Contrôle des finances publiques : Le parlement peut mieux faire

Le parlement ne peut toujours pas contrôler une dépense publique sans passer par la cour des comptes. Le champ d’action de la commission du contrôle des finances publiques est très limité. Une révision du règlement intérieur s’impose pour doter cette entité des outils nécessaires de contrôle et renforcer, ainsi, l’action parlementaire.
Cela fait quatre ans que
la commission du contrôle des finances publiques a été créée par la chambre des représentants. Cette initiative visant le renforcement de la mission de contrôle du parlement est certes louable, mais nécessite d’être développée. Bien que la commission ait accéléré au cours de cette session parlementaire la cadence en se penchant, entre autres, sur le dossier du fonds de la solidarité familiale, son rythme demeure globalement long car son action est encore exclusivement tributaire des rapports de la cour des comptes. Son programme annuel est en effet élaboré sur cette base-là. L’heure est à la révision des attributions de cette commission qui, rappelons-le, a trois missions : le contrôle et le suivi de la dépense publique à travers la saisie la cour des comptes, l’étude des rapports thématiques de cette institution ainsi que l’examen des textes relatifs au contrôle de la finance publique à commencer par la loi de règlement qui permet de contrôler le gouvernement en matière de dépense de budget.
Mécanismes insuffisants
Depuis la précédente législature, des voix sein de la chambre basse appellent à doter cette entité parlementaire des mécanismes et des outils en vue de renforcer le suivi du parlement en matière de dépense publique, son impact et le degré de la réalisation des objectifs escomptés dans le cadre de la reddition des comptes.Actuellement, les mécanismes dont disposent les députés sont on ne peut plus insuffisants et ne leur permettent pas d’opérer un véritable contrôle. La chambre basse pourrait mieux faire en s’inspirant des expériences internationales. Le parlement britannique, à titre d’exemple, dispose d’une entité interne composé d’experts triés sur le volet. Ce qui permet d’éditer des rapports hebdomadaires sur l’efficience budgétaire. Au Maroc, le manque de moyens est pointé du doigt par les parlementaires des deux chambres qui plaident pour la nécessité de renforcer l’assistance parlementaire par le recrutement d’experts. Aujourd’hui, nombre de députés et de conseillers se sentent désarmés face à plusieurs dossiers d’ordre technique qui nécessite une expertise particulière. C’est le cas notamment de la loi de finances : alors que le gouvernement est assisté par une armada de fonctionnaires, la plupart des députés se trouve contrainte de chercher une expertise externe pour effectuer convenablement la mission de législation.
Mission en cours
Les parlementaires de la commission s’attellent actuellement sur l’élaboration du rapport sur le fonds de solidarité sociale après une série de rencontres avec les ministres des départements concernés. Les députés ont auditionné le ministre de l’Education nationale ainsi que ceux de l’Intérieur et de la Santé. Le chef de département de l’Economie et des finances vient d’être convoqué en tant qu’ordonnateur de ce fonds. Après la clôture de ce dossier, la commission, qui attend la validation de son programme annuel par le bureau de la chambre, devra passer à l’examen du rapport relatif aux établissements et entreprises publiques élaboré par l’institution de Driss Jettou.
Idriss Adoui Skelli
Président de la commission du contrôle des finances publiques à la chambre des représentants
Les Inspirations ÉCO : Etes-vous satisfait des mécanismes de contrôle dont dispose votre commission ?
Idriss Adoui Skelli : Nous sommes satisfaits car nous appliquons le règlement intérieur. La commission du contrôle des finances publiques est un poisson et son eau est la cour des comptes. L’objectif principal est le suivi et le contrôle de la dépense publique à travers les rapports élaborés par la Cour des comptes. Cette mission s’inscrit dans le cadre de l’article 148 de la constitution qui stipule que la Cour des comptes soutient le parlement pour répondre aux questionnements et interrogations relatifs à l’évaluation et au contrôle des finances publiques. Donc, du point de vue constitutionnel, nous nous inscrivons dans cette orientation. Au niveau du règlement intérieur aussi, notre mission est accomplie comme il se doit.
Faut-il développer d’autres mécanismes ?
Bien sûr. Mais, le développement de nouveaux mécanismes doit passer par un amendement du règlement intérieur. Nous pouvons nous inspirer de l’expérience anglo-saxonne. Au niveau du congrès américain et du parlement britannique, la commission du contrôle des finances publiques date d’un siècle. Ces deux parlements sont dotés d’une institution qui est l’équivalent de notre cour des comptes. Sa mission principale est de travailler avec la commission du contrôle des finances publiques. Elle élabore un rapport hebdomadaire. Le parlement marocain n’est pas encore à ce niveau-là. Mais nous avons avec nous une cour des comptes dynamique avec une série de rapports thématiques très intéressants qu’il faut explorer et utiliser à bon escient.
Vos recommandations trouvent-elles écho auprès du gouvernement ?
Le rapport élaboré par la commission de contrôle des finances publiques est voté et approuvé en plénière. Ses recommandations sont aussi votées. Le gouvernement apporte son point de vue sur les recommandations en les approuvant ou les désapprouvant. Les recommandations approuvées par le gouvernement figurent dans le rapport et sont inscrites dans le bulletin officiel du parlement.