Éco-Business

Entrepreneuriat. Issam Maghnouj : « Nous avons accordé 6.500 crédits dans le cadre d’Intelaka »

Issam Maghnouj. Directeur du marché des commerçants/artisans, TPE et entrepreneuriat à Attijariwafa bank

L’accompagnement volontariste des commerçants/artisans, TPE et de l’entrepreneuriat est inscrit au cœur de la stratégie et de l’ADN du groupe Attijariwafa bank.

Comment jugez-vous ces différentes initiatives mises en place pour soutenir les TPE et les entrepreneurs dans leur démarche, surtout suite à la crise sanitaire ?
Notre pays a été salué par la communauté internationale pour la gestion avisée et anticipative de cette crise absolument inédite qui a bouleversé nombre de paradigmes dans lesquels nous évoluions jusqu’alors. Cette crise sanitaire hors du commun qui s’est rapidement muée en crise économique a mis à rude épreuve la plupart des opérateurs qui composent le tissu économique marocain, mais celle-ci a eu un impact sans doute encore plus prononcé sur les petites structures, bien plus vulnérables. Le gouvernement marocain a déployé, sous Les Hautes Instructions de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI, une batterie de mécanismes et de dispositifs à la mesure de cette situation sans précédent. Ces mesures, qui ont permis de renforcer la résilience de notre économie, ont été mises en place de manière structurée en deux phases. D’abord une première salve de mesures en réponse à «l’urgence» qu’a générée un confinement qui, bien que nécessaire, a occasionné une baisse, voire un arrêt d’activité pour beaucoup de structures. Parmi ces mesures, les nombreuses indemnités servies aux salariés et personnes opérant dans l’informel, mais également tous les mécanismes de suspension/report du paiement des charges sociales et fiscales, ou encore le report du remboursement des échéances de crédit. Sans oublier le programme phare «Oxygène» qui a permis d’armer les professionnels et les entreprises face à cette situation en les aidant à s’acquitter de leurs charges immédiates. La deuxième phase dite de «relance», intervenue après la levée du premier confinement, a consisté, au travers des mécanismes «Damane Relance», à accompagner les opérateurs dans la reprise de leurs activités. Ces programmes ont bénéficié à plusieurs dizaines de milliers d’entreprises dont une majorité de commerçants, artisans et TPE et ont, ainsi, permis de sauvegarder un maximum d’emplois. Cette crise perdurant, lors de la dernière réunion du Conseil de veille économique, il a été décidé de prolonger le programme «Relance» tout en y apportant plusieurs assouplissements avec un focus particulier sur les secteurs d’activité qui continuent de souffrir de ce contexte.

Est-ce que l’entrepreneuriat a été affecté par la crise sanitaire ?
La promotion et le soutien de l’entrepreneuriat ont été érigés, depuis de nombreuses années, au rang de priorité nationale. Créer son «propre emploi» devient plus que jamais un levier fondamental de notre politique de croissance inclusive qui doit absorber toute cette jeunesse qui arrive sur le marché du travail chaque année. Le Maroc a réalisé d’importantes avancées ces dernières années à la faveur d’une vision claire de l’État en la matière et surtout d’un nombre important de programmes et mécanismes mis en place pour donner corps à cette stratégie. Toutefois, le contexte de l’année 2020 empreint d’incertitudes et de difficultés notables a probablement eu un impact négatif sur cette dynamique, mais l’écosystème est resté mobilisé pour en limiter les effets. Certes, les conditions étaient malheureusement peu favorables au développement de l’entrepreneuriat en 2020, mais nous avons néanmoins assisté à l’éclosion de nombreux nouveaux métiers portés par des jeunes entrepreneurs qui ont fait preuve d’un formidable sens de l’adaptation et qui ont réagi avec agilité aux changements qu’a imposés la crise sanitaire. Nous attendons, à ce titre, de connaître les chiffres officiels relatifs à la création d’entreprises en 2020 pour mesurer l’impact de cette crise.

Attijariwafa bank a été la première banque à soutenir les jeunes TPE et entrepreneurs dans la création de leurs entreprises, quelle est la stratégie de la banque pour l’accompagnement de cette catégorie au Maroc ?
L’accompagnement volontariste des commerçants/artisans, TPE et de l’entrepreneuriat est, effectivement, inscrit au cœur de la stratégie et de l’ADN du groupe Attijariwafa bank. Le dispositif, mis en place pour opérationnaliser cet accompagnement, est construit, d’abord, autour de services financiers taillés pour répondre aux besoins particuliers de cette cible. Le financement, qui est un axe central du développement des entrepreneurs, fait l’objet d’une approche à la fois novatrice et massive au sein du groupe Attijariwafa bank. Le deuxième levier de cette stratégie consiste en l’accompagnement non-financier des entrepreneurs, tout aussi important pour leur développement, déployé au travers du dispositif gratuit «Dar Al Moukawil» de formation, de conseil et de mise en relation. Le soutien à la création d’entreprise, qui fait partie intégrante de cette stratégie, se cristallise aujourd’hui autour de l’important programme «Intelaka», lancé Sous Hautes Orientations Royales, qui a suscité un immense élan d’espoir et a enclenché une mobilisation sans précédent de tous les acteurs autour de la cause nationale de «l’accélération du développement de l’entrepreneuriat».

Quel est le bilan de cet engagement de la part de la banque ?
Notre politique volontariste de soutien au développement de la TPME se matérialise, depuis 2014, par un engagement annuel de financement qui s’est établi pour l’année 2020, malgré le contexte extrêmement complexe, à 30 MMDH pour continuer à soutenir notre tissu économique. Un bilan chiffré de cet engagement sera fait et communiqué très prochainement. Par ailleurs, le groupe Attijariwafa bank, en tant qu’acteur sociétal de référence, est le premier contributeur aux programmes nationaux, lancés en 2020 pour soutenir les entreprises durant cette crise avec des enveloppes de 5,7 MMDH sur «Oxygène», soit une part de 37% des crédits accordés par le secteur bancaire, et de 10,7 MMDH accordés au titre des crédits «Relance», soit 34% des crédits accordés au Maroc. Outre sa mobilisation autour de ces programmes, Attijariwafa bank a poursuivi sa politique de financement volontariste des TPE avec une part de marché de 58% au titre de «Damane Express», pour une enveloppe dépassant 1 MMDH. Enfin, l’accompagnement non-financier déployé par «Dar Al Moukawil», qui s’est également renforcé en dépit des circonstances, a concerné plus de 35.000 TPE et porteurs de projets.

Avez-vous revu votre stratégie avec l’avènement de la crise sanitaire ?
Notre stratégie globale d’accompagnement de l’entrepreneuriat est le résultat d’une vision à long terme et au service d’un enjeu national. Elle n’a donc pas changé dans ses piliers et axes fondateurs. Toutefois, en tant qu’entreprise agile, Attijariwafa bank a ajusté certaines composantes de la mise en œuvre opérationnelle de cette stratégie à l’aune des changements inexorables qu’a imposés cette crise inédite. Parmi ceux-là, l’accélération de la digitalisation d’un certain nombre de «parcours client», processus enclenché depuis de nombreuses années, afin de leur offrir une expérience plus simple, plus rapide et omnicanale. Le renforcement de la digitalisation concerne à la fois les services financiers, tels que le parcours crédit ou encore les opérations à distance, mais également le dispositif d’accompagnement «Dar Al Moukawil» qui, en raison de la distanciation sociale, a été réorienté vers les canaux digitaux, ce qui a permis de massifier davantage son impact.

Quelles sont les ambitions de la banque en ce qui concerne le produit «Intelaka» ?
Ce programme fondateur qui a permis d’ériger un cadre propice au financement de la création d’entreprises au Maroc, a immédiatement été hissé au rang de priorité au sein du groupe Attijariwafa bank qui a tout mis en œuvre pour en réussir le lancement. À ce titre, le groupe Attijariwafa bank est le premier contributeur à ce programme, avec près de 6.500 crédits accordés pour une enveloppe de 1,25 MMDH, soit 46% des financements «Intelaka» dans secteur bancaire. Nous sommes relativement satisfaits de ce démarrage qui a pourtant été marqué par une suspension de plusieurs mois compte tenu des difficultés et du manque du visibilité engendrés par la crise, mais qui va sans doute poser les bases d’un développement bien plus important que celui que nous avons connu en 2020 dans un environnement très mitigé. L’ensemble de l’écosystème entrepreneurial, qu’il s’agisse des pouvoirs publics, des banques ou encore du tissu associatif sur le terrain, est mobilisé pour faire de ce programme une réussite. Attijariwafa bank, qui nourrit évidemment d’importantes ambitions sur ce programme, mettra tout en œuvre pour en faire bénéficier le maximum de porteurs de projets, jeunes ou moins jeunes, en 2021.

Est-ce que la digitalisation est indispensable de nos jours pour la réussite des projets d’entreprise au Maroc ?
Il est évident que la propension d’une entreprise, quelle que soit son activité, à innover et à créer de la valeur est fortement corrélée à son développement et à sa capacité à générer de la croissance. Le digital est sans aucun doute un accélérateur de business, car il permet d’élargir le potentiel d’une entreprise, de réduire ses coûts d’exploitation et surtout d’offrir à sa clientèle une expérience augmentée. Toutefois, nombre d’activités qui concernent les petites entreprises et qui s’insèrent dans le quotidien des Marocains sont bâties autour de pratiques commerciales simples ou de savoir-faire ancestraux. L’enjeu majeur pour notre pays est la création d’emplois et d’auto-emplois qu’il s’agisse d’activités à forte teneur en innovation ou non. L’innovation n’est d’ailleurs pas nécessairement technologique, mais elle peut se matérialiser également dans le service à la clientèle.

Quels sont, selon vous, les maillons manquants et impératifs pour la réussite de l’entrepreneuriat au Maroc ?
Notre pays dispose de nombreux atouts à même de permettre de réussir le défi de l’entrepreneuriat dans un cadre qui se renforce de plus en plus. Toutefois, une marge de progression demeure dans une perspective d’industrialisation de «l’acte d’entreprendre». D’abord, la structuration et le renforcement des dispositifs d’accompagnement non-financiers afin de maximiser les chances de réussite des entrepreneurs. Ensuite, la nécessité d’installer et de massifier rapidement les dispositifs de financements alternatifs tels que le «capital risk», les «business angels» ou encore «le crowdfunding», à l’instar des économies les plus développées, parce qu’il s’agit de véritables accélérateurs du développement entrepreneurial aux côtés des banques. Enfin, dès le plus jeune âge et à travers tous les cycles scolaires, la généralisation des approches pédagogiques pour la promotion de l’entrepreneuriat, la valorisation du statut de l’entrepreneur et la culture de la prise de risque contribueraient fortement à accélérer l’entrepreneuriat au Maroc.

Sanae Raqui / Les Inspirations éco Docs



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