Éco-Business

Du virtuel à la piste : au cœur de la fabrique technologique de Renault Group

Dans le secret des centres névralgiques de Renault Group, une autre révolution industrielle s’écrit. À Guyancourt et Aubevoye, le constructeur a donné à quelques journalistes un accès rare à ses hubs technologiques les plus stratégiques. Des jumeaux numériques aux simulateurs de conduite, des bancs d’essais aux modèles hybrides produits à Tanger, tout converge vers une transformation en profondeur du cycle automobile. Le Maroc, désormais deuxième pays de production du Groupe, n’est pas en marge de cette dynamique. Il y prend une place croissante, à la croisée de l’ingénierie, de la production et de l’innovation.

À l’écart des lignes d’assemblage et des salons automobiles, Renault façonne l’avenir de ses véhicules dans deux lieux hautement stratégiques, Guyancourt et Aubevoye. Deux bastions d’innovation où le virtuel précède le réel.

Le groupe a organisé sa chaîne d’innovation autour de hubs technologiques d’un nouveau genre. À Guyancourt et Aubevoye, en France, Renault a exceptionnellement accueilli des journalistes internationaux, parmi lesquels des représentants de la presse marocaine, au cœur de ses centres d’innovation les plus stratégiques. Objectif, dévoiler les coulisses d’une révolution industrielle discrète mais déterminante.

Guyancourt, là où naissent les idées
Le jour se lève sur Guyancourt. En pénétrant dans le Technocentre de Renault, on découvre une atmosphère feutrée, studieuse… Les façades sobres cachent l’un des plus vastes cerveaux technologiques d’Europe : 125 hectares d’intelligence collective, 9.000 collaborateurs, des kilomètres de réseaux internes et une seule obsession, concevoir, valider et livrer les véhicules du futur. Ici, tout commence par un croquis. Mais ce croquis, aujourd’hui, est enrichi par des outils puissants.

Dans le Design center, les designers exploitent la réalité virtuelle, la modélisation 3D et des intelligences artificielles génératives capables de proposer en quelques secondes des dizaines de variantes d’un même projet. L’intention créative reste humaine mais elle est démultipliée par la machine.

«La technologie ne remplace pas les créateurs. Elle élargit leur champ d’expression», résume Laurens van den Acker, chief design officer.

La plateforme XR, au cœur de ce processus, permet une immersion totale. Grâce à un cockpit modulaire et des capteurs intégrés, les équipes valident l’ergonomie d’un intérieur ou la résonance lumineuse d’un matériau dans une version phygitale du futur véhicule. Le design devient une expérience dynamique, partagée avec les ingénieurs, les acousticiens et les ergonomes.

Optimiser dès la première esquisse
Dans un bâtiment voisin, un autre outil stratégique affine le réalisme des choix de conception : la Supply chain control tower. Cette plateforme numérique permet aux ingénieurs de visualiser l’impact d’un changement de design sur la logistique, la disponibilité des pièces ou les délais d’acheminement.

Grâce à la simulation en temps réel, chaque décision intègre dès l’amont les contraintes industrielles et économiques de la chaîne d’approvisionnement. Une manière de mieux sécuriser les lancements futurs, dans un contexte mondial où la robustesse logistique est devenue un critère de compétitivité à part entière.

Simulation immersive grâce à l’ingénierie augmentée
Dans l’aile Est du Technocentre, le Centre de simulation immersive repousse encore les limites de la conception. À l’intérieur du dôme de 7 mètres du simulateur «ROADS», un ingénieur s’installe dans un cockpit monté sur vérins.

À travers le pare-brise numérique, défile un monde virtuel d’une précision saisissante. Le véhicule n’existe pas encore, mais il roule, freine, glisse, subit le vent ou les creux de la chaussée. Et il réagit…

«Ce que nous testons ici, c’est le comportement d’un jumeau numérique. Le conducteur n’est plus passif, il devient un acteur de la validation, en amont même du premier prototype», explique Olivier Colmard, directeur de la Transformation digitale et Simulation.

Autour de ROADS, d’autres dispositifs complètent l’arsenal, HELIOS, pour simuler les reflets d’éclairage selon différentes conditions météorologiques, ou le XR Innov Lab, où casques VR et outils collaboratifs intègrent les dernières avancées en visualisation 3D et réalité mixte.

Le CRP, l’usine invisible du pré-lancement
Le passage du virtuel au réel s’opère dans une structure confidentielle, le Centre de réalisation des prototypes (CRP). Réplique fidèle d’une ligne d’assemblage, cette «mini-usine» permet de produire les premiers véhicules grandeur nature en amont du lancement industriel. Chaque geste d’opérateur y est chronométré, chaque outillage validé.

«Nous transformons le virtuel en réalité, avec les standards qualité d’une production série», déclare Régis François, directeur du CRP.

Ce centre sert aussi à la formation. Les opérateurs qui interviendront plus tard à Tanger, Douai ou Bursa viennent s’y entraîner. Cette approche intégrée, qui connecte étroitement la conception virtuelle, le prototypage physique et la préparation industrielle, a permis à Renault de réduire son time to market de quatre à deux ans. Un gain décisif dans un secteur où la rapidité de mise sur le marché est devenue un avantage concurrentiel majeur.

