Cahiers importés de Tunisie : Ouverture d’une enquête antidumping
Suite à une requête déposée par les principaux producteurs nationaux de cahiers (MAPAF, Med Paper et Promograph), le Secrétariat d’État chargé du Commerce extérieur a décidé d’ouvrir une enquête antidumping sur les importations en provenance de Tunisie.
Après plusieurs tentatives inabouties, les producteurs nationaux de cahiers ont finalement réussi à convaincre le département du Commerce extérieur du bien fondé de leurs griefs contre les produits tunisiens. Le département de Rkia Derham vient en effet de donner suite à la requête déposée le 10 mars dernier par trois opérateurs (MAPAF, Med Paper et Promograph) demandant la mise en œuvre de mesures anti-dumping. La marge de dumping estimée dépasse largement les 2%, niveau admis par les règles du commerce international et justifierait, en conséquence l’intervention du Secrétariat d’État en charge du Commerce extérieur. «Les données et renseignements sont objectifs et suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête antidumping», indique-t-il. Cette dernière prend effet à partir du 11 mai.
Dommage
Dans leur requête, les trois opérateurs marocains, qui représentent 67% de la production nationale, visent le cahier scolaire de petits, grands et maxi formats dont le grammage est de l’ordre de 55 à 120 gr/m2, à l’usage principalement des écoliers et des étudiants. Les marges de dumping obtenues seraient substantielles, avec une marge moyenne estimée à 84%. L’examen et vérification des données de la requête et des documents d’appui ont permis de considérer l’estimation du prix à l’exportation, de la valeur normale et par conséquent de la marge de dumping comme objective. Selon les plaignants, les importations en dumping des cahiers originaires de Tunisie sont présentes sur le marché marocain depuis de nombreuses années, ce qui a conduit à la disparition de certains producteurs historiques des cahiers. C’est le cas notamment de Comptoir national des papiers «Conapa», traditionnellement premier producteur de cahiers au Maroc qui a cessé son activité en 2014 «en raison de la concurrence déloyale exercée par les exportateurs tunisiens de cahiers». Au cours de la période considérée (2013-2016), les importations de cahiers originaires de Tunisie ont graduellement augmenté, passant de 6.111 tonnes en 2013 à 7.247 tonnes en 2015.
En 2016, ces importations ont légèrement diminué avec un volume de 6.756 tonnes, qui reste cependant supérieur au volume d’importations en 2013 et 2014. De plus, les importations tunisiennes s’accaparent une part importante dans la composition des importations des cahiers (87% et 89% du volume total des importations en 2015 et 2016). «Ce qui ne laisse aucune place pour les autres importations qui sont incapables de pratiquer des prix aussi bas sur le marché marocain», estiment les requérants. Autre argument avancé par les plaignants : la baisse de la profitabilité. La branche nationale a en effet augmenté sa capacité de production entre 2013 et 2016 à la suite des investissements effectués destinés à satisfaire la demande en accroissement. Seulement, alors que la production nationale aurait dû corrélativement augmenter, elle s’est maintenue en ne faisant part que d’une variation de 32% entre 2016 et 2013. Le taux d’utilisation de la capacité, qui se situait d’ores et déjà à un niveau faible en 2013, a encore diminué de 7% en 2015 et de 3% en 2016. Pis encore, les ventes de la branche nationale ont été réalisées avec une profitabilité négative entre 2013/2014 et 2015/2016. «Ce qui montre que les cahiers ont été vendus à perte», avancent les requérants. Le prix moyen a d’abord diminué de 2% entre 2013 et 2014 pour augmenter de 3% entre 2014 et 2015. En 2016, ce prix de vente a diminué à nouveau de 6% par rapport à 2015.
Menace grandissante
Selon les allégations des requérants, la situation de la branche de production nationale est très inquiétante au vu de la dégradation des indicateurs de dommages en particulier de la marge de profitabilité négative qui pourrait continuer à chuter à des niveaux critiques au cours des prochains mois si les conditions d’une concurrence loyale sur le marché marocain ne sont pas rétablies. En effet, les circonstances du marché marocain se seraient encore détériorées au cours de ces derniers mois, montrant une volonté ferme de la part des producteurs-exportateurs tunisiens à pratiquer des prix à l’export anormalement bas pour consolider leur positionnement sur le marché marocain et faire pression sur les producteurs marocains dont la viabilité est sérieusement remise en cause.
La stratégie des producteurs tunisiens de cahiers est orientée vers l’export dans les pays du Maghreb, notamment le Maroc. À titre d’indication, SOTEFI, le premier producteur de cahiers en Tunisie indique qu’il réalise la moitié de son chiffre d’affaires total dans les activités à l’export et dispose également de filiales au Maroc. De la même manière, SITPEC, un autre producteur tunisien de cahiers précise que son chiffre d’affaires à l’export représente 40% du chiffre d’affaires total en particulier dans les pays du Maghreb et les pays africains. Selon la requête, en raison de l’augmentation de la consommation de cahiers dans les pays de la région du Maghreb, les producteurs tunisiens se veulent prêts à consolider leur position sur les marchés à l’export comme le Maroc avec une politique agressive d’offres de prix à l’export qui ne laisse aucune place pour les autres importations et se fait au détriment des fabricants locaux. En 2017, selon le requérant, cette politique agressive de prix se poursuit avec des offres de prix à l’export encore plus bas que celles proposées au cours de l’année 2016.