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Crédit bancaire : il faudra désormais motiver le refus

Avec celle sur la prévention et la gestion des risques de corruption, la directive sur l’information des demandeurs de crédit adoptée au Comité des établissements de crédit du 16 mai dernier devrait accélérer le rééquilibrage de la relation entre le client et sa banque, ou son bailleur de fonds. Les banques devront désormais justifier tout refus de crédit aux entreprises. Elles ont un an pour s’y préparer.  

L’économie générale de cette réglementation, qui entrera en vigueur dans un an, est d’introduire le maximum de transparence dans toutes les phases de l’instruction d’une demande de financement. Les commerciaux et les chefs d’agence n’auront plus à se cacher derrière les formules du type «le dossier est encore à l’étude» ou «on attend toujours le comité du crédit».

Le délai maximum estimatif de traitement de la demande de crédit, une fois le dossier de crédit complété, doit être indiqué au client, précise la directive de Bank Al-Maghrib. Celle-ci désigne explicitement les entreprises, surtout les plus petites d’entre elles, qui doivent gérer l’incertitude du chronogramme.

Tout refus d’octroi d’un crédit doit être motivé. À la demande de l’entreprise, la banque ou tout autre organisme de financement doit fournir (par écrit) au client les raisons qui ont conduit au rejet de la demande de crédit. L’établissement renseigne l’entreprise sur le score qui lui a été attribué dans l’analyse du risque et, le cas échéant, sur les mesures susceptibles de l’améliorer. C’est la même démarche utilisée dans un audit. L’avis émis doit être assorti de recommandations d’amélioration.

Pour une PME dont la demande d’une facilité de caisse ou d’un crédit d’investissement a été rejetée pour insuffisance de fonds propres (cas très courant), le banquier peut proposer une augmentation de capital et un assainissement du portefeuille clients s’il s’avère que les difficultés structurelles de cette entreprise sont imputables aux délais de recouvrement de créances.

L’obligation de motiver le refus du crédit est une des ruptures introduites par la directive BAM du 16 mai 2022 qui, rappelons-le, ne sera d’application que dans douze mois. A date, la plupart des banques communiquent la notation issue du scanning du risque au client et, dans de rares cas, des recommandations pour «améliorer le bilan».

Dorénavant, la réglementation les oblige à tenir un historique et un tableau des décisions et des motifs de refus de crédit, des responsables ayant participé à la décision, etc. Un registre sur les demandes de crédits ayant fait l’objet d’un refus, faisant ressortir notamment des informations sur ces demandes, les services ou départements ou guichets auprès desquels ces demandes sont déposées, les responsables ou comités ayant pris la décision de rejet de ces crédits, les motifs de leur rejet et la note attribuée au client, doit être tenu par l’organisme ou la banque.

Les exigences en matière d’information du client sont par ailleurs revues à la hausse. Dès la demande de crédit, l’entreprise doit être informée par une note explicative sur les types de crédit auxquels elle peut prétendre au regard des premières données qu’elle aura communiquées à sa banque ou à un organisme – financement (de leasing par exemple).

Sans y faire ouvertement référence, Bank Al-Maghrib tire l’enseignement de carences relevées dans les réseaux bancaires qui, sous la pression des objectifs, ne donnent pas toujours l’information complète au client : «L’établissement est également tenu d’informer l’entreprise sur les mécanismes auxquels elle est éligible, notamment les produits de garantie et les programmes d’accompagnement publics ainsi que les principales caractéristiques des sûretés ou garanties qui peuvent être adossées aux différents types de crédit», indique la directive.

Corruption : Pour BAM, c’est tolérance zéro

La corruption dans le secteur bancaire est le sujet tabou par excellence, malgré la volonté de dirigeants de combattre ce fléau qui touche toute la société. Les anecdotes pullulent dans le milieu des opérateurs économiques sur la rétrocession d’un pourcentage du crédit à tel ou tel responsable. Le danger pour les établissements financiers, c’est la destruction de valeur induite par les pratiques de corruption.

Pour les autorités monétaires, il faut appeler un chat un chat. D’où la nouvelle directive de Bank Al-Maghrib sur la prévention et la gestion des risques de corruption que les banques sont tenues de déployer dans tous les établissements sous leur contrôle, au Maroc et au sein de leurs filiales à l’étranger. Au sens de la directive (article 2), la corruption couvre en particulier et sans se restreindre à cela, le fait de solliciter ou d’agréer, soit directement, ou par tout moyen direct ou indirect, des offres, promesses, dons ou autres avantages, notamment pour «accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte relevant de sa fonction, accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte qui, bien qu’en dehors de ses attributions, est ou a pu être facilité par sa fonction, rendre une décision ou donner une opinion favorable ou défavorable ».

Les «pistons» ou le trafic d’influence en vue de défendre ou d’influencer le passage d’un dossier de crédit en comité relève également de la corruption, c’est-à-dire le délit de trafic d’influence. La directive de la Banque centrale la définit comme étant «le fait, pour les agents et les dirigeants d’un établissement, d’user de leur influence réelle ou supposée, au regard de leur appartenance à l’établissement, pour obtenir ou tenter d’obtenir des avantages pour leur propre compte ou pour le compte de tiers, et ce, quelle qu’en soit la nature».

C’est au management de tenir la première ligne de défense dans le combat contre la corruption. Ainsi, les dirigeants doivent formaliser et s’assurer de l’approbation du dispositif anti-corruption, en particulier le code de bonne conduite ou tout document équivalent ainsi que la cartographie des risques de corruption. Il ne s’agit pas seulement de faire de l’affichage à travers une pile de documentations ou de chartes.

La direction doit s’assurer de l’effectivité du plan d’actions afférent à la cartographie et des moyens adaptés pour l’exécuter.Par ailleurs, il faudra mesurer, au moyen d’indicateurs et de rapports de contrôle et d’audit, que le dispositif anti-corruption est implémenté, efficace et à jour depuis la première ligne de défense, celle constituée des collaborateurs en contact avec le client.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO


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