Efficacité énergétique. Pourquoi les citoyens ne s’engagent pas
Enfin, une enquête qui permet de savoir ce que les Marocains comprennent, pensent et attendent de l’efficacité énergétique ! Certes, l’enquête menée par la Fondation Heinrich-Böll-Stiftung, en partenariat avec Transform Africa, n’a concerné qu’un échantillon de 204 lieux (appartements, maisons, villas et commerces) situés au quartier Sidi Maârouf à Casablanca, mais elle en dit long sur la perception de l’efficacité énergétique en milieu urbain au Maroc. «Le quartier de Sidi Maârouf a été choisi eu égard à sa représentativité de la société marocaine en milieu urbain et la diversité des profils des résidents. Initialement situé dans la périphérie casablancaise, ce quartier est passé en l’espace de vingt ans d’un quartier résidentiel (employés d’usines de transformation) et de maisons, à un site de «mix socio-économique» regroupant des centres d’affaires, des logements de haut et moyen standing, des résidences économiques de relogement d’habitants de bidonvilles ainsi que des commerces. Ce qui en fait une plateforme de prospection idoine, riche par sa diversifié immobilière et de profils de résidents», expliquent les promoteurs de l’enquête pour justifier leur choix.
Tous conscients que la facture d’électricité est élevée
Quoi qu’il en soit, les résultats sont intéressants. Pour commencer, l’enquête révèle que les Marocains sont pratiquement tous conscients que leur facture d’électricité est élevée. En effet, les avis des citoyens interpellés (tous profils confondus) ont tous convergé vers la même conviction de «surconsommation» de l’énergie électrique. Toutefois, très peu d’entre eux savent d’où vient «le mal». Ils sont rares à connaitre au juste les parts respectives de leurs différents postes de consommation (éclairage, équipements électroménagers, chauffage de l’eau sanitaire, climatisation, ventilation, chauffage, matériel professionnel et numérique). Il faut dire que les compteurs électriques dont ils disposent actuellement ne les aident pas encore dans ce sens. C’est pourquoi, les proportions qu’ils allouent aux postes de consommation de l’énergie électrique font ressortir un décalage entre leur conviction et la réalité pratique. En effet, ce sont les réfrigérateurs qui sont responsables de la plus grande partie de la consommation de l’énergie électrique dans les foyers (environ 45%) à cause notamment de leur fonctionnent permanent. Ils sont suivis de loin par l’éclairage et les postes de TV, avec respectivement 20% et 18%. Les résultats de l’enquête révèlent que les habitants des villas et maisons en sont conscients, alors que les résidents des appartements le sont moins, d’où un besoin de les informer et de les sensibiliser sur cet aspect. S’agissant des commerçants, par contre, ils partagent tous la même conviction, c’est à dire que le niveau élevé de leur facture d’électricité s’explique par le sur-éclairage des locaux commerciaux qu’ils occupent. Ceci dans le but de rendre plus visibles et/ ou de mettre davantage en valeur les produits qu’ils commercialisent.
Assez bonne connaissance des enjeux de l’efficacité énergétique
Alors que font les uns et les autres pour diminuer le niveau de leur facture électrique ? Par exemple, pour les foyers ou locaux commerciaux disposant d’eau chaude sanitaire, l’enquête s’est intéressée à la source de chauffage employée. Les résultats obtenus montrent que les habitants des appartements et les commerçants concernés utilisent majoritairement le gaz butane. L’impact de la subvention par l’État est net : le gaz revenant moins cher que l’électricité du réseau d’une part, et les moyens financiers limités des consommateurs d’autre part, justifient l’adoption de cette solution. Dans les résidences de type villa par contre, la pratique est à l’opposé : le gaz butane y est quasiment banni (dans les échantillons consultés) et c’est le réseau électrique qui s’y substitue pour les besoins de chauffage de l’eau sanitaire. Ce contraste va de pair avec celui des moyens des résidents concernés, qui privilégient l’électricité, malgré son coût, au gaz, dont ils craignent surtout le risque d’explosion ou d’inflammation. Autre révélation intéressante de l’enquête, le solaire thermique s’introduit «timidement» dans les logements de type villas et maisons, mais reste quasiment inexistant dans les appartements, que ce soit en mode d’installation «individuelle» ou «collective» (cas des immeubles). Toutefois, même s’ils n’ont pas les moyens, les citoyens qui logent dans des appartements de haut et moyen standing sont conscients des enjeux de l’efficacité énergétique. Les promoteurs de l’enquête en ont profité pour tester l’état de leur connaissance par rapport aux notions pratiques de l’EE. Les questions ont concerné la connaissance du concept même de l’EE et de certaines de ses mesures de base, l’information sur le programme des Lampes à basse consommation (LBC), l’information sur l’existence de la réglementation thermique de construction (RTCM). Pour les citoyens dont les réponses sont affirmatives concernant la première question, l’enquête a approfondi l’investigation en leur demandant s’ils connaissaient et avaient une idée des ordres de grandeur de facteurs économiques liés à l’implémentation de mesures d’EE, à savoir le surcoût induit par l’intégration de l’EE aux nouveaux projets ou de mise à niveau énergétique des projets existants, conformément à la réglementation en la matière ; le temps de retour sur investissement suite à l’implémentation de telles mesures. Là aussi, les résultats sont édifiants. Ils révèlent une forte corrélation entre les niveaux social et culturel des interviewés. Les habitants des logements de moyen et haut standing se détachent du lot, avec des scores toujours plus élevés, à l’exception du cas des maisons pour le critère relatif aux LBC.
Prêts à s’y engager à condition…
Maintenant, s’agissant des prédispositions des uns et des autres à investir sur l’efficacité énergétique, l’enquête révèle une attitude majoritairement favorable. Le recours aux panneaux solaires, notamment pour le chauffage de l’eau sanitaire, semble intéresser l’ensemble des foyers, quelle que soit leur nature. Les commerçants sont également intéressés, même s’ils se posent des questions sur le manque d’espace pour installer les panneaux solaires. Toutefois, pour s’engager, ils réclament deux modes d’accompagnement financier : des subventions de l’État ; et le financement par remboursement de la société de service énergétique (ESCO), sur la base des économies réalisées sur la facture d’électricité. S’agissant d’engagement sur le moyen ou long termes, les citoyens interviewés préfèrent l’État au privé.