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Énergie : le CESE fait le point

Alors que le Maroc et les autres pays signataires de l’Accord de Paris suivent l’Agenda 2030, le CESE a publié un avis sur l’énergie, qui semble ignorer que ce secteur est dans l’urgence de l’action. Décryptage.

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a publié un avis particulièrement intéressant sur le secteur de l’énergie. Intitulé «Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte», le document, très fouillé, publié au Bulletin officiel N°6914, semble ignorer les urgences du moment. Il bouscule de ce fait les convenances qui prévalent dans ce secteur, hautement stratégique pour le Maroc, qui est l’un des mieux structurés dans le monde. En effet, les concepteurs et rédacteurs de l’avis du CESE semblent ignorer que le Maroc est l’un des premiers pays signataires de l’Accord de Paris, notamment à la veille de la tenue de la COP 22 organisée en novembre 2016 à Marrakech. À ce titre, comme les 196 pairs qui l’ont rejoint (compter aussi les États-Unis sous la présidence de Barack Obama), il s’inscrit dans l’Agenda 2030 de lutte contre le changement climatique.

L’Accord de Paris, boussole du secteur de l’énergie
À travers cet accord, le Maroc est totalement engagé aux côtés d’autres pays à oeuvrer en vue de stabiliser le taux d’émissions de gaz à effet de serre (GES) à 1,5°C, voire 2°C dans le monde à l’horizon 2100, notamment pour circonscrire définitivement le réchauffement climatique qui menace notre planète. D’ailleurs, tous ont bâti leur Contribution nationale déterminée (CDN) selon ce schéma. Et l’un des engagements phares du royaume dans ce cadre, salué par la communauté internationale, est de porter la part de production d’électricité à partir de sources renouvelables à 42% en 2020 et à 52% à l’horizon 2030. Malheureusement, ces engagements très ambitieux du royaume ne vont pas suffire. En effet, les résultats de l’étude du Groupe d’experts intergouvernemental liée à l’évolution du climat (GIEC) de 2018 sur les conséquences d’un réchauffement planétaire supérieur à 1,5°C ont complètement rebattu les cartes. L’étude a en effet révélé qu’en 2017-2018 déjà, le monde avait atteint 1°C d’augmentation du mercure depuis l’époque préindustrielle. Si l’on s’en tient à l’objectif de l’Accord de Paris, il ne reste plus que 0,5°C, voire 1°C maximum d’ici à 2100.

L’Agenda 2030, un cap déterminant
Autrement dit, tous les pays signataires de l’Accord de Paris devraient rapidement revoir leurs engagements climatiques à la hausse, faute de quoi la planète va «imploser» à l’horizon 2050, 2052, selon les experts du GIEC. Lorsque le roi a pris connaissance de ces chiffres glaçants, il a tout de suite convoqué les autorités chargées de l’énergie pour leur demander de revoir les ambitions climatiques du Maroc à la hausse, donc plus de 42% de baisse des émissions de CO2 à l’horizon 2030. En plus du solaire, de l’éolien et de l’hydraulique, qui étaient jusque-là les sources renouvelables phares de la production d’électricité du royaume, le souverain avait notamment suggéré de travailler sur la valorisation des déchets et sur la biomasse. Deux nouvelles sources renouvelables qui ont ensuite fait l’objet d’études de potentiel conduites à l’époque, respectivement, par le secrétariat d’État chargé du Développement durable et le ministère de l’Énergie et des mines. Depuis la publication des résultats de ces études, notamment en mars et mai 2019, une nouvelle donnée est apparue au début du second semestre 2019 et a complètement éclipsé la biomasse et la valorisation des déchets qui, il faut le dire, auraient eu un apport très limité sur la production électrique. C’est notamment l’hydrogène (Power-to-x) qui offre des perspectives de développement énergétique très intéressantes pour le Maroc, grâce à l’Allemagne qui soutient le royaume et qui veut en faire son principal fournisseur extérieur.

L’hydrogène, futur moteur de la croissance verte du royaume
Une importante partie de l’avis du CESE est consacrée à l’hydrogène, futur moteur de la croissance verte du royaume. Très focalisée sur les nouveaux engagements européens de neutralité carbone en 2050, sa prospective est surtout axée sur les échéances de 2040 et 2050 au lieu de 2030. De ce fait, le document manque de pertinence puisqu’il n’apporte pas les réponses urgentes attendues aux questions de l’Agenda 2030. Ainsi, en cette fin de 3e trimestre 2020, même si le monde continue à pâtir de la crise sanitaire, nous devrons attendre de savoir quels nouveaux engagements climatiques du Maroc seront incessamment communiqués à la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CNUCC), conformément à l’engagement pris durant la COP 24, tenue en 2018 à Katowice (Pologne). Nous ne savons pas non plus quels seront les nouveaux objectifs fixés pour le solaire, l’éolien, l’hydraulique, l’hydrogène, etc. Même s’il n’est pas tout à fait du ressort du CESE de fournir ces données hautement stratégiques, son avis devait être orienté vers cette urgence sur laquelle le Maroc a construit une très grande réputation au niveau mondial.

Nécessité de renouveler la stratégie énergétique nationale
Cela étant, le rapport est tout de même intéressant. Sa demande d’actualiser la stratégie énergétique nationale est fondée. La feuille de route élaborée par Amina Benkhadra et son équipe en 2009 n’est plus vraiment d’actualité. «L’expertise acquise par les Marocains depuis le lancement de la stratégie de 2009, ainsi que l’évolution technologique qui a connu des ruptures fondamentales au cours des quatre dernières années créent une donne nouvelle», explique le CESE. En effet, les coûts des énergies renouvelables sont désormais les plus compétitifs. Les derniers appels d’offres éoliens au Maroc en 2015 ont été adjugés à 0,30 DH/kWh tandis que, dans le domaine du photovoltaïque, le dernier appel d’offres dans la région Moyen-Orient a été attribué à un tarif équivalent à 0,13 DH/kWh dans des conditions similaires à celles de notre pays. Selon le CESE, «ces chiffres, qui étaient complètement inenvisageables auparavant, amènent un changement profond de paradigme et appellent à accélérer la concrétisation de la Vision du souverain avec une approche d’implémentation rénovée. L’énergie peut ainsi devenir le déclencheur d’une nouvelle émergence verte du Maroc». Le potentiel énergétique marocain en énergies renouvelables, désormais plus compétitif, est en effet remarquable. Il représente virtuellement une capacité de production équivalente au gaz et au pétrole du Nigéria ou du Venezuela. L’exploitation de ce gisement permettrait de réduire fortement notre dépendance énergétique, d’améliorer le pouvoir d’achat des citoyens, la compétitivité de nos industries et les comptes publics, mais aussi de consolider le positionnement international de notre pays. Pour le CESE, le Maroc peut donc, dans un proche avenir, jouer un rôle fondamental dans l’approvisionnement de l’Europe en énergie verte via l’électricité ou l’hydrogène, redessinant ainsi les équilibres géopolitiques de notre région. Les nouveaux engagements européens de neutralité carbone en 2050, formalisés dans le Green New Deal, ouvrent cette opportunité. Une étude allemande a récemment classé le Maroc parmi les cinq meilleurs pays au monde pour le développement d’un tel partenariat énergétique.

Nouveaux axes stratégiques

Consacrer quasi exclusivement les capacités électriques à venir aux sources renouvelables et au stockage (STEP,
batteries et technologies en cours de développement) ;
Maximiser la production électrique décentralisée au niveau des foyers, des industries, des communes, des exploitations agricoles, des coopératives, etc. ;
Transformer progressivement la mobilité qui représente 40% de la consommation énergétique totale actuelle pour maximiser le recours au transport en commun durable et aux voitures électriques ;
Mettre en œuvre une politique coordonnée pour l’efficacité énergétique ;
Investir dans le dessalement par les énergies renouvelables dont le coût connaît également un trend baissier pour
adresser, en partie, la problématique du stress hydrique ;
S’arrimer à la révolution hydrogène (Power-to-x) dans laquelle les avantages comparatifs du Maroc sont considérables.

Réduction de la dépendance énergétique

Le Maroc peut passer d’une dépendance énergétique de près de 88% aujourd’hui à 35% en 2040 et à moins de 17% en 2050. En parallèle, le coût moyen de l’électricité sur le réseau pourrait baisser de 0,79 DH/kWh aujourd’hui à 0,61 DH/kWh en 2040 et 0,48 DH/kWh en 2050.

Aziz Diouf / Les Inspirations Éco


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