CMC : La soutenabilité de la croissance remise en question
Selon le Centre marocain de conjoncture, la mise en oeuvre des nouvelles dispositions du projet de loi de Finances 2017, notamment en matière d’investissement, aura une faible incidence vu les délais courts pour les rendre effectives sur le terrain.
«L’économie marocaine demeure soumise à de multiples facteurs de risque liés à l’instabilité de l’environnement international et aux fluctuations pouvant affecter les marchés d’exportation ou bien les prix de l’énergie et des matières premières», note le Centre marocain de conjoncture (CMC) dans son dernier bulletin d’information consacré aux orientations du futur budget pluriannuel 2018-2020. Les économistes du CMC partent d’un constat favorable selon lequel la conjoncture actuelle marquée par une atténuation des déséquilibres financiers suite aux efforts consentis ces trois dernières années, ne doit pas dissimuler les fragilités structurelles de l’économie et les menaces qu’elles font peser sur la dynamique de croissance. Leur analyse met en garde contre les éléments d’incertitudes inhérents à la conjoncture internationale qui peuvent ressurgir suite à des chocs exogènes et remettre en cause les acquis enregistrés au plan de la stabilisation du cadre macroéconomique.
Le retour à un cycle de croissance stable et entretenu à l’échelle internationale est encore loin d’être acquis, en particulier chez les pays membres de l’UE, soit le principal marché d’exportation de l’économie marocaine. Le Maroc, prévient le CMC, n’est donc pas à l’abri d’un choc externe de reflux de la demande exacerbé par le déficit de compétitivité. Les données du commerce extérieur au terme du premier trimestre donnent déjà des signes précurseurs de risques à venir. En effet, le déficit de la balance commerciale (bien et services) a dépassé 30 MMDH, en aggravation de 44% par rapport à la même période en 2016. Il y a lieu de se soucier également du repli significatif des flux financiers entrants (recettes touristiques, IDE, transferts MRE) qui d’habitude contribuent à atténuer le déficit commercial.
Aussi, l’instabilité du marché pétrolier ajoute aux contraintes structurelles pesant sur les finances extérieures, dans la mesure où toute reprise du cycle haussier des prix ferait courir un risque majeur, à la fois sur le solde commercial et sur les tensions inflationnistes. Face à ces facteurs de risque, constate le CMC, les instruments de politique économique susceptibles d’en atténuer les effets ont jusqu’à présent fait défaut.
Facteurs de risques
Évoquant le retard pris dans l’approbation du projet de loi de Finances 2017, les conjoncturistes parient que le manque à gagner cumulé tout au long du premier semestre aussi bien en termes d’activité qu’en termes de revenus et d’échanges, ne pourra être rattrapé durant le restant de l’année.
La dégradation subite de la situation de l’emploi en donne le signe le plus symptomatique. La situation de l’emploi est préoccupante, notamment en milieu urbain, où le taux de chômage frôle 15,7% et atteint même 23,2% pour les jeunes âgés de 25 à 34 ans. Le passage à la flexibilité du régime de change n’a pas été épargné par le bulletin du CMC qui y voit un facteur supplémentaire d’inquiétude qui s’ajoute aux fragilités structurelles de l’économie marocaine. «La politique de change au Maroc se trouve ainsi dans un tournant aux configurations incertaines qu’il va falloir négocier avec prudence», souligne le CMC. La flexibilité du taux de change qui s’avère nécessaire, eu égard non seulement aux changements profonds du contexte macroéconomique mais aussi aux ambitions économiques du Maroc sur la scène régionale, n’en comporte par moins des risques au plan interne. Les entreprises et les investisseurs, ajoute-t-on, devront faire face à des coûts supplémentaires liés à l’instabilité des cours de la monnaie.
À leur tour, les ménages devront supporter plus d’inflation, au moins à court terme. Les conjoncturistes se montrent convaincus que la tendance à l’amélioration des équilibres financiers, aussi bien au niveau du budget qu’au niveau des comptes extérieurs, demeure fragile et reste subordonnée aux fluctuations externes.
Dans ce contexte favorable, il sera difficile d’assister au redressement du rythme de croissance attendu en 2017, en l’absence totale de programmation budgétaire pour la moitié de l’exercice. La mise en oeuvre des nouvelles dispositions budgétaires sur les six mois à venir, notamment en matière d’investissement, s’avérera aux yeux du CMC de faible incidence vu les délais nécessaires pour les rendre effectives sur le terrain. Le budget 2017 apparaît ainsi comme une programmation conçue pour solder une longue période de stabilisation enclenchée depuis plus de cinq années avec l’aggravation des déficits interne et externe.
Par conséquent, poursuit le CMC, il importe de se projeter dès à présent au-delà de la perspective annuelle pour entrevoir la sortie de la trappe actuelle et s’inscrire résolument dans une vision pluriannuelle comme le prévoient les nouveaux textes réglementaires, allusion ici faite à la nouvelle loi organique de la loi de Finances. Le budget 2018, insiste-t-on, devrait être pensé dans le cadre d’une véritable vision de soutien à l’activité et de relance de la dynamique de croissance. «Une telle vision constitue l’option la plus indiquée pour insuffler un nouvel élan à l’activité, corriger les déséquilibres actuels et faire face aux risques sous-jacents», conclut le document du CMC.
Des signaux de reprise au premier semestre 2017
L’évolution observée depuis le début de l’année des indicateurs d’activité confortent dans une large mesure les anticipations de reprise, constate le CMC dans sa dernière note de conjoncture. En effet, les prévisions pour l’année 2017, anticipant le retour progressif des activités primaires à leur niveau de performance tendanciel, tablent sur une reprise plus ou moins forte du cycle de production à la faveur d’une demande intérieure plus soutenue. S’agissant de l’offre, les estimations de croissance au terme du premier trimestre de l’année retiennent une progression du PIB de 4,3%, en hausse de 2,6 points par rapport à la même période en 2016. L’évolution observée au second trimestre donne également des signes de consolidation avec le redressement des activités primaires et le regain de dynamisme des principales activités industrielles, commerciales et de services. Cette orientation positive est relayée, du côté de la demande, par le comportement de consommation qui a connu une progression assez soutenue depuis le début de l’année dans un contexte marqué par une relative détente de l’inflation. Il en est de même de l’investissement qui, malgré une légère décélération liée au retard pris dans la promulgation de la loi de Finances, semble maintenir son rythme de progression tendanciel, souligne le CMC.