Éco-Business

Délais de paiement. À quand le bout du tunnel ?

 

Le respect des délais de paiement est un enjeu crucial pour la survie des entreprises et des établissements publics. Le sujet anime le débat dans le monde économique national. La nouvelle émission Décodage de Horizon Press lui a consacré son premier épisode.

Les factures inter-entreprises, dont le paiement dépasse aujourd’hui le délai légal, totalisent plus de 400 MMDH. C’est la moitié de l’encours des crédits bancaires et 40% du PIB. Comparativement, le montant des factures État-entreprises privées ne dépasse pas le montant de 20 MMDH. Sur la base de ces chiffres, il est clair que la problématique des délais de paiement sévit plus au sein du privé qu’entre l’administration et ses fournisseurs privés.

Pour tracer les contours de cette problématique, le premier numéro de l’émission «Décodage» diffusée par Horizon Press et animé par Samir Chaouki a pris ce sujet à bras-le-corps. Décodage qui traite des sujets économiques et financiers a choisi pour thème: «Délais de paiement, à quand le bout du tunnel ?». Deux imminents experts y ont croisé le fer en l’occurrence Abderrahmane Semmar, DG de la DEPP (Direction des entreprises publiques et de la privatisation) au ministère des Finances et Hammad Kassal, ancien président de la Commission PME (CGEM). Contrairement à ce que l’on peut croire, c’est l’administration qui aujourd’hui donne le tempo en matière de lutte contre les retards de paiement. Elle a récemment publié la liste des entreprises publiques agrémentée de leurs délais de paiement. Un acte de transparence et un engagement du ministère des Finances de prendre le taureau par les cornes. Cette dynamique a été enclenchée en application des orientations royales dans le discours du 20 août 2018 et son corollaire, à savoir la circulaire du ministère des Finances sur le respect des délais de paiements, du 18 septembre de la même année.

Dans ce sens, Semmar a expliqué que pas moins de 192 entreprises et établissements publics ont été couverts par ce dispositif. L’enjeu est grand puisqu’il s’agit d’établissements qui investissent chaque année pas moins de 70 MMDH. «Nous nous sommes fiés aux déclarations des EEP, ce qui n’empêche pas que l’on soit pragmatique et vigilant», a-t-il étayé. En effet, il y a plusieurs moyens pour confirmer la véracité des déclarations des commissaires aux comptes et des auditeurs externes. D’ailleurs, une cellule dédiée aux délais de paiement a été mise en place au sein du ministère avec l’engagement de publier les données mensuellement dès février 2020.

Pour Kassal, l’impact des délais de paiement est négatif et c’est toute la chaîne économique qui s’en trouve bloquée. «Cela décourage l’investissement et par conséquent l’argent ne circule pas avec, en sus, une fuite vers l’informel», a-t-il expliqué. Réagissant à la liste publiée par les Finances, le responsable a souligné qu’il s’agit d’une vraie leçon pour le privé qui doit agir dans le même sens.

En effet, la CGEM, qui travaille en étroite collaboration avec les ministères des Finances et de l’Intérieur sur le sujet, a proposé des idées susceptibles de changer le comportement des mauvais payeurs. Par exemples, la mise en place d’un taux moratoire qui fait augmenter la facture pour les entreprises qui mettent trop de temps à payer leurs fournisseurs; les priver d’accès aux marchés publics ou encore par le biais de sanctions sous formes d’amendes comme c’est en vigueur en France. Pour Semmar, le privé doit aussi communiquer sur ces 400 MMDH de factures en souffrance. Mais emboîter le pas à l’administration n’est pas chose aisée dans un climat marqué par la méfiance.

Pour inverser la vapeur, le ministère, en partenariat avec la CGEM, a sillonné les 12 régions du pays dans une approche de co-construction pour justement insuffler un air de confiance et de responsabilisation aux entreprises. Dans cette optique, comme l’a bien signalé Semmar, l’Observatoire des délais de paiement doit être plus actif. Toutefois, le responsable n’a pas manqué de titiller certains fournisseurs de l’État qui n’hésitent pas à recourir à des méthodes «pas très clean» pour accéder à la commande publique.

Abondant dans le même sens, Kassal a indiqué que le rôle de la CGEM est aussi d’éduquer ses entreprises sur comment accéder à la commande publique. Parmi les idées mises en avant pour accélérer le règlement des factures figure ce qu’on appelle le factoring inversé en impliquant les banques. Ces dernières régleront les factures des fournisseurs contre le paiement d’une redevance par les entreprises donneuses d’ordre. C’est très important pour résoudre les problèmes de trésorerie des fournisseurs. Autre exemple réussi, la Trésorerie générale du royaume (TGR) dispose d’un système élaboré de suivi des réclamations et notamment la facture électronique qu’il va falloir dupliquer ailleurs. Selon Kassal, une centaine de grandes entreprises font des PME leurs pompiers et elles s’enrichissent sur leur dos. Pour lui, il faut intégrer le délai fournisseur dans le rating que les banques font pour les entreprises donneuses d’ordre.


Abderrahmane Semmar
DG de la DEPP

Nous sommes en train de réfléchir sur un socle commun de la commande publique, de la programmation des achats jusqu’au lancement des appels d’offre. Il y a plusieurs chantiers qui convergent pour améliorer l’acte d’investir au Maroc. Parmi eux, le Small business act qui va réunir tous les dispositifs d’aide dans un système intégré à l’investissement pour la PME. La charte d’investissement est en train d’être revue de fond en comble pour améliorer le climat des investissements tandis que de nouveaux directeurs de CRI ont commencé leur travail. Nous avons développé, depuis trois ans, une vision de l’État actionnaire qui correspond à une gestion active du portefeuille public. Dans ce sens, un contrat-programme sera bouclé avec l’ONCF avant la fin de l’année. Ce sera la même chose avec la RAM, l’ONDA et  l’ONEE.


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