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Électrification des zones rurales : une transition énergétique plausible ?

Dans sa politique énergétique qui vise la généralisation de l’accès à l’électricité en milieu rural, le gouvernement a annoncé vouloir privilégier le recours aux énergies renouvelables. Une initiative audacieuse qui soulève toute de même quelques interrogations. Le Maroc possède-t-il le potentiel requis pour réaliser cette transition énergétique ? Et qu’en est-il du changement climatique ? Badr Ikken livre son avis d’expert !

Les actions initiées en matière de transition énergétique sont, a priori, de bon augure, mais encore faut-il avoir l’étoffe pour y parvenir. À la question relative au potentiel du Maroc dans le domaine, Badr Ikken, ancien directeur de l’Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles (IRESEN) répond aux Inspirations ÉCO : «Notre pays dispose d’un potentiel énergétique considérable, notamment solaire et éolien. Le potentiel technique pour le solaire dépasse les 49.000 TWh et pour l’éolien les 11.500 TWh». Il ajoute que le «gisement» dont dispose le Maroc ne suffit pas seulement à assurer son besoin énergétique mais pourrait être valorisé à travers l’exportation d’électricité ou d’hydrogène vert produit à base d’électricité propre. De quoi, selon lui, «contribuer à la décarbonation de pays européens et co-financer notre transition énergétique». Autre atout qu’évoque Ikken, «les centres de formation et de recherche dédiés, les cabinets et les entreprises spécialisés dans le développement, dans l’ingénierie et dans la réalisation de projets renouvelables avec une masse critique d’experts et d’ingénieurs», dont jouit le pays. Sans oublier, «un secteur bancaire mobilisé». Pour lui, «il ne manque à l’écosystème national qu’une consolidation du secteur industriel afin de profiter pleinement de cette dynamique et assurer notre dépendance énergétique avec des équipements “made in Morocco”». Sur un autre volet, Badr Ikken avance que les énergies renouvelables sont compétitives par rapport aux autres énergies : «même en excluant la conjoncture et la flambée des énergies fossiles, les énergies renouvelables sont aujourd’hui moins chères. Le prix du solaire photovoltaïque est passé de 3 DH le kilowatt (kWh) il y a 15 ans à moins 30 centimes aujourd’hui. L’éolien, quant à lui, atteint également des coûts similaires. Leur utilisation n’est plus déterminée seulement par les considérations climatiques mais également par une réelle opportunité économique».

Sur le changement climatique, Badr Ikken a sa petite idée. Il pense que «les énergies renouvelables se valent et sont complémentaires». L’empreinte carbone, générée par la fabrication et l’exploitation de l’éolien, est de 16 g/kWh, et pour le solaire photovoltaïque, de 25 g/kWh. Ce qui semble «dérisoire» pour lui, comparé au gaz naturel (443 g/kWh), au pétrole (840 g/kWh) ou au charbon (plus de 1.000 g/kWh).

En somme, l’ancien DG d’IRESEN note que leur utilisation dépend des conditions climatiques locales et des applications. Le solaire photovoltaïque fonctionne seulement le jour mais il est très pratique car permettant de développer des projets de grande capacité. Il s’adapte également parfaitement aux installations décentralisées (résidentiel, pompage solaire,..). L’éolien, quant à lui, permet une production d’énergie propre, même la nuit ou pendant les périodes de mauvais temps. «’Le solaire thermique à basse température permet le chauffage de l’eau sanitaire ou de process industriels à travers le solaire thermique à concentration (CSP).

Ce dernier, installé à Ouarzazate, permet un stockage thermique à bas coût, et devrait plutôt évoluer dans les process industriels tels que le séchage, la production de vapeur ou de froid car l’énergie peut être exploitée directement sans avoir à la transformer en électricité grâce à des turbines. Le potentiel de l’hydraulique et de la biomasse reste plus limité au Maroc», poursuit-il.

Quant aux contraintes qui pourraient subsister, le président exécutif de Gi3 se montre plutôt inquiet : «À mon humble avis, les seules contraintes sont relatives au cadre règlementaire ainsi qu’à la lenteur de l’adoption de textes de loi et leur mise en œuvre. Il a fallu plusieurs années pour opérationnaliser la loi sur la moyenne tension. La crise énergétique nécessite d’accélérer les process afin d’exploiter le plus rapidement possible notre potentiel renouvelable et baisser la dépendance.

«L’état doit préparer un environnement propice»
Badr Ikken rappelle que l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) a lancé le programme d’électrification rurale et a pu électrifier plus de 1.750 villages regroupant 42.838 foyers par réseau interconnecté avec plus de 3.500 écoles, 130 dispensaires et 1.385 mosquées. La demande a augmenté aujourd’hui, les prix ont baissé et les technologies ont fortement évolué. Elles permettent désormais de stocker de l’énergie et d’interconnecter les installations dans le cadre de micro-réseaux et de réseaux intelligents. «L’État doit préparer l’environnement propice au développement des projets et encourager le secteur privé marocain à en développer. Il est capable aujourd’hui d’assurer le financement, l’exploitation, la maintenance et de couvrir tous les maillons de la chaîne de valeur. Avec le bon modèle, nous pourrons encourager la création d’entreprises et d’emplois répartis sur tout le territoire national».

Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO

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