorité stratégique pour le Maroc. Le rapport du PCNS montre qu’elle peut devenir un levier essentiel pour améliorer l’employabilité des jeunes, répondre aux besoins du marché du travail et renforcer la compétitivité de l’économie. Cependant, pour réaliser ce potentiel, il est important de moderniser les infrastructures, d’améliorer la qualité de l’enseignement et de renforcer les partenariats entre le public et le privé.
La formation professionnelle au Maroc est au cœur des politiques de développement économique et social. Dans un contexte où le marché du travail évolue rapidement, sous l’influence de la mondialisation, de la numérisation et des exigences croissantes en matière de compétences techniques, le système de formation marocain se doit d’être réformé pour répondre aux besoins pressants du marché.
Le rapport du Policy Centre For The New South PCNS, réalisé par Aomar Ibourk et Tayeb Ghazi sur la formation professionnelle, dresse un constat clair, le Maroc doit moderniser son approche pour faire de la formation professionnelle un véritable levier de développement.
Un contexte de transformation socio-économique
Le Maroc, tout comme de nombreux pays en développement, fait face à des défis majeurs en matière de gestion du capital humain. Le chômage des jeunes reste élevé, dépassant les 29,9 % en 2023, selon les statistiques récentes. La formation générale, qui constitue encore le principal parcours éducatif pour une majorité de jeunes Marocains, ne répond pas toujours aux exigences du marché de l’emploi.
Cette inadéquation des compétences explique en partie la difficulté d’intégration des jeunes sur le marché du travail. Face à ce constat, la formation professionnelle, longtemps considérée comme une alternative de second choix, est aujourd’hui au centre des préoccupations.
Le secteur privé, particulièrement dans des industries telles que l’automobile, l’aéronautique et l’outsourcing, a un besoin croissant de travailleurs qualifiés, dotés de compétences techniques spécifiques.
Pour répondre à ces enjeux, la formation professionnelle doit être repensée et modernisée pour assurer une meilleure adéquation entre l’offre de formation et la demande du marché.
L’inadéquation des compétences : un frein à l’employabilité des jeunes
Un des principaux constats du rapport est l’inadéquation entre les compétences enseignées dans les établissements de formation et celles requises par les entreprises. De nombreux jeunes diplômés peinent à trouver un emploi à cause du manque de compétences techniques.
À titre d’exemple, dans le secteur de l’aéronautique, en plein essor au Maroc, les besoins en techniciens qualifiés restent largement insatisfaits. Les entreprises sont souvent contraintes de former elles-mêmes leurs employés pour pallier ce manque.
Le rapport d’Ibourk et Ghazi met en lumière l’importance de mieux aligner les programmes de formation avec les exigences du marché du travail. Il est impératif de collaborer étroitement avec les acteurs économiques pour définir les compétences nécessaires, notamment dans les secteurs à forte croissance. Cela permettrait non seulement d’améliorer l’employabilité des jeunes, mais aussi de réduire le taux de chômage qui pèse lourdement sur l’économie du pays.
Un partenariat renforcé entre le public et le privé
Selon les auteurs du rapport, l’un des leviers majeurs pour réussir cette transformation réside dans le renforcement des partenariats public-privé (PPP). Actuellement, les entreprises privées jouent un rôle limité dans la définition des programmes de formation. Le rapport propose de les impliquer davantage, afin de garantir que les formations dispensées répondent aux besoins réels du marché.
Les partenariats public-privé pourraient permettre de créer des formations sur mesure, adaptées aux secteurs en demande de main-d’œuvre qualifiée. Par exemple, le secteur automobile marocain, qui représente aujourd’hui le premier secteur exportateur du pays, pourrait bénéficier de programmes spécifiques pour former des techniciens spécialisés dans la fabrication et la maintenance automobile.
De plus, ces partenariats peuvent également jouer un rôle crucial dans le financement des infrastructures de formation. Le rapport souligne que les centres de formation souffrent souvent d’un manque de modernisation. La mise à jour des équipements et des outils pédagogiques est essentielle pour offrir aux apprenants un environnement de formation à la hauteur des standards industriels actuels.
Un financement insuffisant et des écarts d’accès
Le rapport met en exergue des chiffres révélateurs de l’insuffisance du financement alloué à la formation professionnelle. Alors que des progrès ont été réalisés, le budget annuel consacré à ce secteur représente moins de 1,5 % du budget total de l’éducation nationale, un chiffre jugé insuffisant pour relever les défis auxquels le système fait face.
Par ailleurs, il est urgent de repenser les modèles de financement. Le rapport recommande l’introduction de mécanismes innovants de financement public-privé pour améliorer les ressources disponibles. En outre, l’accès à la formation reste inégal, surtout pour les jeunes issus des zones rurales. Le taux de participation à la formation professionnelle dans ces régions est nettement inférieur à celui des zones urbaines, où les opportunités d’apprentissage sont plus nombreuses.
Cette situation reflète des inégalités qui risquent de creuser davantage le fossé entre les zones rurales et urbaines, déjà marqué par une disparité en termes d’accès à l’éducation et aux opportunités économiques.
Améliorer l’image de la formation professionnelle
Un autre défi soulevé par le rapport concerne l’image de la formation professionnelle. Bien que des efforts aient été faits pour revaloriser ce secteur, il reste perçu par une grande partie de la population comme une voie de secours pour les élèves en difficulté dans le système éducatif général.
Cette perception négative empêche de nombreux jeunes d’envisager la formation professionnelle comme une option viable pour leur avenir. Le rapport recommande la mise en place de campagnes de sensibilisation et de promotion pour améliorer la perception de la formation professionnelle.
Il s’agit de souligner les débouchés concrets offerts par cette voie, notamment dans des secteurs dynamiques et en forte croissance. Des exemples de réussite de jeunes formés dans ces filières pourraient être mis en avant pour illustrer les opportunités offertes par la formation professionnelle.
Vers une gouvernance plus efficace
Le rapport propose également une réforme de la gouvernance de la formation professionnelle. Actuellement, plusieurs institutions se partagent la responsabilité de ce secteur, ce qui entraîne des chevauchements de compétences et un manque de coordination.
Pour pallier ces dysfonctionnements, Ibourk et Ghazi recommandent de centraliser la gestion sous une seule entité, capable d’assurer une meilleure coordination entre les différents acteurs et de suivre les besoins du marché en temps réel.
Cette centralisation permettrait également de faciliter l’élaboration de stratégies à long terme, en concertation avec les entreprises et les branches professionnelles, afin de prévoir les évolutions du marché de l’emploi et d’anticiper les besoins en compétences.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO