Délais de paiement : Des perspectives réjouissantes
Cela fait à peine trois mois que la nouvelle loi sur les délais de paiement est entrée en vigueur. Pour les spécialistes il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, mais les perceptions des entreprises sont de bon augure. Toutefois, l’exclusion des petites entreprises, réalisant moins de 2 MDH de CA, suscitent toujours des interrogations.
Très attendue, la loi sur les délais de paiement vient soulager un fardeau qui pèse de tout son poids sur la santé financière des entreprises, notamment les plus fragiles d’entre elles. D’ailleurs, depuis des années, des études ne cessent de démontrer que le taux de mortalité des entreprises est principalement dû aux délais de paiement jugés trop longs. Et comme la capacité de financement des entreprises de taille moyenne est très limitée, les retards de paiement causent d’énormes dégâts à la trésorerie.
Une loi Inclusive ?
Entrée en vigueur depuis le 1er juillet, à en croire les professionnels, la loi 69-21 relative aux délais de paiement remédierait à cette situation désastreuse. En effet, le texte entend renforcer la discipline financière et agir en bouclier pour les TPE. Le principe : raccourcir les délais de paiement auxquels elles sont confrontées, leur permettant ainsi de mieux planifier leurs opérations, d’améliorer leur stabilité et d’équilibrer leur structure financière. Pour Hicham Alaoui Bensaid, directeur général d’Allianz Trade, «en amont, les entreprises réalisant plus de 2 millions de dirhams de chiffre d’affaires ne seront concernées qu’à partir de 2025. En revanche, en aval, les TPME devraient profiter pleinement des effets positifs de cette loi, car les plus grandes structures, qui disposent d’un pouvoir de négociation supérieur, sont ainsi incitées à fluidifier davantage leurs processus de décaissement, du moins celles ne payant actuellement pas leurs clients dans les meilleurs délais».
Encore faudrait-il que ces entreprises se familiarisent avec les dispositions de la nouvelle loi et mettent en place les mesures nécessaires pour se conformer aux délais de paiement réglementés. De son côté, le président de la Confédération marocaine de TPE-PME, Abdellah El Fergui, désapprouve le fait de ne pas intégrer dans la législation les entreprises qui réalisent moins de 2 MDH. «Il n’est pas normal que cette catégorie, qui, tout de même, représente la majorité écrasante du tissu économique, soit exclue du dispositif. L’on se demande alors sous quel régime vont-elles opérer en cas de retard de paiement», s’interroge-t-il. De plus, ce dernier a soulevé les démarches administratives pour la facturation qui peuvent prendre des semaines, voire des mois, notamment lorsqu’il s’agit d’un établissement public. Pour lui, cet élément devait être pris en compte par le législateur. Par ailleurs, El Fergui soulève une autre problématique, laquelle non plus n’a pas été intégrée dans la nouvelle loi. Il s’agit de la sous-traitance. Pour sa part, il estime qu’il est légitime d’inclure la relation contractuelle entre les sous-traitants et les entreprises détentrices d’un projet, à l’instar d’autres pays comme la France. À ce sujet, la confédération avait présenté, en 2020, une proposition de loi y afférente à l’ancien gouvernement. Pour l’heure, le dossier est toujours dans les tiroirs.
Lueur d’espoir
Pour revenir à l’impact de cette loi sur les entreprises, les professionnels affirment unanimement qu’il est trop tôt de pouvoir tirer des conclusions trois mois seulement après la mise en application de la nouvelle loi. «Pour le moment, nous ne pouvons pas percevoir des impacts concrets. Mais de manière globale, les échanges avec certains chefs d’entreprise laissent émerger deux idées majeures. Tout d’abord, il y a consensus manifeste relatif au fait que la situation des délais de paiement est devenue intenable et que les mesures choc doivent s’appliquer, car la poursuite d’une certaine fuite en avant paraît difficilement envisageable. D’un autre côté, un certain nombre de chefs d’entreprise sont dans l’attentisme quant à la tendance sur le marché, car ils sont convaincus que c’est davantage une question de disponibilité des fonds que de volonté de payer», étaye Hicham Bensaid. Quoiqu’il en soit, des spécialistes pensent que le pouvoir coercitif aura forcément un effet radical sur les encours de créances. De plus, une amélioration globale des pratiques de paiement pourrait, à long terme, attirer davantage d’investissements directs étrangers et améliorer le climat des affaires. «A mon sens, le dimensionnement trop sévère devrait être calibré progressivement. Cette loi a tout de même le mérite de pousser certaines entreprises retardant les paiements pour des considérations non financières à changer de paradigme. Mais cela ne règle pas le souci des entreprises qui étaient déjà confrontées à une difficulté à s’acquitter de leurs dettes», conclut le DG d’Allianz Trade. Pour rappel, la loi adopte une entrée en vigueur progressive en trois temps. Ainsi, il est prévu que les entreprises réalisant un CA entre 10 et 50 MDH soient concernées dès le 1er janvier 2024. Celles dont le CA est compris entre 2 et 10 MDH seront intégrées à partir du 1er janvier 2025.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO