Bourse : Fouzi Lekjaa appelle à réveiller le potentiel de la place
Pour le ministre délégué chargé du Budget, le marché boursier serait en décalage avec l’économie réelle. Face au patronat, il plaide pour un cadre incitatif susceptible de relancer les introductions en bourse, sans tomber dans «l’amnistie fiscale» qui trahirait l’esprit de la bourse.
L’indice Masi poursuit son ascension, porté par des valorisations qui reflètent un certain optimisme, nourri par les investissements massifs attendus dans le cadre du Mondial 2030 et les perspectives d’une reprise économique, fragilisée à certains égards, par l’épisode de stress hydrique que traverse le Royaume. En parallèle, le marché boursier peine à attirer de nouvelles cotations : en 2024, seule l’introduction de CMGP Group a été enregistrée, marquant les difficultés persistantes à attirer de nouvelles entreprises sur la place financière.
Ce décalage entre les performances de l’indice phare et la réalité économique a d’ailleurs été souligné par Fouzi Lekjaa lors d’une rencontre avec la CGEM. «Aujourd’hui, la taille de la bourse ne reflète pas celle de notre économie nationale», a-t-il déclaré.
Selon le ministre délégué chargé du Budget, cette déconnexion s’explique en partie par un PIB sous-évalué, qui devrait être ajusté à la lumière des données actualisées du recensement national. Fouzi Lekjaa invite à réfléchir à des leviers d’attractivité sans trahir l’esprit de la bourse. Il exclut toute amnistie fiscale, la jugeant incompatible avec les principes de transparence et de gouvernance.
L’idée est de créer un cadre incitatif clair, qui favorise les introductions sans rogner sur les exigences fondamentales. Cela passe par des règles d’accès adaptées aux PME, une fiscalité avantageuse bien calibrée et une éducation des entrepreneurs aux opportunités offertes par le marché financier.
Révision des dispositifs
Ce décalage s’explique par les freins des entreprises face aux exigences de la cotation. Les entreprises, notamment familiales, restent réticentes à s’introduire en bourse. Transparence accrue, exigences réglementaires et perte partielle de contrôle freinent ces démarches.
Pendant ce temps, les secteurs dominants – banques, immobilier et télécoms – accaparent l’essentiel des échanges, limitant l’attractivité du marché pour les investisseurs. Ce manque d’IPO se traduit par une faible diversification et, à terme, un marché en circuit fermé.
«La culture de l’ouverture du capital reste marginale au Maroc», observe Farid Mezouar, directeur exécutif de FL Markets.
Le développement de la Bourse de Casablanca en tant que levier stratégique pour l’économie nationale passe par une révision des dispositifs actuels. Les incitations fiscales, bien que présentes, demeurent insuffisantes pour attirer un flux significatif d’introductions en bourse.
Selon les professionnels du secteur, leur impact est souvent limité au remboursement des coûts initiaux, sans constituer une motivation décisive pour les émetteurs. Les investisseurs en private equity, qui jouent un rôle clé dans la structuration du capital de nombreuses entreprises, considèrent la bourse comme une solution de liquidité essentielle. Avec un portefeuille potentiel de plusieurs centaines de sociétés, les sociétés de gestion de capital pourraient contribuer au développement du marché boursier.
Toutefois, les défis liés à la culture entrepreneuriale et aux exigences de transparence continuent de freiner les ambitions de nombreuses entreprises. Pour répondre aux objectifs fixés par le Nouveau modèle de développement, qui ambitionne de porter le nombre d’entreprises cotées à 300 d’ici 2035, des ajustements ciblés devront être mis en œuvre. Cela inclut une meilleure adaptation des règles d’accès pour les PME et une communication renforcée sur les avantages stratégiques de la cotation, au-delà des simples considérations fiscales.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO