Contrôle des dépenses personnelles. Le fisc fait marche arrière
La première version contenait une liste des dépenses que le fisc pouvait contrôler pour procéder au redressement fiscal du contribuable. La deuxième version qui a supprimé cette liste s’est contentée de rappeler l’élargissement par la Loi de finances 2019 des indicateurs de dépenses retenus dans le cadre du contrôle fiscal des contribuables tout en précisant qu’à défaut d’une liste exhaustive sont notamment considérées comme faisant partie des frais susvisés les dépenses purement personnelles.
Grand cafouillage au sein de la Direction générale des impôts (DGI). Celle-ci avait en effet diffusé sur son site une note circulaire relative à la Loi de finances 2019 avant de la retirer pour la remplacer par une autre version. Dans la première version, certains passages relatifs au contrôle auquel peut procéder le fisc pour recouvrer les créances de l’État, notamment en matière d’Impôt sur le revenu (IR), avaient suscité de «l’inquiétude» au sein d’une catégorie de contribuables et pour cause, la DGI avait dressé une liste à titre indicatif et non exhaustif des indicateurs de dépenses personnelles retenus par ses soins pour procéder au contrôle fiscal des contribuables. «L’examen vise à vérifier la sincérité de la déclaration fiscale du contribuable (IR professionnel…) avec la somme de ses dépenses personnelles lorsque leur montant est supérieur à 120.000 DH par an».
Ainsi selon la première version de la note circulaire, la liste parle expressément des frais d’habillement (fourrure, montres, bijoux, etc), des charges du personnel domestique au service du contribuable (femme de ménage, cuisinier…), des frais de scolarité, des frais de formation, culture, loisirs et sport, des frais de voyages, vacances, cure…, des frais d’entretien d’animaux domestiques coûteux (chevaux de selle…). Il est à noter que pour le Code général des impôts, les personnes à la charge du contribuable sont son conjoint, ses propres enfants ainsi que les enfants légalement recueillis par lui à son propre foyer. Une telle liste qui n’est pas limitative ne peut que mettre la puce à l’oreille et l’on peut penser «à tort ou à raison» que le fisc s’attaquera à tout. D’ailleurs, c’est le bruit qui a couru juste après la diffusion de la première version de ladite note circulaire. Certains ont même avancé que le gouvernement, qui s’est plié aux exigences des commerçants, notamment, dans cette histoire de factures électroniques, n’a rien trouvé de mieux à faire que durcir et étendre le contrôle fiscal à ceux qui paient déjà leurs impôts mais la DGI s’est vite rattrapée en diffusant vendredi 25 janvier dernier un erratum dans lequel elle précise que la première version de la note circulaire diffusée le jeudi 24 n’était pas définitive et que de ce fait la nouvelle version annule et remplace la première.
Dans celle rectifiée, cette fameuse liste a tout simplement disparu. Elle a laissé la place au paragraphe suivant : «À défaut d’une liste exhaustive sont notamment considérés comme faisant partie des frais susvisés les dépenses purement personnelles dont la nature est bien identifiée ayant une valeur suffisamment significative, et qui se rattachent à l’année dont le revenu est évalué. Ces critères doivent être appliqués avec beaucoup de circonspection et ne donner lieu à aucune évaluation subjective». Maintenant les contribuables sont bien avisés. Cela étant, toute cette histoire fait suite à l’élargissement par la Loi de finances 2019 de la liste des indicateurs de dépenses retenus dans le cadre de l’examen de l’ensemble de la situation fiscale du contribuable (EESFC). Avant 2019, ce dernier dont l’objectif est d’évaluer les dépenses non professionnelles du contribuable et apprécier leur cohérence par rapport aux revenus déclarés avait une portée limitée au regard de la limitation des dépenses susceptibles d’être contrôlées par le fisc, apportées par l’article 29 du Code général des impôts mais avec l’entrée en application de la Loi de finances 2019, les choses vont changer puisque la limitation a sauté et que le fisc n’a plus les mains liées comme auparavant. «Dans le cadre du renforcement des moyens de contrôle, les dispositions de la L.F n° 8018 ont étendu la liste des dépenses prévues par l’article 29 susvisé à l’ensemble des frais à caractère personnel autres que ceux déjà prévus par ledit article et supportés par le contribuable pour son propre compte ou celui des personnes à sa charge, en l’occurrence son épouse, ses propres enfants ainsi que les enfants légalement recueillis par lui à son foyer, conformément aux dispositions de l’article 74-II du Code général des impôts», lit-t-on dans la nouvelle version de la note circulaire de la DGI.
Toutefois pour que le contribuable soit protégé de tout abus, la note rappelle que les contrôleurs du fisc ne peuvent prendre ces frais comme éléments pour analyser la situation fiscale du contribuable que s’ils ont en leur possession des informations bien fondées et bien justifiées. Elles doivent aussi être «appuyées par des pièces probantes. De même dans le cadre du renforcement des garanties du contribuable, cette évaluation doit faire l’objet d’un débat oral et contradictoire avant toute procédure de rectification, précise la DGI.