Aubevoye, où le futur passe à l’épreuve du réel
À Aubevoye, la technologie s’éprouve. En plein cœur de la Normandie, le Centre technique d’Aubevoye (CTA) s’étend sur 600 hectares, à l’abri des regards. Véritable sanctuaire de validation, il combine 60 km de pistes, 44 bancs d’essais, 18 chambres de corrosion, et un ensemble de laboratoires de pointe. Les véhicules y roulent 24h/24, 7j/7, sur des parcours bosselés, en montée, dans la poussière, ou à 250 km/h sur un anneau de vitesse. L’objectif étant de simuler 5 ans de vieillissement en 5 mois. Portières, ceintures, climatisation, chaque organe est manipulé des milliers de fois.

«Notre objectif est de proposer des véhicules comme neufs après 60.000 km et 5 ans d’utilisation», affirme Dominique Berthier, expert durabilité.

Dans le pôle ADAS, ce sont plus de 10.000 tests physiques qui sont réalisés chaque année. Détection de piétons, freinage d’urgence, assistant de sortie de voie… tous les systèmes d’aide à la conduite sont validés selon les protocoles Euro NCAP.

«Ce centre nous donne une autonomie stratégique. Nous gagnons 25% de temps par rapport à des laboratoires externes», explique Guillaume Mercier, responsable prestations ADAS.

Et ce n’est pas tout. Dans la chambre anéchoïque de 300 m², on teste la compatibilité électromagnétique des véhicules, un enjeu majeur à l’ère du tout-connecté. GPS, radars, ADAS, moteurs électriques, tout doit cohabiter sans interférence.

Mesurer le rendement réel
Au sein des bancs d’essais dynamiques et sur des pistes spécifiques, d’autres protocoles permettent de mesurer la consommation réelle des véhicules, leur performance énergétique ou leur autonomie en conditions extrêmes.

Pour les modèles électriques, c’est un passage obligatoire qui permet d’anticiper les résultats d’homologation, mais aussi de valider les scénarios d’usage selon différents climats, charges ou profils de conduite. Chaque kilowatt-heure est analysé, chaque kilomètre optimisé, afin de garantir une expérience conforme aux attentes du marché et aux exigences réglementaires.

Parallèlement aux tests de durabilité et d’autonomie, les ingénieurs du pôle Ride & Handling affinent le comportement routier de chaque modèle. Sur routes pavées, virages serrés ou parcours glissants, ils analysent la réactivité de la direction, le confort des suspensions et la stabilité dynamique du véhicule. Ces réglages de précision, invisibles pour l’usager, façonnent pourtant la signature de conduite propre à chaque marque du groupe.

Là où l’avenir se construit au présent
De Guyancourt à Aubevoye, chaque espace visité et chaque technologie explorée témoignent d’une révolution silencieuse mais déterminée. Renault ne se contente plus d’inventer des voitures. Le groupe automobile modélise, simule, teste et réinvente la façon même de les concevoir.

Dans cette dynamique, le Maroc a désormais une place à prendre, pas seulement comme site de production, mais comme territoire d’innovation, d’ingénierie et de collaboration industrielle avancée. C’est là, dans cette alliance entre le digital et l’atelier, le virtuel et la piste, l’Europe et l’Afrique, que se joue peut-être le vrai futur de l’automobile.

Le Maroc, pilier industriel et levier stratégique

Le Maroc n’est plus seulement une base d’assemblage. Il s’affirme aujourd’hui comme le deuxième pays de production du Groupe Renault. En 2024, les usines de Tanger Med et de Casablanca (SOMACA) ont produit au total 413. 614 véhicules, en hausse de 8% par rapport à l’année précédente. À elle seule, l’usine de Tanger a assemblé 312.381 unités, et celle de Casablanca en a livré 101 233.

Ce volume représente 18% de la production mondiale de Renault, un record pour le Royaume. Avec plus de 89 % des véhicules produits exportés vers près de 90 pays, le Maroc est devenu un maillon clé de la chaîne logistique du groupe. Ce positionnement est renforcé par l’efficacité du port de Tanger-Med, premier hub portuaire d’Afrique, et par un écosystème industriel local de plus en plus intégré.

Le taux d’intégration locale a dépassé 65 %, avec une ambition affichée d’atteindre 80% dès cette année, ce qui permettrait de générer jusqu’à 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires local. Mais au-delà des chiffres, c’est une vision à long terme qui se dessine. «Le Maroc est un pilier industriel pour Renault Group.

Grâce à sa performance, à sa stabilité et à l’implication de ses équipes, il s’inscrit dans notre stratégie long terme, notamment dans l’électrification et l’optimisation de notre supply chain», souligne Thierry Charvet, directeur Industriel et Qualité du Groupe. À Casablanca, les équipes d’ingénierie contribuent à des projets de conception électronique, d’architecture logicielle et de développement de composants allégés.

À Tanger, la montée en gamme technologique se poursuit avec l’intégration de lignes de production pour des modèles hybrides comme le Jogger. À partir de 2025, le site SOMACA produira le nouveau SUV Kardian, renforçant le rôle du Maroc dans la stratégie Mercosur élargie du groupe.

«Dans un écosystème mondialisé, la cohérence entre nos hubs est essentielle. Et sur ce point, le Maroc n’a jamais été aussi bien positionné pour capter plus de valeur dans la chaîne R&D – production – logistique », insiste Guido Haak, vice-président senior en charge de la Stratégie produit. Cette montée en puissance ne se limite plus à la production.

Elle reflète un repositionnement du Maroc dans la chaîne de valeur globale du groupe, où compétences locales, efficacité industrielle et proximité logistique forment désormais un levier intégré de performance. Pour Renault Group, c’est tout un maillage cohérent entre design, ingénierie, production et distribution qui prend forme au sud de la Méditerranée.

DNES à Paris, Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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