Flambée des oléagineux : la Fenagri explique les enjeux
La Fédération nationale de l’agroalimentaire alerte sur les répercussions de la hausse continuelle des prix de matières premières à l’international sur le secteur oléagineux marocain.
Après la menace de boycott récemment brandie par les consommateurs, pour protester contre la hausse des prix des huiles de table, et après la réaction de Lesieur Cristal, ainsi que l’Association professionnelle des fabricants d’huile du Maroc, c’est au tour de la Fédération nationale de l’agroalimentaire (Fenagri) de réagir. Dans un communiqué diffusé en fin de semaine dernière, la Fédération alerte sur la hausse continuelle des prix des matières premières. Ainsi, la Fenagri affirme que «dans le contexte de la crise pandémique qui a bouleversé l’économie mondiale, le choc des prix s’est ressenti sur l’ensemble des actifs des matières premières sur le marché international depuis le deuxième semestre 2020». Les marchés de matières premières sont en ébullition. Les prix de nombreux produits, notamment ceux du pétrole, du maïs, du sucre, du blé, des graines de tournesol et du soja ont récemment atteint des records.
Les cours montent en flèche
Les cours internationaux de l’huile de tournesol a rebondi de plus de 90% et le soja à plus de 80%. «La production de graines de tournesol en Mer Noire, graines de soja en Amérique du sud et palme en Asie du Sud-Est a été sérieusement impacté par des conditions climatiques particulièrement inquiétantes», affirme la Fenagri dans sa communication. Les analyses «marché» des banques d’investissements estiment qu’une hausse encore plus considérable est attendue au cours des mois à venir. Justement, et contrairement à certaines matières premières qui bénéficient des dispositifs mis en place par le Gouvernement permettant d’amortir l’impact de la flambée des cours sur les prix au consommateur, les graines oléagineuses (soja et tournesol principalement) restent exposées aux fluctuations des cours mondiaux. «Ce sont les huiles brutes qui sont importées à hauteur de 95%, puis raffinées au niveau local. Elles ne bénéficient d’aucun dispositif de soutien de la part du gouvernement. Chaque hausse des cours mondiaux impacte directement le produit fini», déclare Hamid Felloun, directeur général de la Fenagri.
Les producteurs impactés
Il faut savoir que le marché national se compose de quatre principaux opérateurs de production d’huile de table. Ces derniers couvrent certainement les besoins des consommateurs en huiles de table. «Nos acteurs économiques sont responsables et citoyens. D’ailleurs, ils ont subi de plein fouet la hausse des prix des matières premières et ont supporté toute l’augmentation des dépenses liées à la pandémie pendant plusieurs mois, sans pour autant répercuter cette hausse sur le prix du produit final», tient à préciser Felloun. Il y a eu renchérissement de plusieurs facteurs de production et «aujourd’hui, les industriels marocains, n’ont répercuté qu’une partie infime du renchérissement des prix qu’ils supportent à l’international. Ceci dans le but de préserver le pouvoir d’achat du consommateur marocain», défend le directeur général de la Fenagri.
Pour une meilleure compétitivité
L’État pourra-t-il alors aider ces opérateurs ? Pour Felloun, l’accompagnement de l’État peut se matérialiser de plusieurs manières, notamment par des «programmes d’innovation dédiés et appuyés par l’État. Ceux-ci pourraient réellement contribuer à la compétitivité des entreprises marocaines». Évidemment, pour les producteurs d’huiles, il serait difficile de percevoir des aides directes de la part de l’État, dans la conjoncture actuelle. L’idée est donc de développer des alternatives de croissance pour ces opérateurs. En effet, la substitution des importations rendra ces derniers moins dépendants des aléas macro-économiques. Dans ce sens, le DG de la Fenagri assure que «toute l’industrie nationale est dans cette logique. L’idée est de mettre en place un système industriel compétitif. Pour l’industrie des huiles, c’est son écosystème global qui est concerné, notamment l’emballage, le transport, la logistique… Justement, la Fenagri, les opérateurs et le département de l’Industrie ont activé leur dynamique, celle de trouver des moyens pour produire marocain, avec qualité et la quantité requises».
Difficile de ne pas dépendre du marché international
Stopper l’importation des matières premières, dans le secteur des huiles de table? Une piste pratiquement impossible ! En effet, les graines oléagineuses (colza, soja, tournesol) sont des cultures printanières, produites sur des terres pluviales. «Nos surfaces de terres irriguées sont limitées à 1 million d’hectares sur 9 millions d’hectares de superficie agricole. Ces cultures, pratiquées au Maroc, donnent une productivité et un rendement faibles. Les conditions climatiques locales et de rendement font que ces cultures ne sont pas assez compétitives par rapport à l’importation», explique le DG de la Fenagri. D’où l’intérêt d’innover sur d’autres maillons de la chaîne de valeurs du secteur. S’ajoute un autre facteur, celui de la concurrence. Notons à ce sujet, que les producteurs nationaux sont confrontés à «une rude concurrence de la part des huiles finies importées». Le marché marocain étant libéralisé et ouvert, et avec la modification des règles d’origine de l’Union Européenne, qui stipulent que toute huile raffinée en Europe est considérée comme une production nationale exportable, ceci porte préjudice à notre production nationale.
Pas de hausse en vue sur les prix du blé et sucre
Depuis le mois de juin 2020, les cours de certaines matières premières agricoles ont accusé une hausse considérable et soutenue dans le contexte climatique relativement défavorable (sécheresse, Niña) et une reprise fulgurante de la demande chinoise. Les cours du blé, du maïs, et du sucre ont respectivement augmenté depuis avril 2020 de 45%, 77% et 89%. Les prix pétroliers ont considérablement augmenté, à partir du mois d’avril, en raison de la reprise progressive de la demande énergétique mondiale. Ainsi, et pour ce qui est du blé et du sucre, il est à noter que ces matières premières bénéficient des dispositifs mis en place par le gouvernement permettant d’amortir l’impact de la flambée des cours sur les prix au consommateur. Les répercutions de la hausse des cours à l’international sur leur prix de vente au public semble être écartée pour le moment.
Sanae Raqui / Les Inspirations Éco