Entrepreneurs individuels : les avantages de la transformation en société
Pour optimiser votre gestion fiscale et patrimoniale, la transformation en société serait-elle de plus en plus encouragée ? Détails.
Le Projet de loi de finances 2025 a introduit un ensemble de dispositifs fiscaux incitatifs visant à encourager les personnes physiques exerçant une activité professionnelle ou commerciale à opter pour la transformation de leur statut juridique en société.
Selon un analyste, cette mesure constitue «une véritable opportunité pour améliorer les finances et optimiser la gestion fiscale et patrimoniale d’un grand nombre d’entrepreneurs individuels, notamment les prestataires de services».
Pourquoi ? Tout d’abord, la transformation en société permet une optimisation significative de la gestion fiscale. En passant du régime de l’impôt sur le revenu à celui de l’impôt sur les sociétés, les taux d’imposition sont nettement plus avantageux, comme mentionné précédemment avec un taux de 15% jusqu’à 300.000 DH de bénéfices contre 38% pour l’IR.
Cette différence de taux est substantielle pour les professionnels indépendants et prestataires de services qui dégagent des revenus confortables. Elle leur permet de réduire considérablement leur charge fiscale. Ensuite, la forme sociétaire ouvre de nouvelles perspectives en termes de gestion patrimoniale.
«En dissociant le patrimoine professionnel du patrimoine privé, les entrepreneurs peuvent mieux protéger leurs biens personnels en cas d’aléas économiques ou de litiges. De plus, prenons les possibilités offertes pour optimiser la rémunération en jouant sur la combinaison salaire/dividendes la plus avantageuse fiscalement. Prenons également les atouts de la structure sociétaire pour faciliter la transmission en douceur de l’activité : Que ce soit pour une cession à des tiers ou une transmission familiale, la forme société est nettement plus adaptée. Enfin, pour les prestataires de services en particulier, l’absence de retenues à la source sur la TVA et l’IR pour le secteur privé constitue un véritable gain de trésorerie non négligeable selon nos experts.
Avantages fiscaux immédiats
L’un des principaux avantages immédiats réside dans l’absence de retenue à la source sur la TVA et l’impôt sur le revenu pour les prestations réalisées avec le secteur privé. Vous évitez ainsi le prélèvement de 75% de la TVA, voire 100% si vous ne présentez pas une attestation de régularité fiscale à votre client, et la retenue de 10% de l’IR sur votre chiffre d’affaires. Il faut dire que ce point met en lumière l’un des avantages fiscaux immédiats les plus significatifs de la transformation en société pour les prestataires de services travaillant avec le secteur privé.
Pour une personne physique, lorsqu’elle facture des prestations de services à une entreprise privée, celle-ci est dans l’obligation légale d’appliquer une retenue à la source (RAS) de 75% sur le montant TTC de la facture au titre de la TVA. Et si le prestataire n’est pas en mesure de fournir une attestation de régularité fiscale, c’est 100% de la TVA qui est retenu à la source. Cette retenue à la source de 75% à 100% de la TVA grève lourdement la trésorerie du prestataire qui ne perçoit qu’un quart, voire rien, du montant de sa facture dans l’immédiat.
De plus, le client entreprise doit également pratiquer une retenue à la source de 10% sur le montant hors taxes de la facture au titre de l’impôt sur le revenu du prestataire personne physique. Une double retenue à la source sur la TVA et l’IR qui représente un manque à gagner substantiel en trésorerie pour le prestataire personne physique facturant au secteur privé. En se constituant en société, le prestataire évitera totalement ces retenues à la source préjudiciables.
Aucune RAS ne sera appliquée sur ses factures par ses clients entreprises, que ce soit sur la TVA ou sur l’impôt sur les sociétés. Il y a de quoi insister sur l’impact cash très positif de cette mesure pour la gestion de trésorerie au quotidien du prestataire transformé en société. C’est un réel gain de liquidités immédiat non négligeable. De plus, en cas de prestation pour le secteur public, la retenue à la source sur l’IR ne sera que de 5% au lieu de 10% pour une personne physique.
Régime de l’impôt sur les sociétés plus avantageux
Pour ce qui est des avantages du régime de l’impôt sur les sociétés (IS) par rapport à celui de l’impôt sur le revenu. En 2024, une société bénéficie d’un taux d’IS de 15% pour un bénéfice net inférieur à 300.000 DH, et de 20% jusqu’à 1.000.000 DH, contre 38% d’IR pour une personne physique. Décryptons en détail cet aspect déterminant. En 2024, une société est soumise à un taux d’IS de seulement 15% sur la tranche de bénéfices nets jusqu’à 300.000 DH. Au-delà et jusqu’à 1 million de DH, le taux passe à 20%.
«Ces taux d’IS de 15% et 20% sont extrêmement compétitifs, surtout pour les TPE/PME dégageant des bénéfices modestes à intermédiaires», commente un professionnel du chiffre.
À titre de comparaison, pour une personne physique exerçant une activité indépendante ou libérale, le taux d’imposition de l’IR atteint 38% dès les premières tranches de revenus. C’est près de 2,5 fois plus que le taux d’IS maximal de 20% pour une société ! Un écart substantiel de taxation qui favorise nettement la forme sociétaire.
Concrètement, pour un bénéfice net de 500.000 DH par exemple, une entreprise individuelle payera 38% d’IR, soit 190.000 DH. Alors qu’une société ne s’acquittera que de 15% d’IS sur les 300.000 premiers DH (45.000 DH), puis 20% sur les 200.000 DH restants (40.000 DH), soit un total de seulement 85.000 DH d’impôt. Cependant, notons que ce régime de faveur de l’IS ne s’applique que jusqu’à 1 million de bénéfices nets. Au-delà, des tranches supérieures moins avantageuses entrent en jeu.
Optimisation de la rémunération, des charges sociales et de la trésorerie
Autre avantage majeur, la possibilité d’optimiser la rémunération et les charges sociales. Contrairement à une personne physique, la rémunération d’un dirigeant d’entreprise constitue une charge déductible du résultat fiscal de la société, ce qui réduit l’impôt sur le résultat.
De plus, les dirigeants peuvent choisir de se rémunérer sous forme de salaire, dividendes ou les deux. La transformation en société permet également d’améliorer la gestion de trésorerie grâce à la diminution des retenues à la source sur les prestations. Vous supportez moins de RAS sur vos prestations réalisées avec le secteur privé et même public, ce qui vous permet d’améliorer votre gestion de trésorerie. Un autre avantage non négligeable est la protection du patrimoine personnel en cas de difficultés financières. Transformer votre activité en société (SARL ou SAS par exemple) limite votre responsabilité personnelle. Vos biens personnels seront protégés. La forme sociétaire facilite également la transmission et la cession de l’entreprise.
La société permet une transmission plus simple et moins coûteuse, que ce soit aux enfants, héritiers ou à des investisseurs externes.
Une réflexion globale s’impose
Pour mettre en avant le régime fiscal incitatif prévu par le Code général des impôts, notons qu’il permet de ne pas imposer la plus-value réalisée lors de l’apport à la société, mais il y a des conditions à respecter. Pour bénéficier pleinement de ces avantages, il est primordial d’analyser en profondeur sa situation particulière, ses revenus et objectifs. Les experts insistent sur l’importance cruciale pour chaque entrepreneur individuel d’analyser attentivement sa situation spécifique avant d’envisager la transformation en société.
Cette décision stratégique nécessite en effet une réflexion approfondie au regard de ses revenus, objectifs et projections. Il ne faut pas se lancer dans cette opération de transformation à l’aveuglette, juste pour les avantages fiscaux et sociaux évoqués.
Premièrement, les économies d’impôt ne seront véritablement intéressantes qu’à partir d’un certain seuil de bénéfices. Une analyse de rentabilité sur plusieurs années est indispensable.
Deuxièmement, les objectifs de développement et d’évolution de l’activité doivent être clairement définis. La forme société apporte plus de souplesse et d’opportunités pour se développer, s’associer, se diversifier ou céder. Mais cela suppose d’avoir une vision entrepreneuriale claire. Le mode de rémunération envisagé – salaire, dividendes ou combinaison des deux – doit aussi être étudié finement. Cela impacte considérablement la fiscalité et la protection sociale du dirigeant.
L’analyse doit également porter sur les éventuels besoins de financement et d’investissement pour lesquels la forme société offre généralement un meilleur accès aux crédits et prêts bancaires.
Enfin, il ne faut pas négliger les coûts de transformation eux-mêmes : frais juridiques et de constitution, ainsi que l’accompagnement comptable et fiscal indispensable. C’est une décision stratégique majeure qui engagera durablement l’avenir de l’entrepreneur. Une réflexion globale, chiffrée et anticipée est primordiale pour maximiser les bénéfices de cette transformation.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO