Conjoncture : sept salariés sur dix vivent avec moins de 4.000 DH par mois !
Tenir un mois entier avec moins de 4.000 dirhams de salaire brut. C’est l’équation à laquelle sont confrontés 74% des salariés déclarés à la CNSS. Autant dire, mission impossible. Pour ces millions de personnes, le passage de la première tranche exonérée de l’IR à 40.000 dirhams, dès fin janvier, est une bouffée d’oxygène. De leur côté, les classes moyennes, qui émargent de 6.000 à 10.000 dirhams bruts mensuels, sont écrasées par les dépenses contraintes (charges fixes).
Pour les 74% des 4 millions de salariés immatriculés à la CNSS en 2023 et qui gagnent en moyenne moins de 4.000 dirhams (bruts) par mois, la baisse de l’IR et la hausse du SMIG, qui impacteront leur bulletin de paie dès fin janvier, ne seront pas de trop.
Dans cette tranche de la population, la moitié émarge à moins de 3.375 dirhams, qui équivaut au salaire médian. C’est l’Observatoire de la TPME qui révèle ces données dans son Rapport 2024. Les classes moyennes au sens du Haut-commissariat au Plan (HCP) se retrouvent massivement dans le noyau des 7% des salariés dont la rémunération moyenne se situe dans la tranche de 6.000 à 10.000 dirhams bruts mensuels.
Pour la plupart de ces ménages qui vivent dans les grands centres urbains, ou qui scolarisent leurs enfants à l’école privée (ils sont de plus en plus nombreux), les fins de mois sont souvent tendues au regard du coût de la vie. Ceux qui le peuvent ne tiennent sans doute que grâce à un découvert bancaire ou au système «D». Mais ils tiennent aussi la tête hors de l’eau grâce à la désinflation de ces deux dernières années et à l’amortisseur que représentent les subventions, ainsi qu’au blocage des prix de l’électricité.
Ainsi, l’Etat a déboursé 4 milliards de DH à l’ONEE pour ne pas toucher à la facture de l’électricité des ménages afin de «préserver le pouvoir d’achat». La ventilation des emplois par tranche de salaires révèle, par ailleurs, que près de 55% des effectifs déclarés à la CNSS ont touché un salaire n’excédant pas le SMIG en 2023 contre 44% l’exercice précédent. Pour l’Observatoire de la TPME, cette situation s’explique également par le recours massif au temps partiel ainsi qu’à la nature du travail, empêchant ainsi d’atteindre le salaire minimum requis.
En gros, très peu de ces personnes travaillent un mois entier. La répartition des emplois par classe d’âge des entreprises et tranche de salaires révèle que les entreprises âgées de 2 à 5 ans rémunèrent près de 2/3 de leurs effectifs à moins du SMIG.
Cette proportion est de 47,1% pour les entreprises de plus de 10 ans. La masse salariale déclarée à la CNSS, établie à 204,2 milliards de dirhams en 2023, est en hausse de 9,7%. Si cette progression traduit aussi des créations d’emplois, elle s’explique surtout par les résultats de la lutte contre le travail dissimulé et les sous-déclarations. Soit directement, soit en maintenant des recrues sous le statut de stagiaires à durée indéterminée – ce qui a été dénoncé récemment par le ministre de l’Industrie-, certaines entreprises espèrent améliorer leur compétitivité tarifaire.
Ce n’est pas un hasard si la hausse de la masse salariale est plus marquée dans les traditionnels secteurs du travail au noir même : l’hébergement-restauration et l’enseignement qui enregistrent respectivement des hausses de 22,2% et 17,2%. Un trio de secteurs composé du «Commerce, réparation d’automobiles et de motocycles», de l’«industrie manufacturière» et de la «construction» génère près de 44% de la masse salariale, et emploie un salarié sur deux déclaré à la Sécurité sociale (49%). La hausse de la masse salariale en 2023 a concerné toutes les catégories d’entreprises.
Par classe d’effectifs, il ressort que la masse salariale de celles employant entre 11 et 50 employés a enregistré une hausse de 14,2%. Ces entreprises pèsent 16,4% du total de la masse salariale déclarée à la Sécurité sociale, contre 15,8% en 2022. Les entreprises aux effectifs de plus de 500 salariés ont vu leur masse salariale progresser de 8,2%. Ces grandes entreprises ont généré 37% de la totalité des salaires déclarés.
La femme toujours victime des inégalités salariales
Dans les «Moyennes entreprises», la part du personnel féminin rémunéré à moins du SMIG est de 65,3%, une proportion plus élevée comparée aux autres catégories d’entreprises et 14 points au-dessus de la part des employés masculins qui est de 51,2%.
Dans les grandes entreprises, seulement 13,7% des employées femmes perçoivent un salaire supérieur à 10.000 DH, contre 14,3% pour les hommes. Cette proportion varie de 2,6% à 7% pour l’emploi féminin et de 3% à 7,2% pour l’emploi masculin dans les autres catégories d’entreprises.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO