Éco-Business

Bank Al-Maghrib. Jouahri plus prudent que jamais

Le gouverneur de la Banque centrale a appelé à la modestie et à l’humilité contre les voix du relâchement budgétaire pour booster la croissance. Il privilégie le ciblage de la dépense publique pour créer une marge en faveur de l’investissement.

Le dernier Conseil de Bank Al-Maghrib a été spécial à plus d’un égard. Il intervient à quelques jours de la rentrée parlementaire et surtout dans un contexte d’expectative quant aux outputs de la future Commission sur le modèle de développement. Ainsi que le débat sur les marges dont dispose le Maroc pour améliorer le rendement de son économie et partant la croissance et l’emploi. Et il s’avère que ces marges sont tellement étriquées qu’il faut faire preuve de vigilance pour ne pas retomber dans les erreurs du passé et à leur tête le Plan d’ajustement structurel des années 1980. Sans oublier que les exemples présents de la Tunisie, l’Égypte ou la Jordanie dont les économies se trouvent sous la houlette du FMI, livrent un exemple tangible sur les risques encourus.

11 MMDH de plus pour la liquidité bancaire
Lors de l’habituel conférence de presse consécutive au Conseil de BAM, Abdellatif Jouahri a usé de toute sa pédagogie et pioché dans sa longue expérience, il est à la tête de la Banque centrale depuis 2003 pour défendre la voie de la sagesse et du maintien des équilibres macros pour préserver les fondamentaux d’une économie saine, capable d’absorber les chocs sans flancher. Le wali de BAM n’est pas venu non plus les mains vides. Le Conseil, à défaut d’agir sur le taux directeur gardé inchangé à 2,25, a décidé de réduire le taux de la réserve monétaire de 4% à 2%. Ce qui se traduit par une injection permanente de 11 MMDH, du pain béni pour les banques dont les besoins de liquidité sont devenus persistants. Cette mesure serait à même d’encourager les banques à octroyer plus de crédits aux entreprises et aux particuliers. Toutefois, ce n’est pas la dernière cartouche de Jouahri qui s’est dit prêt à injecter plus de liquidités si les banques font preuve de volontarisme dans l’octroi de crédits et si la demande s’y prête. Quant aux chantres du relâchement tous azimuts, qui préconisent la baisse du taux directeur, le desserrement du déficit budgétaire et l’adoption d’une inflation positive, Jouahri leur demande des enquêtes et des scénarios avec les modus operandi qui motiveraient leurs théories. Dans le cas contraire, il vaut mieux faire preuve d’humilité et de modestie face à la complexité de la situation économique qui ne dépend pas uniquement de facteurs endogènes, mais reste très liée aux vibrations de l’économie mondiale. «Je préfère garder des cartouches au fur et à mesure qu’on avance car si la baisse du taux directeur allait booster l’économie, on l’aurait fait», a souligné Jouahri pour qui le problème a trait au manque de visibilité et de confiance. Et le wali de BAM d’insister que lorsqu’en 2014 le taux directeur a baissé de 2,5 à 2,25%, le crédit n’a pas augmenté pour autant et ceci malgré toute la politique accommodante de BAM et les autres mesures de financement de la PME.

Le ciblage de la dépense publique en dernier recours
Quelle marge reste-t-il alors pour donner un coup d’accélérateur à la machine ? Si le dernier accord du dialogue social a eu un impact de 0,3% sur la croissance en injectant 14 MMDH entre 2019 et 2021, la marge peut venir, selon Jouahri, du ciblage de la dépense publique à travers celui de la population démunie et la mise en place d’un registre social unifié, initié par le ministère de l’Intérieur. Le responsable a poursuivi qu’en allégeant les dépenses de compensation, le ministère des Finances aura une nouvelle marge pour l’investissement et la relance de l’économie. Autant dire que le gouvernement table sur la rationalisation des ressources existantes dans un contexte où la productivité de l’économie reste faible. Si l’on y ajoute un taux d’endettement du Trésor de 66% du PIB, une dette publique globale qui atteindra 81% du PIB en 2020 ainsi qu’un faible revenu par tête d’habitant, le Maroc se situe en dehors de la médiane des pays à revenu similaire. Il se trouve ainsi bloqué par des facteurs structurels qui demandent beaucoup de temps pour changer de configuration. D’autres facteurs qui ne dépendent pas forcément de la volonté de l’Exécutif peuvent être concluants. Parmi eux, les délais de paiement interentreprises totalisent 400 MMDH, soit 40% du PIB. C’est une vraie maladie qui gangrène le tissu économique, compromettant l’essor de milliers d’entreprises et par ricochet leur capacité à créer de la richesse et de la croissance.

Flexibilité du dirham, la vigilance est de mise
Sur le registre de la flexibilité du dirham, une réunion tenue hier entre Jouahri et le ministre des Finances, Mohamed Benchaâboun, permettra d’y voir plus clair, entre autres sujets au menu dont le projet de Loi de finances 2020. Malgré le fait que durant sa dernière mission au Maroc, le FMI a indiqué qu’il y a une fenêtre ouverte pour élargir la bande de fluctuation du dirham, les autorités monétaires de BAM se disent mieux au fait des conditions propices pour agir. «Notre décision sera conjointe avec le ministère des Finances pour choisir le moment opportun de l’élargissement de la bande», a souligné Jouahri tout en indiquant qu’il faut être sûr de la bonne assimilation par les entreprises de la réforme du régime de change et qu’elles recourent aux outils mis en place. «Nous nous sommes réunis en avril dernier avec la CGEM et sous avons senti qu’il y a encore un effort à faire dans ce sens», a-t-il précisé.

Mobile banking : 360.000  wallets à ce jour
Quid du paiement mobile? Il faut d’abord souligner qu’il s’agit d’un des principaux piliers de la politique d’inclusion financière. À ce propos, le Wali de BAM a souligné que l’interopérabilité suit son cours avec un switch national et 15 agréments octroyés mais les banques veulent du temps pour s’adapter. En tout cas, l’interopérabilité a bien fonctionné entre un nombre d’opérateurs en attendant de l’élargir. Or, il faut encore que l’écosystème soit prêt, que les commerçants soient dûment informés et sensibilisés aux vertus du paiement mobile. Aujourd’hui, l’on recense 360.000 portefeuilles électroniques ouverts, ce qui est qualifié de bon début par Jouahri. 


whatsapp Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp

Évolution des prix des fruits et légumes à Casablanca



Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters



Bouton retour en haut de la page