Agriculture africaine : La croissance passe par l’industrie
Un brief de l’OCP Policy Center jette la lumière sur les implications d’une agriculture moderne en Afrique subsaharienne. Une agriculture morcelée pompe la main-d’œuvre sans pour autant participer fortement au PIB et à la création de richesse.
Le Maroc a fait le choix d’une agriculture bicéphale tournée vers l’export, mais sans pour autant perdre de vue les exigences de la sécurité alimentaire. Le royaume s’est également positionné sur le marché africain à travers la production et l’exportation de fertilisants. L’OCP a joué dans cette dynamique un rôle de locomotive grâce à ses investissements dans plusieurs pays sur le continent et son ancrage dans l’agriculture du futur en modernisant ses process de valorisation des phosphates.
Main-d’œuvre
Pour une meilleure approche des évolutions pas toujours à vitesse égale que l’agriculture africaine a connu durant une décennie, l’OCP Policy Center vient de publier un brief. Il retrace le rôle que le secteur a joué dans la croissance africaine, mais aussi les freins dont il souffre dont l’absence d’accompagnement des autres secteurs de l’économie principalement l’industrie. Contacté par «Les Inspirations ÉCO», Mohamed Rachid Doukkali, chercheur à OCP Policy Center et Professeur à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II, explique à ce sujet qu’en Afrique, l’industrie doit entrer en jeu pour alléger la pression en main-d’œuvre sur l’agriculture.
Le Maroc sollicité
Pour cet expert en économie appliquée en agriculture, sécurité alimentaire et environnement, il y a trop de pression économique et sociale sur l’agriculture africaine, la condamnant au morcellement et à des facteurs de production traditionnels. En effet, 35% de la main-d’œuvre en Afrique se trouve dans l’agriculture, avec des pics de 60% dans certains pays alors que ce pourcentage est compris entre 3 et 10% dans les pays développés avec des résultats agricoles meilleurs. Le Maroc n’échappe pas non plus à cette configuration avec 35% de la main d’œuvre pour une participation dans le PIB de seulement 15%. Mais le Maroc a su développer une agriculture tournée vers l’export tout en améliorant l’infrastructure agricole à travers notamment une irrigation moderne. Il a aussi tourné un peu le curseur vers l’Afrique subsaharienne. Aujourd’hui, entre 12 et 15% des exportations agricoles marocaines vont en Afrique. Sachant aussi que l’irrigation s’est développée en Afrique du Nord et en Afrique du Sud, l’Afrique subsaharienne présente ainsi un marché d’avenir pour le Maroc qui exporte déjà son expertise dans le domaine car l’Afrique regorge de ressources non encore mobilisées par manque d’infrastructures et l’absence d’une politique agricole claire. Le Maroc est aujourd’hui très sollicité, souligne Doukkali, pour aider les pays africains à améliorer leurs productivités car, souligne le rapport, malgré son important potentiel agricole, le continent dépend de plus en plus du marché international pour satisfaire les besoins alimentaires de base de sa population.
Productivité
Si l’on s’en réfère aux chiffres de l’ONU, près de 400 millions de personnes en Afrique subsaharienne, soit 45% de la population continue de vivre en dessous d’1,9 dollars en parité de pouvoir d’achat par jour. L’insécurité alimentaire, en termes de disponibilités, d’accessibilité, de stabilité et de qualité des apports alimentaires, reste préoccupante dans un grand nombre de pays africains. Par ailleurs, il y a lieu de remarquer que la faible augmentation de la productivité agricole s’est traduite par une faible augmentation du revenu. Et pour inverser la tendance, il incombe aux États de mettre en place des mesures efficaces d’amélioration de la productivité agricole. Il n’y a pas mieux que l’investissement dans la R&D pour sortir de ce cercle vicieux. Il faut aussi, comme le prône Doukkali, qu’une agriculture visant l’export se développe pour tirer avec elle les autres filières agricoles et partant réaliser la sécurité alimentaire. L’exemple du Maroc à ce niveau est assez éloquent.
Exporter pour réaliser la sécurité alimentaire
Dans les années trente, le Maroc était pratiquement le premier exportateur de lentilles. On avait même pensé à ce qu’il abrite la première bourse mondiale de lentilles. Ce positionnement, le royaume le devait à une politique tournée vers l’export assez agressive à l’époque, qui n’a pas manqué d’avoir des impacts positifs sur l’approvisionnement du marché interne, mais dès que le Maroc a perdu sa place dans la compétition mondiale dans les années qui suivaient, il est devenu importateur de lentilles. C’est dire combien c’est important d’avoir les yeux rivés sur les marchés mondiaux et ne pas se contenter seulement de satisfaire la demande interne. Celle-ci sera de toute les manière servie par la force d’entraînement d’une agriculture moderne et visible sur les radars mondiaux de l’alimentation.