Éco-Business

BTP : «La situation risque de s’aggraver en 2017»

El Mouloudi Benhamane : Président de la Fédération du BTP

Réorganisation de la fédération, contrat-programme avec le gouvernement… Fraîchement élu à la tête de la Fédération nationale du BTP, El Mouloudi Benhamane nous livre une radioscopie du secteur ainsi que les priorités de son mandat.

Les ÉCO : Comment se porte le secteur du BTP ?  
El Mouloudi Benhamane : Lors de l’assemblée générale du 13 octobre dernier, j’ai dressé un tableau de la situation très difficile que traverse notre secteur, pourtant vital pour l’économie   par sa contribution à la création des richesses et des emplois et à la construction du pays et ceci notamment à cause de la baisse de la commande publique amorcée depuis 2012, et qui a pris soit la forme officielle ou à travers les reports et l’annulation des crédits destinés à l’investissement. D’autre part, la situation dans le logement impacte à la baisse l’ensemble de la filière. Ce secteur qui créait en moyenne 60.000 emplois a commencé dès 2012 à en perdre. Or, il ne faut pas oublier que le secteur du BTP est le principal employeur avec l’agriculture. La baisse d’activité se poursuit et se confirme pour fin 2016 ; tout permet de penser que la situation risque de s’aggraver pour 2017. La baisse visible ou déguisée de la commande publique est une tendance lourde qui va perdurer avec tous ses effets néfastes. Rapportée au PIB, la commande publique est en baisse depuis 2012 et quand on sait que les ressources financières publiques se raréfient, il est clair que la tendance baissière continuera.
   
Comment comptez-vous restructurer et dynamiser la fédération pour être à la hauteur des défis qui l’attendent ?
La stratégie de la FNBTP doit se baser sur un travail et une réflexion collective d’équipe, avec la contribution active des membres engagés, motivés et volontaires. Mon programme de restructuration se compose de six axes importants. La restructuration statutaire et organisationnelle de la fédération pour en faire une force de proposition gérée de manière collégiale ; le contrat-programme gouvernement/FNBTP/FMCI afin d’apporter des réponses claires et ambitieuses aux attentes des entreprises ; la formation professionnelle pour répondre aux besoins en compétences des entreprises ; la refonte du système de qualification et de classification des entreprises pour corriger les insuffisances, en généraliser l’application y compris aux projets privés, et en assurer la gestion par la profession ; la réforme de la réglementation des marchés publics, notamment par la mise en place d’une haute instance de pilotage avec la participation de la FNBTP.   Enfin, l’application de la préférence nationale, le recours aux modes alternatifs de règlements des litiges dans les marchés publics et  le développement des ressources financières de la FNBTP sont prévus.

Comment se portent les entreprises du secteur ?
Les entreprises que représente notre fédération vivent une crise préoccupante et leur avenir est incertain. De plus en plus d’entrepreneurs ne savent plus de quoi demain sera fait, et doutent un peu plus chaque jour. La trésorerie des entreprises connaît d’énormes difficultés suite aux retards de paiement. Le dernier rapport sur l’état des impayés au niveau des banques marocaines cite le chiffre de 38 MMDH à la fin juin 2016 pour les secteurs du BTP, de l’industrie et du commerce.
   
Quelles sont les  difficultés que rencontrent les opérateurs du secteur ?
Les opérateurs rencontrent en effet plusieurs difficultés. Il s’agit notamment de la tendance à la baisse des estimations publiques annoncées au niveau des avis d’appels d’offres. On peut citer aussi l’endettement alarmant et démesuré de certaines entreprises leur imposant une fuite en avant pour justifier les crédits contractés auprès de leurs banques. À cela s’ajoute la concurrence déloyale des entreprises étrangères souvent aidées et dopées par leurs gouvernements et par un préjugé favorable de la part de beaucoup de maîtres d’ouvrages marocains. Autre obstacle, et non des moindres, le refus des maîtres d’ouvrages ne dépendant pas du ministère de l’Équipement à appliquer la préférence nationale. Il faut savoir enfin que les banques deviennent de plus en plus frileuses et affichent une réticence déclarée envers notre secteur vu l’analyse de la situation du secteur élaborée par leurs services financiers.

La négociation d’un contrat-programme pour la profession est une priorité. Quels sont les points essentiels que vous comptez mettre en avant ?
Il s’agit principalement de la consécration d’engagements clairs en faveur de l’entreprise nationale de BTP. Cela passe par la généralisation de l’application de la préférence nationale ; la réservation des projets financés par les fonds nationaux aux entreprises nationales ; la révision du taux des intérêts moratoires pour le mettre au même niveau que les taux bancaires que subissent les entreprises ; la régularisation des dettes et arriérés de l’état envers les entreprises ; le maintien d’un niveau minimum d’investissements de l’État pour le BTP ; l’encouragement de l’emploi des jeunes diplômés et favoriser leur formation complémentaire…
   
Vous avez évoqué «la révision des textes régissant les marchés publics en vue d’équilibrer la relation entreprises-maîtres d’ouvrage». À quoi est dû ce déséquilibre ?
La réglementation des marchés publics a connu, certes, beaucoup d’améliorations mais elle reste marquée par une caractéristique fondamentale : tout ce qui peut bénéficier à l’entreprise est laissé à l’appréciation du maître d’ouvrage qui peut ne pas l’appliquer. L’exemple le plus apparent est celui du principe de la préférence nationale. Mais, par contre, tout ce qui est négatif pour l’entreprise est appliqué à la lettre. Ajoutons également que nous n’avons pas une évaluation exacte de l’effectivité de l’application des dispositions positives. Sur le plan institutionnel, la rédaction des dispositions réglementaires reste un apanage de l’administration qui pratique certes la concertation, mais reste maîtresse de la version finale adoptée. Nous préconisons une instance paritaire sous l’autorité du chef de gouvernement pour préparer les modifications réglementaires et évaluer l’application sur le terrain. 


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