Éco-Business

CBAM : les défis et risques pour les entreprises exportant vers l’UE

Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne, ou CBAM, est un mécanisme visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre en taxant les importations en provenance de pays tiers. Si le CBAM présente des avantages environnementaux évidents, il soulève également des préoccupations pour les opérateurs économiques, qui devront s’adapter à de nouvelles règles et procédures. 

«Les risques surviennent souvent de là où on les attend le moins». Une maxime qui pourrait s’appliquer au Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne (CBAM). En effet, il n’offre pas que des opportunités aux opérateurs économiques marocains. Son application concrète fait émerger de nouveaux défis pour les entreprises souhaitant exporter vers l’UE. Si le CBAM vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre en taxant les importations en provenance de pays tiers, il soulève également des préoccupations pour les opérateurs, qui devront s’adapter à de nouvelles règles et procédures. Comme l’a souligné Abdelaziz Mantrach, vice-président de l’ASMEX, lors du webinaire co-organisé avec la Chambre de commerce belgo-luxembourgeoise au Maroc (CCBLM), face aux enjeux, il est important de savoir ce qui change réellement pour les industriels, afin de leur permettre de se préparer, de s’adapter et d’être prêts devant les différentes échéances à venir prévues par cette procédure.

«Cette sensibilisation est d’autant plus importante que l’Union européenne représente plus de 64% de notre commerce extérieur, ce qui en fait notre premier marché. Il est donc crucial de prévenir dès à présent l’éventuel impact que pourrait avoir la taxe carbone sur la compétitivité de l’activité industrielle», commente-t-il.

Yves Melin, avocat associé chez Reed Smith, souligne les similitudes entre le CBAM et les taux de droits de douane réduits. Il met également en garde contre les risques liés à la demande d’un taux réduit, qui peut entraîner des erreurs coûteuses pour les opérateurs économiques.

Selon l’avocat, les opérateurs économiques devront se conformer à des procédures similaires à celles utilisées pour les taux de droits de douane réduits en revendiquant une origine préférentielle pour leurs marchandises. «Vous devrez faire une déclaration et détenir des informations qui permettent de démontrer que votre marchandise remplit certains seuils de valeur ajoutée, notamment de certaines opérations à réaliser au Maroc ou dans le bassin méditerranéen, pour bénéficier d’un taux réduit. Le taux réduit vous est donné sur la base de votre déclaration. Vous importez, et dans les deux ans qui suivent, vous aurez des contrôles douaniers qui vérifient que vous pouviez effectivement bénéficier de ce taux», explique-t-il.

Cependant, demander un taux réduit pour l’origine préférentielle ou pour le CBAM signifie soustraire des revenus à l’UE, car les certificats CBAM et la taxe carbone à la frontière sont des revenus collectés par les États membres au bénéfice du budget de l’Union européenne. Ce qui soulève des préoccupations quant à la vérification des montants payés à l’importation. Melin met en garde contre les risques liés à la demande d’un taux réduit, qui peut entraîner des erreurs coûteuses pour les opérateurs économiques. «Les erreurs peuvent être très coûteuses, comme certains opérateurs le savent déjà, s’ils ont fait l’objet d’une enquête des douanes liée à l’origine préférentielle. Le même type de risque existera demain pour le CBAM», explique-t-il.

Un processus complexe à dessein pour protéger le marché européen
Le but principal du CBAM est de protéger le marché européen en obligeant les importateurs à acheter des certificats CBAM pour compenser les émissions de carbone de leurs produits. Cependant, le processus de mise en place du CBAM est complexe, ce qui peut avoir des implications à la fois pour les importateurs et pour l’UE. «De par mon expérience, je sais que l’Union européenne est réputée pour aimer la complexité, surtout lorsqu’elle peut servir d’écran ou d’obstacle à la mise sur le marché européen de marchandises. Cela a deux conséquences. Tout d’abord, cela rend l’importation de marchandises provenant de pays tiers plus difficile, ce qui protège le marché européen. Deuxièmement, la complexité peut générer des revenus pour l’Union européenne, car chaque fois qu’une erreur est commise, une dette douanière ou une dette de CBAM sera créée», explique Yves Melin.

Cependant, il est important de noter que l’UE ne peut pas imposer le plein tarif pour la tonne de carbone émise sans correction pour chaque produit importé dans l’UE. Sur cette base, l’avocat explique qu’il y aura certainement un mécanisme de correction qui permettra de faire le lien entre le prix réellement payé par les producteurs européens et le CBAM. Il souligne que le prix à payer pour les produits couverts sera probablement faible au début. Cependant, au fil du temps, le coût de mise sur le marché des marchandises couvertes augmentera progressivement, ce qui donnera également aux entreprises l’occasion de s’adapter. Cela dit, chaque fois que l’empreinte carbone d’un produit n’est pas connue, il sera toujours possible de l’écouler sur le marché européen en achetant le nombre de certificats CBAM prescrits dans le règlement.

«Tant que le nombre de certificats CBAM restera bas, l’accès au marché européen ne sera pas trop impacté. Cependant, au fur et à mesure que le nombre de certificats ETS (sur les déclarations d’émissions de gaz à effet de serre, ndlr) mis gratuitement à disposition des industries de l’UE diminuera, le nombre de certificats CBAM à acquérir pour la mise sur le marché des produits CBAM augmentera», commente l’avocat, qui ajoute que si l’UE traite différemment les émissions européennes et celles des pays tiers, cela constituerait une violation des règles de l’OMC, ce qui laisserait l’UE exposée à des procédures à Genève où elle pourrait perdre.

Il est donc essentiel que l’UE mette en place un système équitable pour tous les importateurs. Pour sa part, Véronique Petit, ambassadeur de Belgique au Maroc, retient ce qu’a dit le ministre de l’Industrie marocain, récemment, à savoir que «le CBAM est aussi une opportunité pour le Maroc». «Je pense que c’est un élément extrêmement important, car le Maroc s’est positionné comme un pays qui veut jouer un rôle important dans le domaine des énergies renouvelables et de la décarbonation de son économie», dit-elle.

Une taxe qui ne porte pas son nom !

Le CBAM s’inscrit dans le Pacte vert pour l’Europe, qui vise à faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone d’ici 2050, et vise aussi à lutter contre la fuite carbone, c’est-à-dire le déplacement de la production à forte intensité carbone vers des pays où les politiques climatiques sont moins strictes. Isabel Fressynet, avocate chez Reed Smith, souligne que le CBAM était en réalité une taxe, bien qu’elle ne porte pas ce nom.

Le mécanisme va permettre de fixer un prix équitable sur le carbone émis lors de la production de produits à forte intensité carbone dans un pays tiers pour leur importation dans l’Union européenne.

Ainsi, les importations paieront un prix pour leurs émissions de carbone comparable à celui payé par les producteurs nationaux européens sous le système ETS (Emission trading system).

Le mécanisme s’appliquera progressivement à certains produits sélectionnés pour leur forte intensité carbone, tels que le ciment, le fer et l’acier, l’aluminium, les engrais, l’électricité, l’hydrogène, ainsi que certains précurseurs et produits en aval.

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO


whatsapp Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp

Évolution des prix des fruits et légumes à Casablanca



Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters



Bouton retour en haut de la page