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Bilan carbone pour l’export vers l’UE : Sommes-nous réellement prêts ?

Il ne reste plus qu’environ 300 jours (10 mois), soit le 1er octobre 2023, pour que les exportateurs non membres de l’UE commencent à justifier leur bilan carbone sur les produits qu’ils acheminent vers l’espace européen. Peut-on réellement parler d’un avantage compétitif pour le Maroc ? Détails !

Le compte à rebours est lancé ! Plus le temps de se perdre en conjectures pour décrocher des Label, notamment pour «l’acier Made in Morocco vert», «l’aluminium Made in Morocco vert», «le ciment made in Morocco vert », «l’engrais Made in Morocco vert»… D’autant plus que les jours sont comptés. Il ne reste plus qu’environ 300 jours (10 mois), «soit à compter du 1er octobre 2023 – pour que les exportateurs non membres de l’UE commencent à justifier leur bilan carbone sur les produits qu’ils acheminent vers l’espace européen», en attendant 2026, année de commencement du prélèvement effectif de la taxe carbone aux frontières européennes.

Contacté par Les Inspirations ÉCO, Ismail Akalay, président de l’Association des sidérurgistes du Maroc (ASM), directeur général de Sonasid, explique que son groupe est bien avancé pour être au rendez-vous des enjeux à l’horizon 2026. «Depuis six ans, nous avons investi dans l’énergie verte. Nous venons de démarrer une centrale solaire à Nador d’une capacité de 2 Méga. Ce qui va nous permettre d’améliorer encore plus la consommation d’énergie verte dans la production de notre acier. Nous sommes en train de nous faire auditer par un organisme international qui travaille aussi avec ArcelorMittal pour pouvoir obtenir le Label Acier vert.

Cela pour dire que Sonasid est prêt pour respecter toute la réglementation européenne qui sera mise en place concernant l’acier vert». Pour ce qui est des autres aciéries, le dirigeant explique que seul Maghreb Steel est bien avancé en la matière. «Il a tout un programme de montée en puissance des énergies renouvelables. Pour les autres aciéries, pour le moment, il n’y a rien de défini». Comme on peut le constater, suite à la déclaration du dirigeant, la réalisation de bilan carbone au Maroc attire des prestataires internationaux basés hors du Maroc. Ces derniers ciblent principalement les grandes entreprises aux processus de production complexes.

Imanor va veiller au grain
De son côté, Imanor fait savoir que la formation des vérificateurs des bilans, qui vont être dressés par les consultants locaux ou internationaux, ne va pas être complaisante. A la suite des états des lieux, «Imanor interviendra pour dire deux choses. Premièrement, que le bilan carbone communiqué par l’entreprise est exhaustif et fiable. Deuxièmement, donner son avis sur le plan d’action proposé par l’entreprise, notamment si celui-ci est pertinent et peut atteindre les objectifs de décarbonation.

Ce processus va examiner toutes les matières de substitution et technologies identifiées par l’entreprise pour réduire ses émissions de carbone». Cette étape s’appelle la vérification. Par la suite, Imanor va assurer un suivi. Nos équipes vont revenir dans les entreprises, en fonction des actions à mener et de leur importance, pour s’assurer des progrès réalisés après la délivrance de l’Attestation. Le retrait ou la conservation de cette attestation va dépendre des efforts réalisés par l’entreprise.

L’enjeu est de mettre les entreprises marocaines sur la voie de la décarbonation. Pour l’heure, nous sommes au stade de formation des vérificateurs», explique Abderrahim Taïbi, directeur de l’Institut marocain de normalisation (Imanor). Si les grands groupes sont pour la plupart bien avancés dans l’élaboration de leur bilan carbone, qu’en est-il des moins grands, PME… ? Interrogé sur le sujet, Ismail Akalay donne un avis qu’on qualifierait plutôt de réaliste et qu’on peut appliquer à bon nombre de secteurs d’activité.

«À mon avis, les seules qui pourront être en mesure de faire un bilan carbone sont Sonasid et Maghreb Steel dans le secteur». Si dans le secteur, Sonasid et Maghreb Steel produisent la majorité de l’acier produit au Maroc, et sont de ce fait les plus disposés à en exporter vers l’UE, donc à les labelliser, quel serait l’intérêt des petits industriels de faire un bilan carbone ? Et même si plusieurs leaders d’industries sont avancés dans la décarbonation de leur processus de production, combien ont achevé leur décarbonation ? Et pour les plus avancés, quel est leur taux de decarbonation ? Selon Said Guemra, expert conseil en management de l’énergie, «les taux de décarbonation obtenus à ce jour sont de 15 à 25% avec les plaques solaires sur le toit d’unités de production. Ce qui à son sens est trop peu pour parler decarbonation !»

Mise en œuvre de la taxe carbone européenne. Peut-on réellement parler d’avantage compétitif pour le Maroc ?
Sur le sujet, Said Guemra, expert conseil en management de l’énergie, est beaucoup plus alarmant. Suite à la sortie du ministre de l’Industrie et du commerce affirmant que la taxe carbone représente un avantage compétitif pour le Maroc, il s’interroge. «Comment parler d’un avantage compétitif pour le Maroc, quand notre industrie utilise une électricité des plus carbonées au monde entre 700 et 800 Gr CO2/KWh, surtout à cause du charbon, qui contribue à 68% de notre production électrique». Il soutient que la taxe carbone va pénaliser le surplus de l’empreinte carbone en Gr CO2/unité produite, en comparaison avec celle du pays importateur.

Dans un tel contexte, il demande comment peut-on rivaliser avec un pays comme la France (entre 80 et 100 Gr CO2/kWh) qui représente 65% de nos exportations, et dont le contenu carbone du kWh est sept fois moins élevé que celui du Maroc. Pour lui, «c’est bien plus une énorme pénalité qui s’appliquera à nos exportations ! Pour espérer rivaliser avec la France, il faut décarboner l’électricité à plus de 85%, sans compter l’énergie thermique». Il salue tout de même l’initiative du ministère de la Transition énergétique d’affecter le reste des renouvelables à l’industrie.

À ce titre, il recommande de «commencer les simulations, pour mieux comprendre, les futurs bilans électriques des entreprises marocaines à l’export, entre part renouvelable produite localement, part affectée en hors site, et part pouvant faire l’objet de projets d’efficacité énergétique. C’est le fondement même de la transition énergétique initiée par Sa Majesté le Roi en 2009».

Et d’ajouter : «Si une bonne part de 8 TWh renouvelable produit au Maroc est capable de neutraliser l’empreinte carbone (électricité) à plus de 80%, nous pouvons effectivement parler d’avantage compétitif. Dans le cas contraire, ça peut nous induire en erreur, avec de fâcheuses conséquences, en 2026».

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO


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