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Capitaux espagnols. Le Maroc, partenaire n°1 en Afrique

Les échanges commerciaux entre les deux pays ont connu une véritable envolée. Le Maroc est à la première destination des capitaux espagnols sur le continent. Et l’on peut mieux faire…

Sur le portail de l’Institut d’exportation et d’investissements (ICEX), la fiche descriptive du Maroc le décrit comme une «oasis pour l’investissement». Les superlatifs abondent dans les rapports élaborés par les banques ou les entités publiques espagnoles destinés à encourager l’investissement sous nos latitudes. Toutefois, sur le terrain, la réalité est tout autre. Les investissements directs espagnols sont encore timides. En 2017, les IDE en provenance de la péninsule étaient de l’ordre de 7,1 millions d’euros. De la sorte, l’Espagne était le 11e pays investisseur au royaume. Une légère amélioration a été observée entre janvier et septembre 2018, quand l’Espagne s’est positionnée à la 4e place.

Durant cette période, ces flux d’investissements ont totalisé la somme de 23 millions d’euros, selon le registre des investissements étrangers relevant du ministère de l’Économie espagnol. Certes, le royaume est la première destination des capitaux espagnols en Afrique et accapare le tiers du stock ibérique avec 43% (chiffre 2016), mais cela reste en deçà des aspirations du royaume et ne traduit guère le dynamisme loué de part et d’autre. On est loin des importants flux que le capital espagnol débloque dans des pays latino-américains comme le Chili (359 millions d’euros en 2017) ou le Pérou (467 millions d’euros/2017). Concrètement, le Maroc dénombre environ 1.000 firmes espagnoles dont 592 de droit marocain, avec une participation de 10% de la maison-mère espagnole. En revanche, le rival français compte plus de 3.750 entreprises sous nos latitudes. De même, la France conserve son titre de premier investisseur au Maroc. A priori, il n’y a pas de quoi bomber le torse au vu de la présence économique espagnole sous nos latitudes. Toutefois, les deux partenaires se consolent avec le dynamisme des chiffres relatifs aux échanges commerciaux: cela fait déjà 6 ans qu’ils ne sont pas retombés. En effet, depuis 2012, l’Espagne est le premier client et fournisseur du Maroc. À son tour, celui-ci est le premier partenaire de l’Espagne, en dehors de l’UE et des États-Unis.

Selon le chercheur au think tank espagnol Real Instituto el Cano, Gonzalo Escribano, le temps des rivalités entre les deux économies est révolu. Place à présent à la complémentarité. «Cette évolution dans la nature des relations confirme cette tendance à la complémentarité. Quand on décortique les données sur le commerce, nous sommes devant une tendance différente de celle enregistrée il y a une décennie», explique-t-il.

Pour cet économiste, le commerce bilatéral a énormément progressé entre les deux pays et traduit l’évolution des relations économiques entre les deux contrées. «Nous avons aujourd’hui une meilleure interdépendance économique qu’il y a quelques années. Cette situation invite les deux pays à coopérer davantage et dans divers secteurs et activités, afin de consolider cette interdépendance et qu’elle s’inscrive dans la continuité», ajoute-il. Preuve de cette progression, ajoute l’économiste espagnol, l’évolution de la nature des échanges. «En jetant un œil aux exportations marocaines, on trouve des produits relevant du secteur énergétique comme des combustibles mais aussi des exportations électriques. Il s’agit d’un nouveau schéma d’interdépendance, plus complexe», affirme Escribano.

«Certes, l’Espagne exporte vers le Maroc des véhicules à moteur, mais il faut aussi souligner que nous importons du pays voisin des composantes de l’industrie automobile. L’ère où le Maroc n’expédiait que des tomates et l’Espagne des voitures est dépassée. À présent, il existe une intégration et un commerce intra-industriel de plus en plus forts», met en exergue le professeur espagnol.  Or, pour ce chercheur, il ne s’agit que de la première étape d’un long processus. «Nous avons besoin de relations économiques complètes et entières. À ce sujet, il serait nécessaire d’approfondir les accords avec l’Union européenne et d’en améliorer la qualité institutionnelle», recommande-t-il. À ce propos, l’analyste propose l’adoption de protocoles «sans restriction» pour stimuler le commerce entre les deux rives et refléter le niveau d’intensité des relations actuelles. Il invite à cet effet l’UE à adopter des textes plus «généreux», qui reflètent les préférences du Maroc. «J’estime que nous devons nous diriger vers des relations économiques libres et complètes, délestées des restrictions et protégées par un efficace système de régulation des marchés et de mécanismes de concurrence», appelle-t-il de ses vœux. «Il s’agit, en somme, des dispositions prévues dans le nouvel ALECA. Malheureusement, ces négociations avancent à pas de tortue», regrette l’économiste espagnol

. Sur un autre volet, les opérateurs et responsables politiques ne cessent de mettre en avant les importantes réformes menées par le pays pour moderniser sa législation et l’harmoniser avec celle de l’espace européen. Malgré ce discours louangeur, les grandes entreprises espagnoles ne se bousculent pas au portillon. «Cela est en fait dû à un ensemble de facteurs. Pour les grands groupes espagnols, le marché marocain est réduit», explique Escribano. L’économiste pointe du doigt l’absence d’intégration des économies de l’Afrique du Nord, facteur qui joue en défaveur de l’économie marocaine et plombe sa croissance. «S’il y avait la possibilité de s’implanter au Maroc pour ensuite aller vers d’autres marchés comme l’Algérie ou la Tunisie, il se révélerait intéressant et plus attrayant pour les entreprises espagnoles, à l’image de ce qui se passe en Amérique latine pour les entreprises espagnoles», affirme-t-il. Cela explique d’ailleurs la nature des groupes espagnols présents sur le territoire. La plupart d’entre elles se consacrent aux marchés publics et aux projets d’infrastructures. «Il est aussi question de confiance et de climat des affaires, et certaines entreprises se sont rendues compte que les mécanismes de régulation ne sont pas suffisamment protecteurs et fiables au Maroc, où les risques sont toujours élevés», pointe du doigt Escribano. «Quand le comité de risque d’une entreprise considère l’idée de s’implanter et se rend compte que l’organisme en charge de la concurrence n’a pas été renouvelé depuis 8 ans, que son mode de fonctionnement est opaque… ces données interviennent au moment de prendre la décision d’aller s’implanter ailleurs. Il est clair que lorsque les règles ne sont pas claires dans un secteur supposé être régulé, cela dissuade les entreprises et retarde l’arrivée des capitaux – pas que ceux espagnols», prévient notre interlocuteur. «C’est dans cette optique qu’il est recommandé d’avancer vers un accord complet dans le domaine de l’énergie par exemple. Dans ce cas de figure, une intégration du Maroc dans le marché énergétique européen lui permettra d’adapter sa législation aux exigences de ce secteur», affirme le chercheur. «Pour que cela soit possible, il faudrait revoir et disposer d’un cadre institutionnel plus souple, intégrateur, pour mener à terme cette coopération», propose l’économiste. 


L’Europe d’abord, l’Afrique ensuite !

Il y a quelques années, une nouvelle idée a fait son apparition parmi les dirigeants politiques des deux pays: aborder le marché africain en binôme. «Il est impressionnant de voir comment le Maroc a développé son réseau auprès des pays africains; or, quand on se penche sur les chiffres, cette présence économique marocaine sur le continent reste relativement modeste», note Gonzalo Escribano. Cet expert de l’économie maghrébine estime que l’idée d’une coopération économique maroco-espagnole en Afrique est intéressante; toutefois, cela lui semble encore prématuré. «La majeure partie des relations économiques et commerciales du Maroc et de l’Espagne s’effectue avec l’UE. C’est la partie qu’il faut développer et bien ficeler avant de passer au marché africain», recommande-t-il.


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