Casablanca Arbitration Days : l’arbitrage sportif à l’épreuve de l’impartialité
Aux Casablanca Arbitration Days, experts et praticiens ont exploré les défis de l’arbitrage sportif, où justice et expertise se croisent pour préserver l’équilibre entre les partis.
L’arbitrage et la médiation, outils modernes de règlement des différends, s’imposent comme des alternatives efficaces face à l’engorgement des juridictions traditionnelles. Lors de la 8e édition des Casablanca Arbitration Days, qui s’est déroulée les 13 et 14 décembre, cet équilibre a été examiné sous l’angle du sport et de la finance, deux domaines où la résolution des litiges exige à la fois rapidité, expertise et neutralité face à des intérêts souvent divergents.
La conférence a accueilli Pierluigi Collina, président de la Commission des arbitres de la FIFA, qui a souligné l’importance de la préparation mentale, de l’impartialité dans toute décision arbitrale. Des valeurs essentielles sur les terrains de sport, mais tout aussi cruciales dans les litiges économiques, où elles préservent à la fois réputation et intérêts financiers des parties. Ces notions ont été explorées dans plusieurs panels dédiés à l’arbitrage sportif, une pratique qui repose sur un subtil équilibre entre neutralité et expertise.
«Être arbitre, c’est garantir une justice adaptée aux spécificités du sport tout en respectant les principes fondamentaux du droit», a déclaré Jalal El Ahdab, président de la Cour d’arbitrage du CIMAC, qui a souligné que cette articulation entre les dimensions exige une compréhension fine des réalités du terrain, tout en s’inscrivant dans le respect des cadres normatifs.
L’impartialité, un critère central mais complexe à définir, a également retenu l’attention.
«L’impartialité ne se limite pas à l’absence de conflits d’intérêts. Elle s’évalue aussi dans la manière dont les décisions sont prises», a expliqué Monia Karmass, avocate en arbitrage sportif.
Cette observation rappelle que l’impartialité, plus liée à la perception et au comportement de l’arbitre, est plus difficile à évaluer que l’indépendance.
Approche équitable
Les limites structurelles de l’arbitrage ont aussi été abordées. «Réduire le choix des parties à une liste d’arbitres prédéfinie peut restreindre l’accès à des experts réellement adaptés à la nature des litiges», a noté Thibaud Dales, avocat partner chez Clifford Chance. Il a néanmoins reconnu que dans des domaines techniques comme le dopage, cette homogénéité garantit une certaine cohérence. Une tension persiste néanmoins entre cette standardisation et la spécialisation nécessaire à certains contextes. Les interventions ont également mis en lumière les tensions entre application stricte du droit et équité.
«Lorsque les parties s’accordent sur une approche équitable, il devient possible d’ajuster les sanctions pour mieux refléter les spécificités des cas», a expliqué Joao Nogueira Da Rocha, avocat spécialisé en droit du sport et en arbitrage.
Ces ajustements, bien que rares, permettent une certaine flexibilité tout en restant encadrés par des exigences réglementaires qui assurent la prévisibilité du système. La dimension humaine des litiges n’est pas en reste.
«Une suspension peut ruiner une carrière et marquer durablement la réputation d’un athlète», a rappelé Sabin Gherdan.
Selon lui, ces répercussions imposent une rigueur accrue dans l’évaluation des preuves et la conduite des procédures. Cela rappelle que l’arbitrage sportif ne peut se limiter à une application mécanique des règles, mais doit prendre en compte les implications personnelles et professionnelles des décisions. Ces échanges ont permis de clarifier les enjeux d’un arbitrage sportif qui, tout en s’appuyant sur des cadres établis, tente de s’adapter aux réalités souvent délicates des litiges qu’il doit trancher.
Casablanca, avec son Centre international de médiation et d’arbitrage, entend jouer un rôle central dans ce domaine. Créé en 2016, le CIMAC combine une expertise locale et des standards internationaux. Inspiré par des institutions comme celles de Londres ou Singapour, il ambitionne de répondre aux besoins spécifiques des marchés africains et d’accompagner l’évolution d’une justice, mieux adaptée aux défis de l’époque.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO