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Balance commerciale : face au déficit chronique, la production locale s’organise

Le commerce extérieur du Royaume affiche un déficit structurel depuis plus de trente ans. Mais un solde négatif de la balance commerciale n’est pas forcément une alerte rouge s’il provient du dynamisme de l’investissement et de la croissance économique. Les autorités espèrent néanmoins le contenir en faisant le pari de la politique de substitution à l’import.

Depuis plus de trois décennies au moins, le commerce extérieur du Maroc est structurellement déficitaire. Entre les importations incompressibles- produits pétroliers, matières premières et céréales-, la formidable progression des produits finis de consommation à l’import (voitures de tourisme, smartphones, vêtements…) qui a suivi l’émergence de nouvelles classes moyennes urbaines et une offre à l’export concentrée sur des secteurs à faible contenu de valeur ajoutée, le solde de la balance commerciale a toujours été dans le rouge.

L’an dernier -qui n’est pas en réalité un exercice de référence au vu des circonstances dues à la crise sanitaire- le déficit de la balance commerciale était de près de 159 milliards, en recul de plus de 25% par rapport à l’exercice précédent. Cette amélioration apparente du solde commercial est davantage liée à une récession de l’économie nationale (- 6,4% du PIB) qui s’est traduite par un décrochage historique des importations que par des gains de position des exportateurs du Royaume sur le marché international. C’est beaucoup moins que la tendance que l’on avait observée au plus fort de la crise financière de 2008. Toujours est-il qu’un déficit de la balance commerciale n’est pas dans l’absolu une menace grave pour les équilibres de l’économie. C’est un peu comme le cholestérol dans l’organisme. Il y a le bon et le mauvais. Dans le cas de l’économie marocaine, il s’agit plus de la deuxième hypothèse.

Pour autant, les autorités veulent réduire ce déficit en tentant le pari de la substitution à l’import comme dans les années 1980 avec les résultats que l’on sait. Inspirateur de cette politique, le ministre du Commerce et de l’Industrie assure qu’il ne s’agit pas d’accorder une protection aux mauvais, ni aux entreprises qui ne sont pas compétitives, mais de porter des secteurs locaux capables de mieux produire que les concurrents étrangers. Entre 2000 et 2015, le PIB du Royaume a quasiment a été multiplié par deux. L’accélération de la modernisation des infrastructures publiques, l’extension du parc hôtelier, le boom du secteur immobilier et des télécoms dans la première moitié des années 2000, ont dynamisé les importations des biens d’équipement comme jamais par le passé.

Par ailleurs, les entreprises qui opèrent dans l’écosystème de ces secteurs en ébullition avaient saisi cette fenêtre d’opportunité soit pour augmenter leur capacité, soit pour mettre à niveau leur outil de production. L’autre phénomène qui a alimenté le déficit structurel de la balance commerciale tient à l’explosion des importations de produits finis de consommation destinés aux ménages.

Qu’il s’agisse de voitures de tourisme, du prêt-à-porter griffé, de produits d’électroménager, etc. l’extension des classes moyennes dans les grands centres urbains du pays a été un catalyseur de la demande de produits fabriqués moyen haut standing à l’étranger. Cette demande est à lier d’ailleurs avec le développement fulgurant des franchises d’habillement et de restauration. En ce qui concerne les secteurs, il s’est opéré également une redistribution des cartes à l’export. Il y a vingt ans, les phosphates et dérivés, le textile et le tourisme se disputaient le leadership.

En 2014, l’industrie automobile portée par l’usine Renault à Tanger et plus tard, celle de PSA à Kénitra, est devenue le premier secteur du Royaume à l’export même si certains experts lui contestent cette position en mettant en avant (à juste titre) la part de la valeur ajoutée qui reste en dessous de celle des phosphates et dérivés. Après une croissance moyenne de 8,8% entre 2015 et 2019, les exportations de voitures de tourisme ont été freinés par la crise du covid-19 en 2020 en enregistrant une baisse de 12,8%.

Une des locomotives historiques des exportations, le textile-habillement (30 milliards de dirhams à l’export en 2020 et 36,9 milliards l’année précédente), reste toujours une valeur sûre malgré des fragilités structurelles de compétitivité et le raté de la montée sur la chaîne de valeur faute de disposer d’un amont local. Fini l’époque, durant la première moitié des années 2000 notamment où les opérateurs du secteur mettaient leurs difficultés à l’export sur le compte d’un dirham surévalué.

La diversification d’une partie de ce secteur vers le textile technique est peut-être l’avenir. L’industrie textile marocaine a été en 2020 l’un des secteurs qui ont le plus pâti de la crise sanitaire, constate Bank Al-Maghrib dans son rapport annuel. «Les restrictions mises en place pour endiguer la propagation du virus, la baisse de l’emploi et des revenus, côté demande, ainsi que les perturbations de l’approvisionnement en intrants, côté offre, se sont traduites par une diminution sensible de la production et des ventes».  L’an dernier, les exportations de textile-habillement ont plongé de 18,2%. Cette contre performance est beaucoup plus importante en comparaison avec un benchmark composé essentiellement de pays concurrents: République Tchèque (1%), Turquie (5%), Roumanie (17%) et Tunisie (10%).

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO


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