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Élections des représentants des salariés : que signifie la victoire écrasante des SAS ?

Les «sans appartenance syndicale» sont les grands gagnants des élections des représentants des salariés avec un taux de 51,25 %. Une situation qui devrait interpeller les syndicats, en perte de vitesse.  L’UNTM est le grand perdant de la dernière édition de cette course. Les résultats influenceront certainement les scores des syndicats aux prochaines élections de la Chambre des conseillers.

L’Union marocaine du travail (UMT) et l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) jubilent tandis que l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM) tempère son échec après l’annonce, en fin de semaine dernière, des résultats des élections des représentants des salariés dans les secteurs public et privé. Dans la foulée des chiffres, les syndicats semblent ignorer une donnée fondamentale qui en dit leur long sur leurs relations avec les salariés : la victoire des «sans appartenance syndicale» (SAS) qui ont raflé la mise avec un taux de 51,25%, contre 49,79 % en 2015, soit un renforcement de leur positionnement à raison de 1,46 %. Comment expliquer cette donne et quelle interprétation en faire ? En réponse à cette question des Inspirations ECO, le ministre du Travail et de l’insertion professionnelle, Mohamed Amakraz, n’y voit pas un phénomène nouveau. «Il existe des entreprises qui ne disposent pas de bureaux syndicaux alors que la loi leur impose d’organiser des élections, ce qui donne lieu à des candidatures des sans appartenance syndicale». À cet égard, le responsable gouvernemental estime que l’amélioration de la pratique syndicale s’impose. Il faut dire que la victoire écrasante des «sans appartenance syndicale» interpelle les syndicats qui sont en perte de vitesse au fil des dernières années. Selon les observateurs, les organisations syndicales ont vu leur crédibilité auprès des travailleurs s’éroder au profit des coordinations qui pullulent dans tous les secteurs. D’ailleurs, le taux du syndicalisme parmi les actifs occupés est d’uniquement 4,7 %, d’après les données du Haut-commissariat au plan (HCP). Autrement dit, 95,3 % des actifs occupés ne sont affiliés à aucune organisation syndicale ou professionnelle. Un chiffre qui fait froid dans le dos ! Plusieurs syndicalistes font endosser aux pouvoirs publics la responsabilité de la faiblesse du taux du syndicalisme, car ils «marginalisent» la voix des syndicats dont le rôle en matière de paix sociale est crucial. Les centrales syndicales pointent du doigt les violations des libertés syndicales et le non-respect des dispositions du Code du travail qui «constituent des freins psychologiques à l’affiliation syndicale».

Comment restaurer la confiance
Aujourd’hui plus que jamais, l’enjeu de la restauration de la confiance se pose avec acuité. Comment y parvenir ? Les observateurs sont presque unanimes à ce sujet : l’organisation du travail syndical et la mise en place des règles claires garantissant la représentativité et la transparence s’imposent. Le projet de loi sur les syndicats pourrait mettre de l’ordre dans le travail syndical, sauf que le gouvernement n’est pas parvenu à le faire passer en raison des réticences syndicales. Le texte, rappelons-le, avait été bloqué dans les tiroirs du département de l’emploi pendant de longues années. La nouvelle mouture soumise aux syndicats, au cours de ce mandat, n’a pas non plus recueilli l’adhésion des syndicats. Après les observations du Conseil économique, social et environnemental sur le texte transféré par le Chef de gouvernement à cette institution, une nouvelle mouture a été élaborée et mise dans le circuit d’adoption, comme nous le confie le ministre du Travail et de l’insertion professionnelle. Ce sera, ainsi, au prochain gouvernement de plancher sur ce dossier avec les syndicats les plus représentatifs qui ne sont plus désormais que trois, en l’occurrence l’UMT, l’UGTM et la CDT. On s’attend à ce que le texte améliore la démocratie interne au sein des syndicats, car l’instar de ce qui se passe dans l’échiquier politique, le pouvoir au sein des syndicats est très largement confisqué par les aînés.

Ce que disent les chiffres
L’Union nationale du travail au Maroc est le plus grand gagnant de ces dernières élections. L’UNTM, bras syndical du PJD, ne fait plus partie des syndicats les plus représentatifs. Sa représentativité est passée de 7,36% en 2015 à 5,63% alors qu’il faut un minimum de 6%. C’est au niveau du secteur public que ce syndicat a perdu des plumes. Son résultat est expliqué par ses positions ainsi que celles du PJD vis-à-vis de dossiers importants pour les salariés, tels que celui de la réforme paramétrique de la retraite ou encore celui de la décompensation.

Pour certains observateurs, l’échec de l’UNTM est de mauvais augure pour le PJD au titre des prochaines élections législatives, communales et régionales alors que les résultats inattendus de l’UGTM, syndicat affilié au parti de l’Istiqlal, dessinent un horizon optimiste devant les héritiers de Allal El Fassi, pour les prochaines échéances électorales. Quant à l’UMT, elle a pu garder sa place de première centrale syndicale dans le résultat général, mais son positionnement a régressé au niveau du secteur privé au profit du syndicat de l’Istiqlal qui, pour la première fois de son histoire, est arrivé en tête au niveau des élections des représentations des salariés du secteur privé. La CDT, elle, est passée du deuxième rang en 2015, avec un taux de 9,27 %, à la troisième place en 2021, avec un pourcentage de 7,20 %. Il faut savoir que les scores obtenus par les syndicats auront un impact sur leurs résultats au sein de la Chambre des conseillers. Rappelons à cet égard qu’en 2015, avec un taux de 17,67 % aux élections des représentants des salariés, l’UMT avait obtenu six sièges alors que la CDT et l’UNTM avaient remporté, chacune, quatre sièges avec un pourcentage respectivement de 9,27 % et 7,36 % aux mêmes élections. L’UGTM n’avait pu obtenir que trois sièges avec son taux de 7,57 % aux élections des salariés. La FDT, l’ODT et le syndicat national démocratique, qui étaient en queue de peloton, n’étaient parvenus à gagner qu’un seul siège chacun à la Chambre haute.

Les parlementaires des syndicats affiliés aux partis politiques ont rejoint les groupes parlementaires de leurs formations partisanes. L’UMT est arrivé à créer un groupe parlementaire et la CDT a constitué un groupement parlementaire. Les parlementaires de ces deux syndicats restent, ainsi, plus ou moins autonomes dans leurs décisions au sein de la Chambre haute. Tout au long de ce mandat qui tire vers sa fin, les parlementaires relevant des syndicats sont, certes, parvenus à animer le débat dans l’hémicycle sur des questions cruciales d’ordre social. Néanmoins, d’un point de vue concret, leur poids demeure limité au moment décisif du vote des projets de loi. De plus, aucune coordination n’est établie entre les différentes entités syndicales au sein de deuxième Chambre.

Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco


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