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Approvisionnement en blé : l’Exécutif en ordre de bataille

La facture des importations de blé a atteint près de 10 milliards de dirhams à fin mai, contre 8,6 il y a un an. Imputable à la sécheresse au Maroc, cette hausse s’explique aussi par la flambée des prix, accélérée par le blocage de quelque 20 millions de tonnes de céréales dans les ports ukrainiens. En attendant un retour à la normale des exportations, l’Exécutif envisage plusieurs pistes afin d’assurer un bon approvisionnement du marché national.   

Du début de l’année à fin mai, la valeur des achats du Maroc en orge, blé et huile de soja s’est élevée à environ 15,8 milliards de dirhams (MMDH). La facture de ces produits a augmenté de plus de 5 MMDH comparée à celle de l’année dernière, selon les chiffres de l’Office des changes. Un produit en particulier, le blé, occupe la part la plus importante des importations nationales de céréales avec une enveloppe estimée à 9,8 MMDH au cours des cinq derniers mois, contre 8,6 MMDH il y a un an (+14,8 %).

S’il est difficile d’avoir des chiffres précis sur le volume des importations de blé, il n’en reste pas moins que le Maroc fait partie de la shortlist des plus grands acheteurs de cette céréale en Afrique du nord, derrière l’Egypte et l’Algérie. Outre la sécheresse qui a marqué la campagne agricole, l’aggravation de la dépendance des envois de céréales s’expliquerait aussi par la montée en flèche du cours du blé sur le marché mondial, accélérée par la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

L’heure est à la diversification des sources d’approvisionnement…
Si le Royaume n’importe pas de blé dur d’Ukraine, il se procure du blé tendre de France, qui, à son tour, en achète en Ukraine. Aujourd’hui, la France cherche à aider la Roumanie pour y faire transiter les grandes quantités de céréales bloquées en Ukraine mais se heurte encore à l’absence d’un «cadre» permettant de les faire sortir par la mer Noire à cause du blocus russe. Même si la France parvenait à contourner ce blocus, les spécialistes s’accordent à dire que les prochaines récoltes en Ukraine (à cause de la guerre) et au Maroc (à cause de la sécheresse) ne seront pas au niveau des volumes habituels.

Dans ces conditions, force est de constater que le Royaume se retrouve dans une situation délicate. Conscient de son fort «pouvoir de négociation”, le pays se tourne vers d’autres marchés, notamment en Amérique latine. Le Maroc s’approvisionne, en effet, de plus en plus auprès de l’Argentine et du Brésil. Outre la diversification de ses sources d’approvisionnement, il a mis en place d’autres solutions d’urgence, dont les suspensions des droits de douane sur les importations de blé de février à mi-mai 2021, et de novembre 2021 à avril 2022. Cette suspension aura coûté au budget 550 millions de dirhams.

… et des mesures d’urgence
À ces mesures s’ajoutent de nouvelles restitutions sur les importations. Dans le sillage de la baisse des cours des matières premières, dont celui du blé, l’Exécutif poursuit sa politique de lutte contre la hausse des denrées de première nécessité en mettant en place la restitution forfaitaire à l’importation du blé tendre. Pour les produits en provenance de Russie et d’Ukraine et ceux chargés au niveau des ports de la mer Noire, le montant s’élève à 209,80 DH/q. Pour les autres provenances, il est de 232,54 DH/q.

Cette décision s’applique du 1er au 31 juillet 2022. Pour rappel, une mesure similaire avait été prise le mois dernier avec des montants de restitutions qui s’élevaient, respectivement, à 208,29 DH/q et 258,49 DH/q. Toutes ces mesures sont provisoires en attendant que les offensives diplomatiques pour relancer les exportations de céréales ukrainiennes se concrétisent.

Depuis le début de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, quelque 20 millions de tonnes de grains sont bloquées dans les ports de la région d’Odessa par la présence de navires de guerre russes et celle de mines, posées par Kiev, pour défendre ses côtes. Pour mettre un terme à ce blocus qui prive beaucoup de pays d’une grande quantité de céréales, la diplomatie mondiale se mobilise. À la demande de l’Organisation des Nations Unies, la Turquie, membre de l’Otan et alliée des deux parties en conflit, multiplie les efforts diplomatiques pour faciliter la reprise des livraisons.

Offensives diplomatiques pour un retour à la normale
Début juin, le président du Sénégal et de l’Union africaine, Macky Sall, a rencontré en Russie son homologue Vladimir Poutine pour s’assurer que les envois de blé puissent reprendre de nouveau depuis les ports d’Ukraine. Durant la même période, le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, s’est également rendu à Ankara. Tous ces efforts diplomatiques n’ont pas encore porté leurs fruits en dépit de quelques signaux porteurs d’espoir.

Des experts militaires d’Ukraine, de Russie et de Turquie se sont rencontrés, mercredi à Istanbul, pour discuter des possibilités d’exportation de céréales au départ des ports ukrainiens sous blocus russe. La plus grande discrétion entoure la tenue de ces entretiens à huis-clos entre experts et en présence d’une délégation des Nations Unies, que le ministère turc de la Défense entend garder «confidentielles», selon les médias occidentaux.

Ces derniers notent que ni le lieu ni l’horaire de la rencontre n’ont été rendus publics par le ministère mais la délégation russe a rejoint Istanbul en fin de matinée. Beaucoup s’attendent cependant à une issue heureuse de ce face à face entre russes et ukrainiens, “en terrain neutre”, intervenant dans un contexte de hausse mondiale des prix des denrées alimentaires qui fait peser des risques de famine, en particulier en Afrique.

À l’issue de ces pourparlers, les présidents russe et turc doivent se retrouver à Téhéran la semaine prochaine, le 19 juillet, en marge d’un sommet sur la Syrie, qui pourrait fournir le cadre propice à l’annonce d’un accord. Des responsables turcs ont assuré disposer de 20 navires marchands qui attendent actuellement en mer Noire et pourraient être rapidement chargés de céréales ukrainiennes. Mais le doute subsiste.

La Russie a réitéré mardi son exigence de voir le chargement des navires inspectés afin d’éviter la contrebande d’armes et un engagement de Kiev à ne pas organiser de provocations. Toutefois, sur le terrain, elle n’a pas conduit d’offensive terrestre majeure depuis l’éradication des dernières poches de résistance dans la région de Lougansk, début juillet. Les analystes évoquent une «pause opérationnelle» des forces russes avant l’assaut contre les villes de Sloviansk et Kramatorsk dans l’est.

Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO


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