Bourse : ces entreprises qui parient sur les capitaux frais
En 2024, les augmentations de capital se sont imposées comme un levier majeur pour les entreprises cotées à Casablanca, reflet d’une stratégie orientée vers le renforcement des fonds propres et l’accompagnement des mutations économiques en cours.
La Bourse ne ment jamais. Ce vieil adage trouve toute sa résonance à la Bourse de Casablanca, où les récents mouvements du MASI, stabilisé au-dessus de la barre symbolique des 15.000 points, illustrent l’effervescence du marché en ce début d’année. Une tendance confortée par les nombreuses augmentations de capital observées en 2024.
Dans un contexte marqué par un regain de liquidité et des performances notables – une capitalisation en hausse de 18,5% à fin septembre –, ces opérations reflètent autant l’optimisme des investisseurs que les besoins croissants des entreprises de consolider leurs fonds propres.
Selon les statistiques de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC), ce sont près de 1,77 milliard de dirhams (MMDH) qui ont été levés sur les neuf premiers mois de l’année via des augmentations de capital.
La demande excède l’offre
Les cas d’Akdital et de CIH Bank illustrent parfaitement cette dynamique. Le pionnier de la santé privée, Akdital, a mobilisé 1 milliard de dirhams en juin pour financer une stratégie d’expansion ambitieuse dans un secteur en plein essor. Réalisée sans droit préférentiel de souscription, cette opération témoigne de la confiance de l’entreprise dans sa capacité à attirer de nouveaux investisseurs stratégiques.
La demande, largement supérieure à l’offre, confirme l’attrait des secteurs porteurs comme la santé. CIH Bank, pour sa part, a opté pour une augmentation de capital par apport en numéraire, destinée à ses actionnaires historiques. Bien que cette approche puisse sembler conservatrice, elle met en évidence les besoins croissants de liquidité dans le secteur bancaire, soumis à des exigences prudentielles accrues.
Cependant, cette dynamique varie selon les secteurs. Stokvis Nord Afrique, par exemple, a privilégié une augmentation par compensation de créances, levant 170 millions de dirhams (MDH), une décision qui reflète les contraintes financières pesant sur certains secteurs. À l’opposé, Aradei Capital a choisi une émission ouverte au public, mobilisant 250 MDH pour renforcer sa position dans l’immobilier. Ces opérations, diversifiées, soulignent un marché où les stratégies oscillent entre ambitions de croissance et impératifs de survie.
Au-delà des augmentations de capital, d’autres instruments financiers témoignent des efforts des entreprises pour maintenir leur attractivité sur un marché exigeant. Les programmes de rachat d’actions, notamment ceux d’Attijariwafa Bank et de Maroc Telecom, ont permis de soutenir les cours boursiers tout en renforçant la confiance des investisseurs institutionnels.
Par ailleurs, les emprunts obligataires se sont imposés comme un levier majeur, avec 15 MMDH levés en 2024, selon les données de l’AMMC. Des groupes tels que LafargeHolcim Maroc et Label’Vie ont profité de conditions favorables pour consolider leurs bilans, bénéficiant, notamment, d’une baisse des taux obligataires.
Des fragilités persistantes
Malgré cette activité soutenue, le marché boursier de Casablanca se caractérise encore par des faiblesses structurelles. Les volumes transactionnels, s’ils ont doublé par rapport à l’année précédente pour atteindre près de 50 MMDH, restent concentrés sur un nombre limité de valeurs phares, laissant en marge des secteurs entiers en manque de liquidités.
Face à ces défis, l’AMMC poursuit ses efforts pour renforcer le cadre réglementaire. Une gouvernance améliorée et une plus grande transparence des entreprises cotées pourraient stimuler l’intérêt des investisseurs institutionnels, encore sous-représentés. Les augmentations de capital opérées en 2024 traduisent un optimisme mesuré et une certaine urgence.
Elles incarnent le rôle stratégique de la bourse dans le financement de l’économie réelle, tout en révélant des fragilités qui limitent encore son rayonnement. Autant de défis à relever pour inscrire ces succès dans la trajectoire d’un véritable hub financier africain.
Le MASI se hisse au dessus de la barre des 15.500 points
L’indice phare de la Bourse de Casablanca a franchi le seuil symbolique des 15.500 points, témoignant d’un regain de dynamisme sur les marchés financiers. Avec une capitalisation totale portée à 765,5 MMDH, ce niveau reflète une confiance renforcée des investisseurs.
La progression s’appuie sur des piliers tels qu’Attijariwafa Bank, valorisée à 130,9 milliards et Itissalat Al-Maghrib (Maroc Telecom), à 76 milliards. Le volume des transactions négociées sur le marché s’élève à 830,6 MDH, confirmant l’intensité des échanges. Ces indicateurs, enregistrés début 2025, confirment la solidité des entreprises cotées et renforcent les perspectives d’une économie en regain d’activité.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO