CRISPR-Cas9 : les leçons de l’expérience française pour accélérer l’innovation au Maroc

Face à l’urgence climatique, le Maroc peut s’inspirer du modèle français pour intégrer la technologie d’édition génomique dite CRISPR-Cas9. L’expérience de la France offre des solutions transposables pour lutter contre la sécheresse, mais aussi des avertissements sur les défis réglementaires. Une leçon essentielle pour déployer l’innovation agricole de manière rapide et sécurisée.
L’expérience française en matière d’exploration des nouvelles technologies d’édition génomique offre un cas d’étude riche en enseignements pour le Maroc.
Pour Essaid Aït Barka, expert en physiologie végétale à l’Université de Reims, une analyse du modèle français peut permettre au Royaume de se doter d’une feuille de route plus efficace pour intégrer les différentes innovations dans le secteur de l’agro-industrie et répondre à ses propres défis agricoles et climatiques. En tirant parti des succès et en anticipant les difficultés rencontrées en France, le Maroc a ainsi l’opportunité d’accélérer son développement de manière structurée et informée.
Une première leçon, la gestion du cadre réglementaire et social
L’expérience française met en évidence l’importance d’anticiper les freins non-techniques qui peuvent accompagner le déploiement d’une innovation. Essaid Aït Barka souligne que l’intégration du CRISPR-Cas9 en France se heurte à un cadre réglementaire européen strict, qui freine son adoption. À cette contrainte s’ajoute une acceptation sociale limitée, influencée par une méfiance persistante envers les organismes génétiquement modifiés.
Cette situation met en exergue une leçon fondamentale pour le Maroc. Le développement d’une stratégie nationale réussie ne dépend pas seulement de la performance technologique. Il nécessite en amont l’établissement d’un dialogue sociétal et la construction d’un cadre législatif clair et adapté.
En observant le modèle français, les décideurs marocains peuvent mieux appréhender la nécessité de différencier légalement l’édition génomique de la transgenèse traditionnelle, afin d’éviter les amalgames et de favoriser un débat public serein.
Une deuxième leçon, l’adaptation de solutions technologiques éprouvées
Sur le plan scientifique, la France a développé des approches concrètes qui sont directement transposables. Essaid Aït Barka met en avant des innovations comme le phénotypage de précision, une méthode qui permet de sélectionner des plantes à faible besoin hydrique en identifiant les gènes de tolérance à la sécheresse. Des recherches sont également menées pour rendre des cultures comme le blé dur et le maïs plus économes en eau grâce à CRISPR.
Pour le Maroc, la leçon est pratique. Le pays n’a pas besoin de partir à zéro. Il peut adapter ces technologies éprouvées à ses propres cultures stratégiques. L’expert suggère que le développement de variétés locales plus résistantes, comme l’orge, l’olivier ou les agrumes, représenterait une application directe et pertinente de ces avancées.
La mise en place de fermes pilotes, combinant biotechnologie et irrigation de précision, permettrait de valider ces méthodes dans les conditions agro-climatiques spécifiques au Royaume.
Une leçon finale, la nécessité d’une coopération structurée
La mise en œuvre de ces enseignements passe par une coopération formalisée et ciblée. Pour Essaid Aït Barka, la collaboration scientifique entre la France et le Maroc doit s’organiser autour d’axes clairs pour garantir un transfert de savoir-faire efficace. Il préconise la création de programmes de recherche conjoints, concentrés sur des cultures d’intérêt commun.
Le partage de plateformes technologiques est un autre levier, tout comme la mise en place de programmes de formation et de mobilité pour les chercheurs des deux pays. L’expert suggère également de stimuler l’écosystème entrepreneurial par le cofinancement de jeunes entreprises spécialisées.
Finalement, un dialogue politique et scientifique est jugé nécessaire pour travailler à une harmonisation progressive des réglementations. Une telle approche structurée permettrait de transformer les leçons de l’expérience française en actions concrètes, accélérant l’innovation au Maroc de manière durable.
Essaid Aït Barka
Expert en physiologie végétale à l’Université de Reims
«Pour la technologie CRISPR, la France et le Maroc sont les deux faces d’une même médaille. En France, c’est une technologie d’avenir freinée par le débat réglementaire et sociétal. Au Maroc, face à l’urgence climatique, c’est une solution de survie. L’un a le savoir-faire, l’autre le besoin impérieux d’agir, c’est précisément là que notre coopération prend tout son sens.»
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO