Exclusif. Mohamed Hassan Bensalah : « ma feuille de route pour ce nouveau mandat »
Mohamed Hassan Bensalah. Président de la Fédération marocaine des sociétés d’assurances et de réassurance (FMSAR)
Mohamed Hassan Bensalah a été réélu à l’unanimité à la présidence de la FMSAR. Il est plus que jamais déterminé à «construire» l’offre et les canaux de distribution adéquats pour répondre aux besoins des populations à revenu intermédiaire et celles à faible revenu.
Vous venez de boucler un mandat de président de la FMSAR. Quel bilan en faites-vous?
Ces dernières années ont été charnières pour notre fédération. Plusieurs chantiers importants, liés aux assurés et au réseau de distribution, ont fait partie de notre feuille de route. D’autres sujets se sont imposés à nous, selon l’actualité du moment, tandis que d’autres nous ont été dictés par notre superviseur et concernaient principalement le renforcement de notre gouvernance et de notre solvabilité. Il faut évidemment noter que le travail effectué est le fruit des efforts de toute une équipe qui constitue le Comité directeur de la FMSAR et qui représente l’ensemble des modèles de compagnies d’assurances, en l’occurrence de grands groupes, des entreprises nationales, des filiales de groupes étrangers ainsi que des mutuelles.
Si vous deviez retenir quelques actions phares de ce dernier mandat, lesquelles choisiriez-vous?
Je citerais en premier lieu la finalisation et la mise en œuvre de la loi sur la couverture contre les conséquences des événements catastrophiques, qui constitue l’une des grandes réalisations de ce mandat. Il s’agit d’une avancée majeure dans la protection de nos concitoyens et des agents économiques. Par ailleurs, parmi un ensemble de sujets importants menés sous la supervision de notre autorité de contrôle, je citerais la convergence vers une norme de solvabilité basée sur les risques en phase avec les meilleurs standards internationaux. La première étude d’impact quantitative, menée à ce sujet, a été bouclée avec succès et nous allons prochainement démarrer la deuxième. D’autre part, nous avons également renforcé les dispositifs de maîtrise des risques en lien avec les exigences en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ou encore en lien avec les exigences de la loi américaine dite FATCA et son équivalent pour les pays de l’OCDE. Il s’agit là de sujets lourds à mettre en place au niveau opérationnel. Sur un autre registre, je soulignerais le travail formidable effectué par les équipes de la FMSAR, celles de l’ACAPS et du ministère des Finances pour faire aboutir le dispositif permettant le lancement de l’assurance Takaful, qui va venir parfaire l’écosystème de la finance participative au Maroc. Il a fallu du temps pour finaliser notre dispositif, car aucun des benchmarks mondiaux ne répondait exactement à nos contraintes et au stade d’évolution de notre système financier qui, à bien des égards, est cité en exemple dans notre région. La coopération internationale -et plus précisément au niveau de l’Afrique- est aussi un sujet important pour nous, dont le point d’orgue annuel reste le Rendez-vous de Casablanca de l’assurance, qui est devenu au fil des années un rendez-vous régional incontournable. Pour finir, je tiens à souligner les efforts effectués en matière de formation professionnelle, notamment via la mise en place de nouvelles filières en assurances, en partenariat avec les opérateurs de l’enseignement supérieur.
Votre dernier mandat a également été marqué par la lutte anti-fraude en assurance auto…
Effectivement, la fraude en assurance automobile représentait un réel problème qui s’est accentué avec l’évolution du parcours d’indemnisation que nous avons rendu plus facile et, de ce fait, moins contraignant pour les assurés. Je pense que nous revenons progressivement vers une situation plus maîtrisée, grâce notamment à l’utilisation des nouvelles technologies et au partage d’informations entre les différents maillons de la chaîne d’indemnisation.
Vous avez été réélu à la présidence de la fédération. Quelle est votre feuille de route pour ce nouveau mandat?
Nous gardons toujours à l’esprit, en toile de fond, la convergence vers les meilleures pratiques internationales en matière de gouvernance et de solvabilité, tout en les adaptant aux spécificités du marché marocain. Nous avons dans ce sens identifié plusieurs étapes avec notre régulateur pour les semaines et les mois à venir. Cette convergence exerce énormément de pression sur nos ressources et nous impose une montée en charge en termes de compétences car les sujets deviennent plus complexes. Nous avons également une feuille de route très ambitieuse en matière de transformation digitale de notre secteur. Bien que chaque opérateur mène sa propre stratégie, il n’en demeure pas moins que certains sujets sont transverses et nécessitent quelques ajustements réglementaires et/ou de convergence entre les acteurs de la place. Nous avons lancé avec l’ACAPS deux grandes études. La première porte sur la dématérialisation de l’assurance automobile et la mise en place de bases de données nationales «sinistres et production». La deuxième étude devrait nous permettre de définir une stratégie nationale concertée, en faveur de la transformation digitale du secteur.
Le taux de pénétration de l’assurance dans notre pays n’est pas loin de 4%. Avez-vous des projets pour améliorer cette situation?
Le taux de pénétration de l’assurance au Maroc est certes inférieur à celui de la France ou des pays de l’OCDE, mais il faut tout de même noter que nous sommes les mieux placés parmi les pays arabes et toute la région MENA, et que nous sommes deuxièmes en Afrique après l’Afrique du Sud. Bien que beaucoup reste à faire notamment sur certains domaines tels que la multirisques habitation ou certaines assurances de responsabilité, le taux de pénétration en assurance non-vie reste relativement élevé. C’est en assurance vie qu’il y a encore beaucoup à faire. Nous devons par ailleurs être plus créatifs pour nous adapter aux besoins de ceux et celles qui demeurent insuffisamment assurés ou sans couverture. Nous nous inscrivons d’ailleurs pleinement dans la stratégie nationale de l’inclusion financière voulue par Sa Majesté le roi Mohammed VI. Nous tenons aujourd’hui une feuille de route que nous déployons avec l’ensemble des parties prenantes, en particulier l’ACAPS et le ministère des Finances. L’objectif étant de «construire» une offre et des canaux de distribution adéquats pour répondre aux besoins des populations à revenu intermédiaire et celles à faible revenu.
La fédération a mis en place plusieurs mesures pour faire face à la pandémie. Aujourd’hui, avec un «quasi» retour à la normale, quelles sont les répercussions de ces mesures sur les performances du secteur?
Notre secteur a connu quelques perturbations durant cette crise dont la violence et l’ampleur sont sans nul doute sans précédent. Bien que présentant quelques faiblesses conjoncturelles dues essentiellement à la dépréciation de nos actifs et à la baisse de notre chiffre d’affaires, nous avons fait preuve de résilience et avons continué à jouer notre rôle en matière d’épargne et de prévoyance. Comme vous le savez, le secteur de l’assurance a fortement contribué à la solidarité nationale dans le cadre du fonds Covid-19 et a aussi soutenu ses assurés et son réseau de distribution, sans toucher aux acquis de ses salariés. Il est prématuré d’avancer des chiffres en termes d’impact sur les primes émises et les résultats du secteur pour l’année 2020, mais il est certain qu’ils marqueront un recul important par rapport à l’an passé. Ceci dit, cette crise nous a confortés dans notre capacité à nous réinventer puisque nous avons réussi à déployer rapidement des solutions qui nous ont permis de continuer à fonctionner et à délivrer nos services, tout en protégeant les assurés et en soutenant le réseau.
Quid des urgences réglementaires attendues par les opérateurs?
Pour rester dans le sujet du Covid-19, notre autorité de supervision a réagi, dès le début de la crise, en mettant en place un dispositif dérogatoire visant à alléger quelques règles prudentielles. Il s’agit essentiellement d’assouplissements des règles de provisionnement pour dépréciation d’actifs, ainsi que celles portant sur les créances sur les intermédiaires et sur les assurés. Ces assouplissements permettront de soulager les résultats des entreprises d’assurances pour l’exercice en cours avant un retour à la normale en 2021. Pour le reste, il n’y a pas d’autre urgence réglementaire à entreprendre, si ce n’est de réfléchir aux moyens de limiter l’impact de la baisse continue de la courbe des taux sur l’assurance vie. Comme vous le savez, l’assurance vie crée une dynamique positive pour l’économie nationale, par la collecte de l’épargne longue et son réemploi dans des investissements productifs et dans le financement du Trésor, et on gagnerait à l’encourager davantage.
Sanae Raqui
Les Inspirations ÉCO