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Budget : le Trésor coincé par les déficits jumeaux

Les comptes de l’État clôtureraient l’année avec un trou de 6,3% du PIB, selon les projections de la Banque centrale. Mais cette prévision peut voler en éclats car la pression des dépenses de subvention restera forte. Pour se financer, le Trésor peut éventuellement recourir à son découvert auprès du FMI. 

Le gouvernement peut-il se passer de son découvert auprès du FMI, la ligne de précaution et de liquidité (jusqu’à 6 milliards de dollars), pour contenir la pression sur le budget ? Jamais depuis dix ans, lorsqu’elles avaient atteint le record historique de 54,87 milliards de dirhams (MMDH), les dépenses de subvention n’ont menacé les équilibres macroéconomiques qui, selon l’expression du gouverneur de Bank Al-Maghrib, «relèvent de la souveraineté nationale». Abdellatif Jouhari, qui était aux responsabilités à l’époque de l’hyperinflation et des taux d’intérêt à 21% au début des années 1980, n’a rien oublié. La maîtrise des comptes publics est non négociable.

Le cas échéant, le Trésor pourrait également puiser dans sa dotation des DTS du FMI, un «découvert exceptionnel» ouvert aux États membres du Fonds. Mais quelle que soit l’option choisie (peut-être même une avance de la Banque centrale), on ne doit pas perdre de vue le maintien des équilibres macroéconomiques, insiste le wali de BAM.

Ce qui est certain, c’est que les comptes de l’État ne sortiront pas indemnes de la pression qu’exerce l’envolée des dépenses de soutien des prix du gaz butane et du blé. Avec 32 MMDH prévus (dans le meilleur des cas), 2022 se rapproche du niveau des dépenses de 2014 (32,65 MMDH), une année charnière, car elle marque la mise en œuvre de la décompensation des carburants, une réforme menée par le gouvernement Benkirane contre l’avis d’une partie de ses amis politiques.

Cette réforme structurelle avait inversé la courbe des charges de la compensation qui se stabiliseront depuis autour de 14 MMDH en moyenne. Mais ce qui constitue un vrai succès de politique économique, risque de voler en éclats cette année et emporter avec lui le déficit. Pour l’instant, les prévisions chiffrent le déficit du budget de l’État à 6,3% du PIB en 2022, un niveau encore loin des 7,7% de 2020, alimenté, il est vrai, par les dépenses exceptionnelles liées aux mesures de lutte contre la pandémie du covid-19.

Cette projection intègre l’hypothèse de la poursuite de la hausse des cours du gaz butane et de l’effet change, explique Bank Al-Maghrib qui assure que le déficit devrait revenir à 5,6% du PIB, l’année prochaine, en pariant sur l’amélioration des rentrées d’impôts. Mais ce que ne dit pas la Banque centrale au contraire de la Cour des comptes, c’est que le déficit budgétaire, tel qu’il ressort des comptes de l’État, serait biaisé par l’accumulation des arriérés de crédits de la TVA, estimés à 38 MMDH à fin août, malgré l’effort de remboursement consenti par le gouvernement (13 MMDH).

Dans un rapport d’il y a cinq ans, qui n’a pas perdu de sa pertinence, les magistrats de la Cour des comptes avaient mis en cause l’utilisation des «ardoises» de crédits de TVA par l’État pour piloter le déficit budgétaire. En gros, pour enjoliver ses comptes, il avait fallu, par exemple, recourir à une consultation des experts du FMI pour avoir la même lecture des crédits structurels de TVA que le Trésor accumule dans ses comptes.

La question était de savoir si ces arriérés relevaient de la dette ou pas. Selon le ministère des Finances, le FMI avait clairement précisé qu’ils ne rentraient pas dans la case dette. Ce qui est vrai pour un ménage en tant qu’agent économique, qui doit par exemple de l’argent à son épicier, ne l’est pas forcément pour l’État.

Balance courante, l’autre danger

2022 devrait connaître une progression des échanges extérieurs de biens, une reprise des recettes voyages et un léger recul des transferts des MRE. Le déficit du compte courant terminera l’année à 4,9% du PIB, après 2,3% en 2021. Ce déficit, couplé à celui du budget, va exercer une pression sur la parité du dirham et les finances publiques. En 2023, la progression des échanges de biens devrait décélérer alors que celle des recettes voyages aurait tendance à se consolider, ramenant le déficit du compte courant à 3,8% du PIB.

Quant à celles des investissements directs étrangers (IDE), elles avoisineraient 3% du PIB. Tenant compte, notamment, des hypothèses d’entrées de dons de 2,2 MMDH en 2022 et de 2 MMDH en 2023 ainsi que des financements extérieurs du Trésor prévus à l’international, les avoirs officiels de réserves se situeraient à 342,5 MMDH à fin 2022 et 346,4 MMDH à fin 2023, soit l’équivalent de plus de 6 mois d’importations de biens et services.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO


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