Croissance au Maroc : la BAD tangue entre optimisme et pessimisme
Contraction des PIB, déficits budgétaires, aggravation de l’extrême pauvreté et du chômage…Le reste de l’année s’annonce alarmiste pour l’Afrique. Le Maroc pourrait faire figure d’exception mais rien n’est écrit d’avance.
L’horizon est sombre pour les économies du continent. Et pour cause, les chiffres de nouveaux cas d’infections par le coronavirus qui doublent tous les 7 à 14 jours dans la plupart des pays d’Afrique, alors que 33 pays du continent sont dotés d’un système de santé très peu préparé pour faire face à la pandémie, s’alarme la Banque africaine de développement (BAD) dans un supplément à son rapport annuel «Perspectives économiques en Afrique 2020». La BAD craint une récession dans plusieurs pays du continent y compris au Maroc. Le Royaume a beau figurer sur la petite liste des pays les mieux placés pour affronter la crise sanitaire qui fait rage dans le monde, il ne demeure pas moins exposé à une crise économique. Le pays a vu sa capacité de production affaiblie brutalement par les vagues scélérates et soudaines de la Covid-19, lesquelles laissent peu de chose debout sur leur passage. Comme partout ailleurs ou presque, la pandémie a modifié les perspectives économiques pour l’année 2020 du Maroc. «La crise qui affecte les principaux partenaires commerciaux du Maroc (l’Espagne, la France, l’Italie et l’Allemagne) nuira aux exportations, notamment à celles du phosphate naturel et ses produits dérivés qui ont représenté la moitié des exportations et un dixième du PIB en 2018–2019», analyse la BAD pour qui la crise nuira ainsi aux importations de biens d’équipement pour les secteurs internationaux du pays à savoir les industries de l’automobile, de l’aéronautique et de l’électronique. Pire encore, les mesures de confinement ont affecté le tourisme, les hôtels, les restaurants et le transport, piliers de l’économie nationale, tandis que le PIB agricole qui était déjà entravé par des précipitations inférieures à la moyenne demeure durement frappé par les conséquences désastreuses.
Dans son rapport de 122 pages, rendu public le 7 juillet, l’institution financière panafricaine, basée à Abidjan, émit l’hypothèse que si la pandémie se poursuit jusqu’en décembre, «la croissance devrait baisser de 8,3 points de pourcentage», quant au déficit budgétaire, il devrait augmenter de 3 à 3,4% par rapport à ce qui était prévu avant la pandémie alors que le déficit du compte courant se contractera à 3,9%, en raison de la diminution des dépenses de voyages, des transferts envoyés par les Marocains résidant à l’étranger (MRE), et des investissements directs étrangers, mais il sera atténué par la baisse des prix du pétrole. Mais ce n’est qu’une hypothèse qui en cache d’autres. Un autre postulat, optimiste cette fois-ci, existe. Ce postulat se projette dans l’avenir en tablant sur un ralentissement dans la première moitié de l’année 2020. Dés lors, les prévisions de croissance devraient être de 7 points de pourcentage en deçà de ce qui était prévu initialement, et l’espoir est permis. Si les conséquences de la crise sont papables dans beaucoup de secteurs, les mesures prises par le Maroc et les énormes sacrifices consentis par les citoyens pourraient créer un effet de levier et faciliter la relance économique.
À ce propos, la BAD rappelle les mesures de soutien en faveur des entreprises les plus petites comprennent la suspension des paiements de sécurité sociale du 1er mars au 30 juin, un moratoire sur les prêts bancaires et le remboursement des baux jusqu’au 30 juin, outre l’établissement de lignes de crédit pour les entreprises en difficulté avec un soutien gouvernemental allant jusqu’à 95% à un taux d’intérêt indexé sur le taux directeur de la Banque centrale. «Grâce à des subventions spécifiques, les entreprises marocaines ont augmenté la production de masques pour satisfaire la demande nationale et ont exporté les excédents.
Le port du masque est désormais obligatoire», poursuit la banque panafricaine qui souligne également la suspension du paiement des taxes pour les entreprises ayant déclaré moins de 20 millions de DH de ventes brutes en 2019 et la suspension des droits de douanes sur les importations de blé tendre jusqu’au 15 juin. Autres mesures saluées par la BAD et qui peuvent jouer sur la balance de la reprise, l’installation par le Maroc des hôpitaux de campagne avec le soutien de l’armée et que le Comité de veille économique a créé des filets de protection sociale qui comprenaient le versement mensuel de 2.000 DH aux employés des entreprises en difficulté et une assistance mensuelle directe
allant de 800 à 1.200 DH pour les travailleurs du secteur informel.
Khadim Mbaye
Les Inspirations Éco