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Détente des taux : fin de cycle pour le resserrement monétaire?

Le Maroc entre dans une phase de détente monétaire, portée par une stratégie d’émission plus lisible et des fondamentaux budgétaires renforcés. C’est, en substance, le constat dressé par les analystes d’Attijari global research pour qui l’aplatissement de la courbe des taux traduit un retour progressif de la confiance sur le marché.

Après deux années de resserrement, la politique monétaire entame une séquence de stabilité, portée par le repli des tensions inflationnistes et un environnement macroéconomique plus lisible. C’est l’un des principaux enseignements de la récente étude d’Attijari global research (AGR), qui voit dans l’année 2024 «un tournant dans la dynamique des taux, avec une convergence entre les anticipations de marché et les fondamentaux économiques».

En ramenant son taux directeur à 2,5% en fin d’année, Bank Al-Maghrib a donné un signal clair de détente, dans un contexte de reflux rapide de l’inflation, passée sous la barre des 1%. Cette évolution a eu un effet immédiat sur l’ensemble de la courbe obligataire. L’embellie est d’autant plus notable qu’elle s’appuie sur une trajectoire budgétaire consolidée.

Les recettes de l’État ont progressé de manière significative, tandis que le déficit a été contenu à 4% du PIB. La stratégie d’émission du Trésor a accompagné ce mouvement avec précision. La réorientation du Trésor vers les maturités longues a profondément modifié la physionomie du marché en 2024. Près de 46% des levées ont concerné le segment long terme, contre seulement 7% en 2022. Ce mouvement s’inscrit dans une stratégie assumée de lissage du service de la dette, facilitée par la détente des taux et l’amélioration des fondamentaux budgétaires.

Dans un environnement de moindre volatilité, les investisseurs institutionnels tentent de réajuster leur positionnement. En atteste, l’allongement de la duration moyenne, désormais à 7,4 ans contre 6,6 un an plus tôt.

Selon les analystes d’AGR, cette configuration traduit un nouveau point d’équilibre entre l’offre publique et la demande du marché, fondé sur une meilleure lisibilité des anticipations. L’aplatissement de la courbe des taux pourrait s’amplifier en 2025 à mesure que la Banque centrale poursuit son cycle d’assouplissement.

Démarche saluée par les marchés
Pour les analystes d’AGR, cela traduit «une volonté claire du Trésor de lisser le profil de la dette et d’alléger la pression sur le court terme». Ce rééquilibrage a mécaniquement contribué à l’aplatissement de la courbe des taux, phénomène que les gérants n’avaient pas observé avec une telle ampleur depuis près d’une décennie.

Sur le plan de la gestion active, l’État a réduit le volume de ses émissions brutes à 127 MMDH, en recul de plus de 30% sur un an tout en allongeant la maturité moyenne de sa dette à 7,4 ans. La démarche, saluée par les marchés, s’inscrit dans une logique de consolidation des anticipations. À cela s’ajoute un choix tactique, celui de limiter l’endettement extérieur à 40 MMDH, bien en-deçà des plafonds initialement prévus. Ce recentrage sur le marché intérieur n’a pas généré de tension puisque le taux de satisfaction des demandes en bons du Trésor a progressé de trois points, atteignant 41%.

Dans la même lignée, le marché secondaire affiche des signes de stabilisation. Les OPCVM obligataires, dont le rôle reste central dans le financement de l’État, ont vu leurs encours croître de 14%, atteignant 510 MMDH en fin d’année.

AGR note que «les gestionnaires ont trouvé un terrain plus lisible, propice à des arbitrages de duration dans un environnement apaisé».

Les spreads entre les segments courts et longs se sont resserrés, confirmant un alignement progressif des attentes du marché sur les orientations de la politique monétaire. Autres signaux de fond à surveiller : la circulation fiduciaire qui continue de progresser à un rythme soutenu, atteignant 414 MMDH, ce qui exerce une pression latente sur la liquidité bancaire. Il s’y ajoute le recours aux financements multilatéraux, qui s’intensifie. Le Maroc continue de diversifier son accès aux guichets extérieurs, dans une logique d’optimisation de son coût de financement.

Pour les économistes d’AGR, cette orientation constitue «un filet de sécurité crédible, qui permet de réduire la dépendance au marché domestique sans en compromettre l’équilibre».

Pour rappel, la Loi de finances 2025 table sur un déficit ramené à 3,5% du PIB et une stabilisation de la dette à 69%. Si ce scénario se confirme, les conditions actuelles devraient se prolonger sans discontinuité majeure.

Les équipes d’AGR jugent ainsi que «les pressions à la hausse sur les taux primaires sont peu probables à court terme», dans un environnement où l’offre de titres reste maîtrisée et la demande institutionnelle bien orientée.

Dans ce contexte, le Maroc semble réussir son pari consistant à rétablir une courbe de taux cohérente et lisible tout en maintenant ses équilibres budgétaires. Cette phase de détente ne peut toutefois être considérée comme acquise. Les prochaines décisions des grandes banques centrales, la tenue des recettes fiscales et le maintien du cap des réformes seront les véritables garants de cette stabilité retrouvée.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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