Dialogue social : patronat et syndicats fustigent El Otmani
Interpellé par les parlementaire de la Chambre haute sur l’épineux sujet du dialogue social, le chef de gouvernement a défendu bec et ongles le bilan de son mandat et a listé les efforts déployés pour faire face aux répercussions de la pandémie. Comme attendu, ses arguments n’ont pas convaincu les conseillers, notamment ceux issus des syndicats et du patronat.
Visiblement, le chef de gouvernement, Saad Dine El Otmani, ne parvient pas encore à convaincre les parlementaires de la Chambre des conseillers sur le sujet du dialogue social. Ceux-ci l’ont interpellé à l’issue de son intervention. Plusieurs parlementaires de la Chambre haute, tant de l’opposition que de la majorité, estimaient encore que l’Exécutif pouvait mieux faire dans la gestion de cet épineux dossier.
L’accord tripartite, qui a été signé en avril 2019 avec les syndicats et le patronat, est jugé insuffisant par les partenaires sociaux et économiques représentés au sein de l’institution législative. Pour El Otmani, en revanche, le gouvernement a déployé des efforts financiers considérables pour respecter l’ensemble des engagements pris, en dépit de la conjoncture actuelle qui pèse lourdement sur le budget de l’État.
Le groupe parlementaire de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) a épinglé le gouvernement pour le non-respect des engagements ayant trait à l’adoption du projet de loi organique de la grève et à la réforme du Code du travail qui figuraient à l’ordre du jour du dialogue social de 2019. Deux dossiers épineux que les syndicats rejettent depuis des années. En dépit de ses multiples tentatives, le ministre du Travail et de l’insertion professionnelle, Mohamed Amkraz, n’a pas réussi à accorder les violons du patronat et des centrales syndicales sur ces deux questions.
À cet égard, le chef de gouvernement n’a pas hésité à renvoyer la balle dans le camp des deux parties, estimant qu’elles seules assument la responsabilité du retard en matière d’adoption de la législation de la grève, laquelle est au point mort à la Chambre basse depuis 2016. «C’est à vous d’engager le dialogue bilatéral.
Le gouvernement ne peut pas assumer la responsabilité de la contradiction entre les deux parties», a-t-il lancé en s’adressant au groupe parlementaire de la CGEM, précisant qu’il n’approuve nullement le retard du projet de loi organique de la grève. Quant à la réforme du Code du travail prônée par la CGEM et qui fait partie des engagements gouvernementaux depuis 2017, les rencontres organisées jusque-là par le gouvernement n’ont pas permis d’atteindre le consensus escompté. Les partenaires sociaux sont pour le statut quo alors que les partenaires économiques continuent de plaider pour la flexibilité du marché du travail en vue «de promouvoir la compétitivité des entreprises marocaines et maintenir l’emploi», comme vient de le rappeler la CGEM au sein de l’hémicycle.
Autre législation objet de discorde: le projet de loi portant sur les syndicats, que Saad Dine El Otmani vient d’évoquer dans son discours devant les parlementaires. Le texte est bloqué depuis des années en raison des réticences syndicales. Une énième mouture a été préparée par l’actuel gouvernement et soumise aux centrales syndicales les plus représentatives, mais seule une centrale syndicale a émis ses propositions par écrit, selon El Otmani. Le texte, en stand-by depuis le gouvernement Abbas El Fassi, est très attendu pour mettre fin aux dysfonctionnements, à commencer par le manque de démocratie interne et de renouvellement de l’élite ainsi que la faiblesse de la transparence financière.
Au début de son mandat, El Otmani était déterminé à adopter cette législation, mais il s’est vite heurté au bras de fer des syndicats. Ceux-ci accusent, de leur côté, le gouvernement de les affaiblir en les marginalisant et les excluant de plusieurs dossiers, comme ce qui s’est passé en matière de gestion de la crise sanitaire. L’Union marocaine du travail et la Confédération démocratique du travail ont rappelé, à cet égard, les demandes insistantes d’intégrer les syndicats dans le Comité de veille stratégique ou de créer un comité de veille social afin de pouvoir mieux répondre aux besoins sociaux des citoyens qui ont été frappés de plein fouet par les répercussions négatives de la pandémie.
Alors que le chef de gouvernement salue les efforts déployés pour faire face à la crise sanitaire, les parlementaires de l’opposition, eux, jugent que le bilan de la gestion des effets de la pandémie demeure encore en deçà des aspirations. En effet, plusieurs catégories sociales souffrent en silence et nombre de secteurs vivent une crise sans précédent. À titre d’exemple, ce qui a été fait, jusque-là, pour le tourisme est jugé on ne peut plus insuffisant.
L’institutionnalisation du dialogue social, une nécessité !
Le gouvernement est épinglé pour le non-respect de son engagement d’institutionnaliser le dialogue social. La non-tenue de la session d’avril de cette année est pointée du doigt par les partenaires sociaux. La pilule est en effet difficile à faire avaler aux centrales syndicales les plus représentatives. La présidente du groupe parlementaire de l’Union marocaine du travail à la Chambre des conseillers, Amal Amri, fustige le gel des concertations alors que le besoin se fait sentir de tenir les réunions du dialogue social en vue de mettre fin au malaise social.
Le coordinateur du groupement de la Confédération démocratique du travail (CDT), Mbarek Sadi, déplore, quant à lui, l’absence des dialogues sectoriels qui s’avèrent de la plus haute importance,pour faire avancer les dossiers en suspens. De son côté, Abdessamad Marimi, parlementaire de l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM), bras syndical du PJD, émet nombre de propositions pour renforcer le dialogue social, notamment le lancement des concertations avec les syndicats avant la soumission du projet de loi de finances au Parlement et l’activation des dialogues sectoriels.
De son côté, le président du groupe socialiste, Abdelhamid Fatihi, qui est parlementaire de la Fédération démocratique du travail (FDT), estime nécessaire de mettre en place un cadre juridique ayant trait à l’institutionnalisation du dialogue social qui «piétine en dépit des dispositions du code du travail». Pour sa part, le président du groupe de l’Istiqlal, Abdessalam Lebbar (UGTM) appelle à adopter une vision globale pour accompagner les catégories les plus touchées par les répercussions négatives de la crise sanitaire.
Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco